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“Hara Kiri Photo” article 1950
à la Grande Halle, parc des Ateliers, Les Rencontres de la photographie, Arles

du 4 juillet au 25 septembre 2016



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 9 juillet 2016.

1950_Hara-Kiri1950_Hara-Kiri

Légendes de gauche à droite :
1/  Bison Bourré, Hara Kiri, 1978. Photographe : Alain Beauvais. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.
2/  L’Équipe d’Hara Kiri a testé le Concorde, Hara Kiri, 1983. Photographe : Jacques Chenard dit Chenz. De gauche à droite : Gébé, Reiser, Cabu, Wolinski, Georges Bernier alias Professeur Choron, Cavanna, Willem, Jean Fuchs. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Incroyable ! Né de la rencontre d’un tendre à la lame tranchante (Cavanna) et d’un irrévérencieux audacieux et mégalomane (Bernier, allias Professeur Choron) - qui ont su, tous deux, drainer et porter de multiples talents -, le mensuel Hara-Kiri, fleuron du mauvais goût et de l’humour graveleux, peut encore nous faire mourir de rire, et ce, plus de 30 ans après la disparition du mensuel. Preuve en est, l’exposition Hara-Kiri photo visible aux Rencontres d’Arles, qu’il n’est pas possible de parcourir sans pouffer ou éclater (de rire).

Parodiant les pratiques photographiques en vogue dans la presse et la publicité française à ce moment-là, les délires fantasques et insolents de l’équipe d’Hara-Kiri portés par la photographie, offrent un formidable coup d’oeil - festif et railleur - à la fabrique des images de ces années 1960 à 1980. Depuis la photo de presse (avec Les faits puis Les photos parlantes), jusqu’au Catalogue publicitaire des 3 suisses (renommé Catalogue des trois belges), en passant par les romans-photos et les produits promotionnels, rien des astuces des publicitaires et faiseurs de campagne, ne sera épargné. Tout sera singé : les couv’ sensationnelles, les romans-photos improbables, les pubs racoleuses.

Les outils sont détournés, les messages sont raillés et l’instrument photographique est au cœur de cette goguenardise. L’usage du tape-à-l’œil et de la mise en scène est magnifié en même temps qu’il est ringardisé. Le choc des photos est renvoyé à son obscénité. Les couleurs criardes siéent à merveille la crudité ce que qui est mis en scène : caca, pipi, morve, nichons, bites, sang, soulardise et égrillardise. Le ton vulgaire sert aussi la dérision des grands thèmes nationaux : le Concorde, Bison futé, les grandes vacances, les élections, les manifestations, etc. 20 ans d’histoire française par le petit bout de la lorgnette.

Cette traversée nous permet de côtoyer les procédés en cours à cette époque. Dans l’exposition, la juxtaposition de prises de vues originelles (sous forme de planche-contact) et du produit fini (les pages du magazine) nous révèle des techniques de photomontage, retouche et trucage, qui existaient - on le voit là encore une fois - bien avant l’arrivée de Photoshop. Aux commandes de l’appareil photo, un photographe de quartier (Michel Lepinay), puis des professionnels aguerris (Jacques Chenard dit Chenz pour la photo, relayé plus tard par Alain Beauvais ; Jean-Jacques Cartry pour la retouche et les trucages) et des débutants audacieux (les Lambau, c’est-à-dire Xavier Lambours et Arnaud Baumann au début de leur carrière). Thomas Mailaender et Marc Bruckert, commissaires de l’exposition, se sont mis en chasse des archives photographiques disponibles.

De la planche-contact vintage au wallpaper, de la maquette dessinée du roman-photo aux objets promotionnels, l’exposition alterne images d’époques et retirages, archives et impressions modernes. La scénographie, utilisant le médium photographique sous ses nombreuses formes, opère ainsi un mixage efficace des sources visuelles. Il rythme le parcours circulaire. A mi-chemin, au centre du cercle, on pénètre dans la rédaction du journal, dans le vaisseau fou du couple Cavanna / Choron. On se retrouve au milieu de l’une de ces séances de bouclage que l’on disait paillardes, et même parfois orgiaques. Les Lambau y ont participé. Ils les ont parfois photographiées.

Cette exposition construite autour de l’usage de la photographie par l’un des journaux les plus impertinents que la presse française ait connu, dit long sur les pouvoirs du médium. Souvent plus près de l’artifice, de la rouerie que de la vérité, la photographie est une mise en scène, d’autant plus efficace qu’elle est souvent scénarisée par des organes de presse et de communication. L’équipe d’Hara-Kiri s’en est servie. Elle a retourné l’instrument de communication de masse pour railler le pouvoir et défier le bon goût. Et cela fonctionne toujours.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l'exposition : Thomas Mailaender et Marc Bruckert.



Vingt-cinq ans d’une histoire orgiaque et chaotique : de 1960 à 1985, Hara Kiri, journal « bête et méchant » a attaqué la société française à la grenade de l’humour, de la provocation et du détournement. Pourtant, si Hara Kiri a révélé trois générations de dessinateurs, on occulte trop souvent la place remarquable de la photographie dans son succès et sa postérité. De cette épopée bruyante et grandiose, nous avons retrouvé de nombreux intervenants : les photographes encore vivants, celles et ceux qui ont posé devant l’objectif, des photos originales retouchées (à la gouache puis à l’aérographe), des tirages pour la photogravure, des cartes postales et objets promotionnels… Au-delà du « bête et méchant » un peu réducteur, de la scatologie, de la brutalité graphique et de la dérision totale, ces images, sorties de leur environnement éditorial, évoquent un surréalisme quotidien, une poésie saugrenue proche de la performance, dans une société française en pleine mutation.

Thomas Mailaender et Marc Bruckert