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“Jacques Chirac” ou le dialogue des cultures
au musée du quai Branly, Paris

du 21 juin au 9 octobre 2016



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 20 juin 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Masque de théâtre, Période d'Edo, Japon. © Ville de Toulouse. Musée Georges-Labit, inv. 59.1197.
2/  Coiffe de chef, Sioux, 20e siècle. Grande coiffe de chef. Bonnet en feutrine recouvert de duvet d'aigle. Grandes plumes d'aigle en couronne, deux glands latéraux en plumes de couleur. Plume, feutrine, perles. 87 x 69 x 13 cm, 293 g. © musée du quai Branly, photo Claude Germain.
3/  Statuette d’homme debout, Basse Époque (399-300 avant notre ère) Bois. Égypte. © Musée du Louvre, Dist.RMN-Grand Palais / Christian Decamps.

 


1924_Jacques-Chirac audio
Interview de Guillaume Picon, assistant de Jean-Jacques Aillagon, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 20 juin 2016, durée 12'24". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Pour ses 10 ans, le musée du Quai Branly nous montre à quoi ressemble sa devise : “Là où dialoguent les cultures”. La passion de Jacques Chirac pour les arts sert de fil conducteur à une histoire du XXème siècle. Le parcours nous fait cheminer du début du siècle avec sa vision condescendante, cruelle, des indigènes exhibés dans un enclos de zoo au succès du musée du Quai Branly aujourd'hui, bibliothèque de la mémoire des peuples.

Une statuette Bembé côtoie une tête sculptée de Matisse, une femme cuiller de Giacometti répond à une cuiller cérémonielle de Côte d'Ivoire. Ce tissage étroit des arts premiers et de l’art contemporain est la meilleure démonstration de ce qui nous rapproche, l'image d’une humanité diverse dans le temps et dans l’espace mais partageant le même désir de compréhension du réel à travers sa représentation.

Religions et spiritualités se téléscopent ainsi. Une Vierge Yoruba en bois polychrome du Bénin assimile le christianisme en l’intégrant aux traditions locales. Un petit enfant en ivoire sculpté ressemble à un Bouddha debout adressant un signe de paix. Cette statue de Goa représente en fait un très jeune Jésus, réinterprété selon l’iconographie locale. De l'art byzantin et une tête de Bouddha du Pakistan se ressemblent comme frères et sœur. Une tête mérovingienne et un masque Kodiak d’Alaska empruntent aux mêmes codes de stylisation. Notre folklore s'invite également dans cette collection planétaire. Un masque de carnaval d’osier, une statue de saint en bois peint trouvent parfaitement leur place face à une statue papoue. Un assemblage de Tinguely vient disputer aux artefacts anciens la place totémique qui lui revient.

De l’ouverture à l'autre, de son écoute, se forme un engagement politique qu’illustrent les livres d’Aimé Césaire, de Leopold Sédar Senghor. Dans une vitrine, les rayonnages d'une bibliothèque rassemblent les volumes de la collection complète Terre Humaine. L’œuvre est indissociable du potentiel de rencontre et de narration qu’elle offre. Comme des marionnettes de théâtre d'ombre indonésien le rappellent, la culture, l’identité se racontent pour pouvoir se transmettre. Derrière ces objets figés il y a des histoires, des chansons et des danses, c’est comme cela que de l’Afrique à l’Asie, jusque chez les Inuit, les peuples se construisent et évoluent.

L'exposition est triple : si elle est centrée sur le parcours de l’ancien président, elle nous permet de découvrir l'homme curieux et passionné derrière le politique. Elle retrace également les évolutions de notre pensée et de la vision que nous avons des peuples dits primitifs, qui ont conduit à la création du musée. Enfin, la réunion d'objets disparates et éparpillés dans l'histoire dans une sorte de cabinet de curiosités contribue à l’ouverture de notre regard sur nos multiples civilisations. Un nouveau questionnement émerge alors, environnemental cette fois.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Jean-Jacques Aillagon, commissaire de l’exposition
Assisté de Guillaume Picon




Présentation de l’exposition par Jean-Jacques Aillagon

Pour son 10e anniversaire, le musée du quai Branly consacre une grande exposition à son fondateur : l’ancien Président de la République, Jacques Chirac. L’exposition JACQUES CHIRAC ou le dialogue des cultures révèle la construction personnelle et politique d’un homme en résonnance avec ses convictions culturelles. Ce portrait permet, à la fois, de souligner combien les tropismes culturels de l’ancien Président de la République sont les témoins de cette immense révolution culturelle qui a conduit l’Europe du 20e siècle à se défaire, peu à peu, de son ethnocentrisme pour considérer les cultures lointaines avec plus d’intérêt, de respect et de compréhension mais aussi, à quel point « ces préférences culturelles » furent, à plusieurs reprises, les moteurs de cette spectaculaire mutation.

