contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Gerard Petrus Fieret” article 1901
au Bal, Paris

du 26 mai au 28 août 2016



www.le-bal.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 24 mai 2016.

1901_Gerard-Petrus-Fieret1901_Gerard-Petrus-Fieret1901_Gerard-Petrus-Fieret

1/ 2/ 3/  Gerard P. Fieret, Sans titre, 1965-1975. © Gerard P. Fieret, Gemeentemusem Den Haag, Courtesy Estate of Gerard Petrus Fieret.

 


1901_Gerard-Petrus-Fieret audio
Interview de Diane Dufour, directrice du Bal et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 24 mai 2016, durée 14'16". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

“ Ce que je recherche en photographie c’est l’anarchie : dans le contexte d’une société conservatrice, mes photographies sont agressives. Une vie intense, de passion – une passion saine pour la vie –, c’est cela dont elles parlent. ” G. P. Fieret



En consacrant, pour la première fois hors de son pays d’origine, une exposition monographique à l’artiste, poète et photographe néerlandais, Gerard P. Fieret (1924-2009), LE BAL présente une des oeuvres les plus étranges et subversives produites dans les années 1960 et 1970 en Europe. De 1965 – date à laquelle il se procure son premier appareil, un Praktiflex – à la fin des années 1970, ce photographe autodidacte va se livrer à une pratique obsessionnelle et insatiable de la prise de vue. Il photographie tout : des femmes, des jambes, des enfants, des vitrines, des scènes de rue, lui-même, et d’autres femmes, des modèles, des étudiantes, des mères de famille, des danseuses, des anonymes, et puis des fragments de corps, des seins, des fesses, des jambes, des nuques… Ses photographies, tels des miroirs sans tain, lui permettent d’atteindre un paradoxe : en se cachant derrière le viseur, il se révèle et affirme sa présence au monde.

Toujours en noir et blanc. En noirs surtout, parfois troubles, épais et toujours lumineux, magnifiés par des tirages aux dimensions inhabituelles pour l’époque, notamment le format 60 x 80 cm qui lui est cher. Transgressif, hors norme et hors du temps, Fieret malmène l’image et distord le réel à la recherche de « quelque chose de surnaturel, un sentiment d’éternel ». L’exposition au BAL présentera 200 tirages d’époque, sauvés de conditions extrêmes de production et d’une vie nomade d’ateliers en abris : obtenus à partir de produits chimiques et de papiers périmés, parfois séchés et brûlés à la bougie, exposés délibérément aux accidents de la vie quotidienne – poussière, traces de pas, griffures, déjections de souris ou pigeons –, pour la plupart signés et tamponnés compulsivement par leur auteur, ils portent les marques d’une agression permanente tout en étant les ultimes témoins d’une fulgurance disparue.




Fieret Fieret Fieret de Francesco Zanot
[Extrait du texte publié dans le livre accompagnant l’exposition Gerard Petrus Fieret par Francesco Zanot, directeur artistique de CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia, à Turin.]

La démarche de Fieret est typique du street photographer, vorace et insatiable, saisi d’une sorte de furie créative. À la différence des champions du genre, il n’est pas omnivore. Il ne capture pas avidement tout ce qui passe à sa portée et stimule ses pulsions primordiales. Pas de geste cruel et prédateur. Pas de chasse. Fieret ne s’attribue aucune supériorité par rapport à ce qu’il réussit à enfermer dans l’image. Sa photographie n’est pas une déclaration d’autorité. Contrairement à Garry Winogrand, ses femmes ne semblent jamais dominées par la présence du photographe et nouent plutôt avec lui un lien de complicité. Fieret ne photographie pas par instinct mais par amour. Il utilise son appareil pour devenir intime avec les femmes qu’il cadre. Sans perversion, avec un profond respect. S’abandonnant à leur regard et à leur corps avec déférence et docilité. Si chaque portrait, à l’instar de la relation de couple, est aussi une question de pouvoir, ici, le pouvoir appartient entièrement à celle qui pose devant l’objectif. À l’inverse du pornographe qui cherche à mettre mal à l’aise d’innocentes jeunes filles, Fieret est un romantique invétéré : ses photos sont autant de compliments dans une cour galante sans fin.

