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“Joana Hadjithomas et Khalil Joreige” Se souvenir de la lumière
au Jeu de Paume, Paris

du 7 juin au 25 septembre 2016



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 6 juin 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Se souvenir de la lumière, 2016. 2 vidéos HD, couleur, son, durée : 8 min. Coproduction Sharjah Art Foundation, Sharjah. © Joana Hadjithomas & Khalil Joreige. Galerie In Situ — fabienne leclerc.
2/  Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Dust in the Wind, Cedar 4, 6e partie de The Lebanese Rocket Society, 2013. Tirage chromogène sur Diasec et plexiglas sculpté. © Joana Hadjithomas & Khalil Joreige. Galerie In Situ — fabienne leclerc.
3/  Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, Cartes postales de guerre n°1 sur 18, 2e partie du projet Wonder Beirut, 1997-2006. Édition de 18 cartes postales. © Joana Hadjithomas & Khalil Joreige. Galerie In Situ — fabienne leclerc.

 


1910_Hadjithomas-Joreige audio
Interview de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 juin 2016, durée 12'05". © FranceFineArt.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Des artistes chercheurs

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige nous font partager leurs propres recherches. IIs nous invitent à réfléchir sur notre rapport à l’image, sur ce que l’on décide de croire, sur ce que l’histoire décide de garder. Ils s’interrogent sur le pouvoir de l’image et sa possibilité de rendre sensible un invisible. Loin de montrer la violence des conflits, ils s’intéressent aux traces et aux récits, qui entre fiction et documentaire évoquent les évènements passés. « Sommes-nous un rêve, un cauchemar, un accomplissement ? » cette interrogation de l‘écrivaine Etel Adnan, s’inscrit bien dans leur démarche. Comme le disent les artistes toute fiction a une part de documentaire et tout documentaire à une part de fiction. D’autre part comme Jacques Rancière le souligne n’est-ce pas la fiction qui peut attester du réel de notre siècle dans sa dureté la plus radicale ? Pour mener leur enquête les artistes puisent dans les archives et leur histoire personnelle en créant un ensemble multiforme, semblable à un idéal de société cosmopolite. Si ces oeuvres nous saisissent et nous émeuvent c’est aussi parce qu’elles nous engagent. Dans ‪‬Le cercle de confusion‪‬ chaque visiteur peut prendre une des photographies qui composent l’image. Derrière celles-ci se découvre un miroir. Dans ‪‬Wonder Beyrut‪‬, c’est une carte postale de Beyrouth, qui porte des traces de brûlures, que le visiteur peut emmener chez lui. Ces oeuvres dans leur aspect interactif nous renvoient à nous même, nous impliquent et nous responsabilisent. D’autre part à travers elles transparait cette envie de partage, d’aller vers l’autre avec générosité qui se dégage de toute l’oeuvre des artistes.


Effacement et oubli

C’est face à un Beyrouth en ruine que les artistes commenceront à travailler, que faire face à la destruction ? Que montrer ? comment montrer ? Que faire du traumatisme laissé par la guerre ? Quelles sont ces images latentes qui nous habitent comme ces villes où l’on a jamais mis les pieds et qu’on ne connait que par les récits de l’enfance. Comment nous affectent ces images qui sans être conscientes peuvent ressurgir à tout moment ? Comment donner une visibilité à la disparition, à l’absence et à ceux qui n’ont pas le pouvoir ? L’oeuvre des artistes prend de multiples formes, Dans ‪180 secondes d’images rémanentes‪‬, une multitude de photographies créent une mosaïque presque entièrement blanche dans laquelle on devine à peine des silhouettes, à travers les récits personnels des vidéos se dessine une histoire plus vaste. Ne pas oublier, ne pas laisser dans les profondeurs quelque chose qui affectera indiscutablement nos perceptions, notre manière d’être aux monde et aux autres. Garder la vulnérabilité du papier mais aussi la fragilité de l’être. Joana Hadjithomas et Khalil Joreige nous offrent une oeuvre résolument poétique qui nous emmène loin. Une oeuvre qui outre d’être une enquête sur la représentation et l’histoire peut aussi être perçue comme une résistance à l’effacement. Ce qui leur permet de sortir de l’oubli c’est que chacun peut faire ces histoires siennes car elles résonnent intimement en chacun de nous.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaires : Hoor Al Qasimi (Sharjah Art Foundation), José Miguel G. Cortés (Institut Valencià d’Art Modern), Marta Gili (Jeu de Paume) et Anna Schneider (Haus der Kunst Munich).



