contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Africa Pop” article 1948
Les Rencontres de la photographie, Arles

du 4 juillet au 25 septembre 2016



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite des expositions, le 9 juillet 2016.

1948_Africa-Pop1948_Africa-Pop1948_Africa-Pop

Légendes de gauche à droite :
1/  Malick Sidibé, Regardez-moi!, 1962. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie MAGNIN-A, Paris.
2/  Maud Sulter, Hélas l’héroïne : Madame Laura est chez elle, 1993, série Syrcas. Avec l’aimable autorisation de The Maud Sulter Estate et Autograph ABP.
3/  Uche Okpa Iroha, A Room for a Favour, série The Plantation Boy. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Comment créer, modifier et promouvoir l’image de tout un continent et de ses populations sans s’engouffrer à nouveau dans des clichés réducteurs et, à force, dévalorisants ? Quelles sont les voies explorées ? Peuvent-elles donner une ouverture vers une image mobile et dynamique ou n’offrent-elles que des emprunts ou la fabrication de nouveaux stéréotypes ? On sait qu’ici la photographie peut être particulièrement pernicieuse. Faut-il promouvoir une ou des identités singulières ? Ou bien sortir de l’absence totale de représentation en exigeant sa place historique dans les arts en Occident ? Faut-il s’approprier les canons et les classiques de la culture européenne et les africaniser, les passer dans un « bain afro » pour un infini Remix ? Ou faudrait-il prôner la voie du Tout-Monde proposer par Edouard Glissant ? Les solutions sont multiples, les tentatives de plus en plus nombreuses et c’est peut-être dans la promotion de cette diversité des approches que l’on peut susciter le mouvement. A moins que ce ne soit dans le refus du réflexe identitaire et de la catégorisation géographique.

Ici, sous le titre d’Africa Pop, les Rencontres proposent trois expositions qui traitent directement ou indirectement de cette problématique de la représentation des populations noires et de leur présence dans les manifestations culturelles et dans l’histoire de l’art. Dans l’esprit de la programmation actuelle, elles croisent les disciplines artistiques en mêlant à la photographie la littérature et les arts plastiques (Syrca), la musique (Swinging Bamako) et le cinéma (Tear my bra).

Avec Syrca (1993), Maud Sulter, artiste ghanéo-écossaise (1960-2008) utilise le photomontage pour exposer dans une confrontation radicale des univers culturels différents. Perdue quelque peu dans la Chapelle de la Charité, l’exposition présente la forme originale de la série connue auparavant dans un grand format. Construit à partir d’un fonds de cartes postales, le travail, inspiré par des photographies de Sander (Circus), questionne , par incorporation, juxtaposition ou superposition d’images, les récits historiques et les représentations. Ici, Maud Sulter ne crée pas d’images inédites, mais cherche à faire bouger les représentations collectives en manipulant les productions antérieures. A ce travail, se joint une création littéraire, Blood Money : un récit bref autour d’une famille afro-allemande, victime de l’Holocauste. La série qui questionne aussi, à travers ses titres et quelques images, l’histoire française, prend son sens avec le récit littéraire.

L’exposition Bamako swinging au Couvent Saint-Césaire nous projette au temps des indépendances africaines et des solidarités internationales socialistes. A travers la chronique de l’aventure de dix musiciens partis en formation à la Havane (les Maravillas de Mali), conjuguée aux travaux de Abdourahmane Sakaly, Malick Sidibé et Sadio Diakité, l’histoire malienne est questionnée dans ses espoirs sociétaux et ses violences politiques. Au début des années 60, apparaissent des artisans photographes locaux qui se font chroniqueur des cérémonies familiales et des soirées festives. En studio, ils fixent la jeunesse malienne dans son désir de modernité. Avec les indépendances, des photographes africains produisent leurs propres images dans des mises en scène léchées et enjouées que les collectionneurs et les instances culturelles européennes ont su célébrer. Pourtant, clôturant le parcours, la série contemporaine de Karen Paulina Biswell chantonne une mélodie triste qui résonne comme un constat d’échec. L’élan suscité par l’histoire les Maravaillas de Mali et leur succès panafricain qui a motivé cette exposition, aurait pu initier des pratiques nouvelles, hors des voies déjà explorées, à l’instar de Personne et les autres, présenté à la dernière Biennale de Venise par Vincent Meessen.