[…]

Fieret utilise la photographie pour toucher. Tel un enfant dans sa découverte du monde. Chaque détail capturé est comme une main qui s’avance. Elle tâte. Elle expérimente. Les autoportraits qu’il réalise à foison au cours de sa carrière ont la même fonction. Gestes d’affirmation de son identité, comme les signatures et les tampons, il s‘agit aussi d’atteindre à une connaissance de soi. Autoanalyse. De face ou de profil, avec ou sans appareil-photo, posant ou non, dehors ou dans son atelier (où la présence de certaines de ses oeuvres picturales au mur participent souvent à son autoreprésentation), Fieret se découvre, se dévoile, se frôle. Indépendamment de toute intention documentaire, il poursuit une oeuvre de prospection de la réalité. Dans l’excès de chair et de matière, ce ne sont pas les sujets (la chose en soi) qui émergent, mais son rapport avec chacun d’eux.

[…]

Certaines séquences cinématiques, constituées pour la plupart d’images ressemblantes, juxtaposées et tirées sur une seule page, constituent l’apothéose de la tendance à la répétition de Fieret. Confirmant sa veine expérimentale intarissable, elles représentent surtout la limite extrême dans la simplification d’une séquence narrative. Tout se passe entre le point A et le point B. Le début et la fin sont côte à côte. Pas de trame. Pas d’intrigue. Deux photos et le vide qui les sépare. En même temps, elles témoignent de la totale idiosyncrasie de Fieret à l’égard du déchet. Il ne jette rien. Aucun raté, aucune erreur. Si deux images se ressemblent, ce sont deux variantes également appréciables, isolément ou ensemble. Cela vaut aussi pour les tirages. Non seulement il peut exister plusieurs versions (parfois à grande échelle) d’une même image, grandes ou petites, claires ou sombres, solarisées ou non, … mais leur état de conservation n’impose aucune hiérarchie. Même vieux, abimés, mouillés, tachés, les tirages restent toujours valables. Fieret ne se soucie aucunement de les protéger, il les empile, les expose à la lumière directe, laisse son chat les piétiner, accueillant de bon gré leur histoire aléatoire. De leur naissance à leur mort. Le résultat : des pièces uniques. Mais aussi une infinité de feuilles de papier qui pourrissent comme pourrit son corps. Avec une parfaite symétrie. Par-delà tous les mythes d’éternité (de la photographie et du reste). Dans un processus à la fois irréversible et poétique.




Biographie :

Gerard Fieret
naît à La Haye le 19 janvier 1924. Il a deux soeurs Agatha et Anna. Son père quitte la maison familiale en 1926 et sa mère souffre de tuberculose. Enfant instable, il sera pris en charge pendant toute son enfance et son adolescence par des pensionnats notamment jésuites. En 1943, il est envoyé aux travaux forcés en Allemagne.

À la libération, il retourne à La Haye. Il mène dès lors une vie relativement isolée et ne parvient pas à avoir un travail régulier. Après avoir été inscrit une année à l’Académie de Beaux-Art en 1947, il côtoie l’Académie Libre (Vrije Academie, La Haye) fondée par l’artiste Livinus van de Bundt. En 1965, il se procure son premier appareil, un Praktiflex et commence une période de production photographique aussi intense que courte (1960-1975).

À partir des années 1980, il fait don aux institutions muséales hollandaises de nombreux tirages qu’il tient à marquer de sa signature et de multiples tampons. Personnage fantasque, il est une figure marginale mais reconnue de la scène artistique de La Haye, passant d’ateliers en abris où il cohabitera à la fin de sa vie avec 80 pigeons.

En 1992, il reçoit le prix Ouborg (La Haye). À partir des années 2000, sa notoriété devient internationale et il gagne l’intérêt d’un petit nombre de galeristes et collectionneurs américains. Aux Pays-Bas, il est fréquemment exposé aux côtés de photographes contemporains. En 2004, le Fotomuseum Den Haag lui consacre une exposition rétrospective à l’occasion de ses 80 ans. Il décède à La Haye le 22 janvier 2009.



Exposition conçue et produite par LE BAL, CAMERA - Centro Italiano per la Fotografia à Turin et le Fotomuseum Den Haag à La Haye.

À l’occasion de l’exposition, LE BAL et Xavier Barral Éditions co-éditent le livre Gerard Petrus Fieret.