Cinéastes et artistes libanais, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (1969, Beyrouth) tissent des liens thématiques, conceptuels et formels entre photographies, installations vidéo, films de fiction ou documentaires. Autodidactes, ils sont devenus cinéastes et plasticiens par nécessité au lendemain des guerres civiles libanaises. Leur recherche très personnelle, proche de leurs rencontres, les amène à explorer la sphère du visible et de l’absence, nourrissant un fascinant va-et-vient entre la vie et la fiction. Depuis plus de quinze ans, leurs films et oeuvres artistiques, produits à partir de documents personnels ou politiques, élaborent des récits sur des histoires tenues secrètes face à l’histoire dominante. Ils s’intéressent à l’émergence de l’individu dans des sociétés communautaires et à la difficulté de vivre un présent.

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige construisent leur oeuvre sur la production de savoirs, la réécriture de l’histoire, les constructions d’imaginaires, mais aussi autour des modalités de la narration contemporaine en prenant appui sur l’expérience de leur propre pays tout en dépassant ses frontières. Le processus d’enquête auquel ils ont recours, leur questionnement sur le territoire, autant géographique qu’individuel, confèrent à leur oeuvre une esthétique particulière.

Le rapport à l’image et aux divers médiums que les artistes utilisent interroge la représentation face au flux incessant d’images souvent spectaculaires qui nous entoure, nous structure. Leurs oeuvres ont tenté de montrer ce qui existe sans être immédiatement visible. Ils ont ainsi beaucoup travaillé sur les figures de la latence aussi bien dans leur démarche artistique que cinématographique. « La latence, c’est l’état de ce qui existe de manière non apparente, mais qui peut à tout moment se manifester », expliquent les artistes. Leurs travaux artistiques et leurs films élaborent également différentes stratégies : l’évocation, la raréfaction et la soustraction de l’image, la fabrication de nouvelles icônes, une recherche autour de la narration, du document...

Beaucoup de leurs films et installations fonctionnent sur la participation du spectateur, en quête d’une rencontre face au désir de penser, de sentir, de s’émouvoir, de développer un rapport critique à l’image. Leurs oeuvres rendent compte de la complexité des situations pour déplacer le regard et interroger aussi bien la division du monde d’aujourd’hui que les enjeux contemporains de l’image. Récemment, ils ont exploré un projet spatial libanais totalement oublié ou se sont intéressés à la virtualité d’Internet, à travers des arnaques, les spams et les scams, pour questionner la croyance, les imaginaires de la corruption mais aussi incarner cette histoire alternative du monde contemporain.

Quelles histoires transmettre quand le fil de l’Histoire est rompu, quand il n’en demeure pas de trace visible ? Quelles représentations produire face aux imaginaires dominants et restrictifs ? Peut-on y opposer l’image ou la poésie ?

« Se souvenir de la lumière » offre un regard sur l’ensemble de leurs projets artistiques et cinématographiques de la fin des années 1990 à aujourd’hui, et présente deux nouvelles oeuvres dont ISMYRNE, film coproduit par le Jeu de Paume, et Sharjah Art Foundation, Sharjah. L’exposition du Jeu de Paume propose une relecture du rapport particulier qu’ils entretiennent à l’image et au récit, tout en révélant les approches et stratégies qu’ils ont déployées mais aussi les différentes histoires et recherches dans lesquelles ils se sont immergés. Cette exposition est présentée au printemps 2016 à la Sharjah Art Foundation, puis cet été, pour la première fois en Europe, au Jeu de Paume, avant une itinérance à la Haus der Kunst de Munich, et en 2017 à l’IVAM de Valence.

Le travail de Hadjithomas et Joreige a été montré dans de nombreux musées, centres d’art et biennales internationales, aussi bien à l’occasion d’expositions monographiques que collectives. D’importantes collections publiques et privées ont également acquis leurs oeuvres dont le R. Salomon Guggenheim Museum de New York, le Victoria & Albert Museum et le British Museum à Londres, la Sharjah Art Foundation à Sharjah, et, à Paris, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le Centre national des arts plastiques, le musée national d’art moderne — Centre Pompidou...

Parmi les manifestations internationales auxquelles ils ont participé, on peut citer : le Festival d’Automne, le Festival d’Avignon, les Biennales d’Istanbul, de Lyon, de Sharjah, de Kochi Muziris (Inde), de Gwangju (Corée du Sud), la Triennale de Paris et la dernière Biennale de Venise (2015). Leur exposition individuelle autour des escroqueries sur Internet « Je dois tout d’abord m’excuser… » a été présentée d’abord à la Villa Arson à Nice en 2014, puis à Home à Manchester et au MIT List Visual Arts Center de Cambridge (Massachusetts) en 2015. Leurs longs-métrages ont été sélectionnés dans plusieurs festivals internationaux où ils ont remporté de multiples prix et ont fait l’objet de rétrospectives notamment au MoMA de New York, à la Tate Modern de Londres, au Harvard Film Archives, à Paris cinéma...