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“Dorothy Iannone” The Story Of Bern (Or) Showing Colors + The (Ta)Rot Pack + A Cookbook
au Centre culturel Suisse, Paris

du 3 juin au 10 juillet 2016



www.ccsparis.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 3 juin 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Dorothy Iannone, (Ta)rot Pack, 1968/69 / Courtesy de l’artiste et Air de Paris.
2/ & 3/  Dorothy Iannone, The Story Of Bern (Or) Showing Colors, 1970 / Courtesy de l’artiste et Air de Paris.

 


1907_Dorothy-Iannone audio
Interview de Jean-Paul Felley, co-directeur du Centre culturel Suisse,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 3 juin 2016, durée 18'32". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Depuis le début des années 1960, Dorothy Iannone (née en 1933 à Boston, vit et travaille à Berlin) s’est fait connaître par une oeuvre féministe et politiquement incorrecte. Composés de peintures, dessins, collages, sculptures, vidéos et livres d’artistes, ses travaux mêlent littérature, mythologie et autobiographie dans un style coloré dont les influences varient entre art populaire, mosaïque byzantine et miniature érotique. Le CCS présente ici l’ensemble des 70 dessins qui compose The Story Of Bern (1970), récit illustré sur la censure subie par l’artiste lors de l’exposition collective Freunde à la Kunsthalle de Berne, et le facsimilé de The (Ta)Rot Pack (1968-69 / 2016), un jeu de tarots évoquant sa relation avec Dieter Roth.




L’art c’est la vie par Vincent Romagny – texte publié dans le magazine le phare n° 23

Alors qu’elle a tout juste une vingtaine d’années, Dorothy Iannone (née en 1933 à Boston) découvrait L’art d’aimer d’Erich Fromm2. Les passages qu’elle soulignait expliquent tout l’oeuvre à commencer par l’objet de son art, l’amour et en particulier la sexualité : « la seule réponse complète [au problème de l’existence] réside dans l’accomplissement de l’union entre deux personnes, dans la fusion avec une autre personne, dans l’amour3 ». D’autres passages soulignés concernent la nécessité d’investir toute sa vie dans son art : « si l’on veut devenir un maître dans quelque art que ce soit, on doit y consacrer toute sa vie, ou, tout du moins, être en relation avec sa propre vie4 ». Aussi son oeuvre est-elle une ode à la sexualité, à laquelle elle aura donné – et continue à donner – une dimension cosmique, et dont un des sujets favoris fut sa passion amoureuse avec Dieter Roth. Ses peintures, dessins, sculptures (sous forme de panneaux intégrant des écrans) représentent systématiquement des scènes d’union sexuelle, les protagonistes étant dessinés au trait, dans un style presque naïf, en position frontale, traités en aplats sur des fonds couverts de motifs mêlés avec ses calligraphies, qui explicitent ainsi le sujet de l’oeuvre et souvent son contexte de création.

En 1968 et 1969, c’est précisément du fait de ces vertus prophétiques et divinatoires qu’elle dessinait les 27 images du (Ta)Rot Pack, dont le titre était un jeu de mots avec une des façons qu’avait son amant d’orthographier son nom. Il illustrait, en autant de vignettes symboliques et métaphoriques, des moments de leur vie commune et amoureuse. Chaque carte énonce ses pouvoirs divinatoires ou fonctions : images de la vie du couple, faisant l’amour ou pas : « Innocence » pour une scène de cuisine, « Cette carte apporte du chagrin » pour une scène d’accrochage dans une galerie d’art, « Peur de la perte » alors qu’ils dorment… Les personnages sont représentés nus et, s’ils sont habillés, leurs sexes sont dessinés au-dessus de leurs vêtements.

The Story of Bern (or) Showing Colors (1970) relate la censure que ses oeuvres subirent la même année à la Kunsthalle de Berne : Dorothy et Dieter sont systématiquement représentés nus, les autres protagonistes avec leurs sexes sur les vêtements. Harald Szeemann avait invité quatre artistes suisses, Karl Gertsner, Dieter Roth, Daniel Spoerri et André Thomkins, à exposer et à inviter, chacun, un artiste de son choix, rêvant de faire une exposition « dans laquelle il n’interviendrait pas4 ». L’ouvrage raconte les atermoiements du commissaire et des autres artistes pour convaincre Dorothy Iannone de cacher les parties génitales (ce qui fut fait sans son accord). Le lendemain du vernissage, Dieter Roth enleva ses oeuvres de l’exposition par soutien pour Dorothy Iannone, dont douze oeuvres avaient été décrochées. Harald Szeemann n’avait pas clairement pris position ni manifesté sa présence ce jour-là. L’épilogue de l’ouvrage raconte les échanges entre Iannone – Roth et les autres artistes ainsi que Szeemann. Il apparut que ce dernier avait laissé les artistes quitter l’exposition afin de ne pas compromettre le futur financement de l’institution, sans distinguer publiquement quels artistes avaient soutenu ou pas Dorothy (André Thomkins fut le seul). Finalement, Harald Szeemann démissionna et l’exposition, présentée à Düsseldorf, ne fut pas censurée.


2. Erich Fromm, The Art of Loving, Harper Colophon Books, 1962 (1956), p. 18.
3. Ibid, p. 110.
4. Dorothy Iannone, The Story of Bern…, p. 7.