Tear my bra au Ground Control, près de la gare, est une proposition curatoriale d’Azu Nwagbogu, directeur du photofestival de Lagos. A travers le travail de 12 artistes photographes ou vidéastes, originaires du continent ou pas, il explore la puissance créatrice de la fabrique à images nigériane, Nollywood, deuxième industrie cinématographique au monde par le nombre de films produits. La collection d’affiches présentée donne à voir un kitch sanguinolent qui résonne avec l’aventure photographique d’Hara-Kiri exposée à la Grande Halle. A l’instar de la Blaxploitation des années 70, l’industrie de Nollywood est drivée surtout par des désirs d’enrichissement qui ne visent pas la qualité du produit. Comme Hollywood et Bollywood auparavant, elle est la marque d’une économie montante et conquérante. Par sa vitalité, elle brasse et attire aussi d’immenses talents qui rencontrent le succès au-delà des frontières du Nigéria qui suscitent d’autres aventures cinématographiques. Comme si, à présent, la production nollywoodienne s’avérait être l’agent fédérateur le plus puissant du continent, plus performant que le studio de photographie, peut-être même plus percutant que l’afro-beat. Dans ce sillage, à travers la programmation de Tear my bra, on voit se profiler des pratiques talentueuses. On attend impatiemment la prochaine vague qui apportera certainement encore des pépites inédites.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Une Afrique décalée, une Afrique pop, pleine d’humour et de surprises, mise en valeur par des photographes et des commissaires talentueux.



Maud Sulter Syrcas
à la Chapelle de la charité

Commissaire de l’exposition: Mark Sealy.


Tout au long de sa carrière et par le biais de différents supports, Sulter a questionné le manque de représentation des femmes noires dans l’histoire de l’art et la photographie, et examiné de manière critique les expériences complexes de la diaspora africaine au sein de l’histoire et de la culture européennes ces six derniers siècles. À travers la technique du photomontage, Syrcas tente de réanimer l’histoire oubliée du génocide des Noirs européens durant l’Holocauste. L’artiste juxtapose une imagerie canonique de l’histoire de l’art européenne classique et des objets d’art africains, le tout superposé à d’anciennes cartes postales de paysages alpins pittoresques. Constitués de multiples couches, les tropes visuels créés par les photomontages sont intimement liés à l’idéologie nazie, aux questions de pureté raciale et à la présence africaine en Europe, tandis que l’assemblage brut des différents éléments visuels renvoie aux albums pour enfants.




Swinging Bamako La fabuleuse histoire des Maravillas de Mali
au Couvent Saint-césaire

Commissaires de l'exposition : Richard Minier, Thomas Mondo et Madé Taounza.


1960 : le Mali accède à l’indépendance. En pleine guerre froide, il choisit d’intégrer le bloc socialiste et de couper définitivement les ponts avec son passé colonial. C’est dans ce contexte politique marqué que sept jeunes étudiants maliens sont envoyés à Cuba en 1964. Le groupe, qui se formera un an plus tard à La Havane sous le nom Las Maravillas de Mali, va alors symboliser bien malgré lui les alliances passées avec le bloc de l’Est, et représenter la face joyeuse d’un « internationalisme prolétarien » dont Cuba se veut le leader. Odyssée digne d’un Retour vers le Futur entre Bamako et La Havane, Swinging Bamako est une déambulation polysensorielle qui mêle la petite et la grande histoire, la naissance de l’Afrique postcoloniale, terre de nombreux enjeux, et celle d’un des plus grands groupes de musique africains de tous les temps. Pour comprendre l’Afrique d’aujourd’hui, il faut se replonger dans son passé…
Richard Minier, Thomas Mondo et Madé Taounza




TEAR MY BRA* Drames et fantaisies dans le cinéma de Nollywood... et son influence sur la photographie africaine contemporaine

Commissaire de l'exposition : Azu Nwagbogu, assisté de Maria Pia Bernardoni.


Antoine Tempé (1960), Iké Udé (1964), Uche Okpa Iroha (1972), Joana Choumali (1974), Zina Saro-Wiwa (1976), François Beaurain (1976), Andrew Esiebo (1978), Nicolas Henry (1980), Omar Victor Diop (1980), Kudzanai Chiurai (1981), Karl Ohiri (1983), Adeola Olagunju (1987)

Nollywood est le terme familier désignant l’industrie cinématographique nigériane actuellement en plein essor. Phénomène interculturel à l’origine de la production de plus d’un millier de films chaque année et de la circulation de plusieurs milliards de dollars, les films de Nollywood ont un énorme impact sur l’histoire du cinéma et la culture visuelle contemporaine africaine. Budgets limités, faux sang peu réaliste et réinterprétations étranges de l’intrigue classique du boy meets girl sont la triple marque de fabrique de l’industrie nollywoodienne dont le public ne cesse d’augmenter. Le succès de cette industrie illustre le fait qu’il existe non seulement une demande, mais également une vraie connexion et peut-être même une contribution à la mondialisation de l’esthétique, tout du moins en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest. Le titre de cette exposition est un hommage aux titres traditionnels de Nollywood, la plupart du temps aussi dramatiques qu’irrémédiablement ambigus.

*Déchire mon soutien-gorge !