Jacques Chirac, passionné par les arts lointains s’est engagé en faveur d’une approche humaniste de la culture marquant ainsi l’histoire culturelle nationale et internationale. Cette ambition s’est concrétisée en 2006 avec l’ouverture du musée du quai Branly, musée universel du dialogue des cultures, si cher à Jacques Chirac.

L’organisation d’une Saison de Tokyo à Paris, en 1986, avait révélé à l’opinion l’intérêt averti porté par Jacques Chirac à la culture japonaise. En 1994, alors qu’il est toujours Maire de Paris, c’est la programmation d’une exposition sur les Taïnos qui, deux ans après la commémoration, par l’Espagne, du cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique, dévoile, plus largement encore, son amour des cultures lointaines et plus particulièrement celle des « peuples premiers » opprimés.

Président de la République de 1995 à 2007, il donne à son engagement en faveur de la diversité des cultures et de leur dialogue, une expression politique forte. Auprès des instances internationales, il défend le respect de ces principes. En France, il est à l’origine d’institutions qui se proposent de favoriser une meilleure connaissance des cultures lointaines, qu’elles soient illustres comme celle de la Chine ou, longtemps méprisées, comme celles de l’Afrique. C’est ainsi que naissent, au Louvre, le Pavillon des Sessions et le département des Arts de l’Islam et qu’ouvre le musée du quai Branly, dont est célébré cette année le 10e anniversaire.

S’ils tiennent à des traits profonds et précoces de sa personnalité et à la part de libre-arbitre dont dispose chaque individu pour façonner son existence, ces engagements de Jacques Chirac sont également l’expression des évolutions d’une époque, des évolutions intellectuelles de ce 20e siècle qui a appris à considérer les cultures éloignées de la culture européenne avec intérêt d’abord, respect ensuite et enfin admiration. Dans ce processus, les artistes, les poètes, les penseurs, les savants auront joué un rôle éminent. Beaucoup d’entre eux seront admirés par Jacques Chirac et en deviendront parfois les familiers voire les amis. Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, André Malraux, Claude Lévi-Strauss, Jean Malaurie, Pierre Seghers, Yves Coppens, Jean-François Jarrige et beaucoup d’autres sont de ceux là. C’est cependant Jacques Kerchache qui aura joué dans la maturation de la pensée et de la sensibilité de Jacques Chirac un rôle tout particulièrement important et l’aura persuadé de tout faire pour que « tous les chefs-d’oeuvres du monde entier naissent libres et égaux ».

Homme de son siècle, Jacques Chirac est aussi l’un de ceux qui a marqué l’histoire culturelle de son siècle et de son pays de façon forte. Si Georges Pompidou a voulu réconcilier la France avec la culture de son temps, Jacques Chirac aura contribué à la familiariser avec la culture des autres, enjeu crucial pour l’avenir paisible des sociétés occidentales.

L’objet de cette exposition est de mettre en valeur cette double dette. Dette de Jacques Chirac à l’égard de son siècle. Dette du 20e siècle finissant et du 21e siècle naissant à l’égard de celui qui aura dans diverses responsabilités publiques, dont la présidence de la République, joué, dans notre pays, un rôle politique si important. L’exposition est aussi l’esquisse d’un portrait culturel d’un homme qui a si longtemps voulu accréditer l’idée selon laquelle il était dépourvu de tout intérêt pour la culture alors qu’elle constituait son jardin secret et le ressort de son existence.

L’exposition dont le commissariat m’a été confié tente de dresser, de l’homme privé et public qu’est Jacques Chirac, un véritable portrait culturel. À travers plus de 150 oeuvres issues des collections publiques et privées françaises et étrangères et une soixantaine de dates clés, correspondant à des événements majeurs de l’histoire générale, de l’histoire culturelle ou encore de la vie de Jacques Chirac, on peut, ainsi, progressivement et selon différents thèmes, croiser les fils du destin d’un homme et ceux de l’histoire des civilisations extra-européennes. Chacune de ces dates clés est évoquée par une ou plusieurs oeuvres ainsi que par du matériel documentaire se rapportant tant à l’histoire, en général, qu’à celle du « héros » de cette aventure. Les oeuvres sélectionnées puisent largement dans les collections des musées nationaux, tout en s’autorisant des prêts extérieurs pour soutenir la force et l’éclat du propos.