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“PARIS” 18ème Prix Fondation d’entreprise Ricard
à la Fondation d'entreprise Ricard, Paris

du 6 septembre au 29 octobre 2016



www.fondation-entreprise-ricard.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 5 septembre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Clément Cogitore, We are Legion, 2012. Photographie 120x100 cm.
2/  Louise Sartor, Out and about #2, 2015, gouache sur papier, éclat de verre, 13x10,5 cm.
3/  Anne Imhof, Deal, 2015. MoMA PS1, New York, USA. Video HD, 21 min. Courtesy the artist and Galerie Isabella Bortolozzi, Berlin. Photo: Nadine Fraczkowski

 


1955_PARIS audio
Interview de Isabelle Cornaro, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 septembre 2016, durée 6'27". © FranceFineArt.

 



Le 18ème Prix Fondation d'entreprise Ricard a été décerné à Clément Cogitore.

Ce prix, décerné par un jury de collectionneurs et de professionnels, lui a été remis lors du Bal Jaune le 21 octobre dernier. Il consiste en l'acquisition d'une œuvre du lauréat laquelle est offerte et exposée au Centre Pompidou, dans les collections du Musée national d’art moderne. La Fondation d’entreprise Ricard donne aussi au lauréat la possibilité de réaliser à l’étranger un projet personnel.


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Faux lambeaux de magazines de mode ou de pages publicitaires, les miniatures peintes de Louise Sartor imitent la photographie et ressemblent à des bouts de papiers glacés déchirés. Les fragments de corps que l’on y voit font peau de l’artifice du bien paraître, du chic et du clinquant. Le bling bling n’est pas loin. Pas de visages apparents, ils sont dans le hors-cadre que crée la déchirure, ou plutôt l’imitation de la déchirure, car tout est peinture et leurre dans ces semblants de bouts de papier. Ils parsèment l’espace de la Fondation, comme des reliques oubliées.

A l’entrée, didactique, Will Benedict joue le cadre de la toile comme un espace mental socialisé : association d’idées et d’images par collage ou plutôt par incrustation. L’artiste force la prise de conscience en imbriquant comme des inserts pédagogiques. Ici l’image de Tyrone Hayes (biologiste éclairé) détourée et imprimée dans une épreuve photographique magenta, côtoie une oreille dessinée, incorporée comme une seconde toile dans le cadre initial. Jouant littéralement sur plusieurs tableaux, celui de l’histoire de l’art, celui de l’imagerie populaire, alliant photographie, dessin, recyclant des matériaux d’encadrement, Will Benedict risque aussi le message politique.

A l’autre extrémité de la Fondation Ricard avant le bar, les plans de Blow-up (Antonioni, 1967), rare film ayant eu pour sujet la photographie, sont imprimés un à un et directement lancés dans une colonne rectangulaire, dont les parois sont des miroirs. Au fur et à mesure de la lente progression de l’impression vers le bas de la colonne (seule action présente à l’écran), l’image est spéculairement(1) décuplée jusqu’à l’innombrable. On aurait presque voulu s’asseoir pour expérimenter le visionnage prolongé de ce film de 105 minutes qui dans sa rythmique un peu violente (le clac de la sortie d’impression, le glissement saccadé de l’image vers le bas) fascine par sa répétition mécanique.

Toutes ces œuvres, rassemblées par Isabelle Cornaro, usent d’images retraitées et scénarisées par leur propre forme. Elles empruntent un accent clairement politique et événementiel dans les films projetés telles des actualités, un étage plus bas dans un espace de la galerie marchande. L’extrême mise-en-scène du « succès » nord-coréen (Marie Voignier), l’abus de diffusion télévisuelle de la répression d’une prison en Turquie (Clarisse Hahn), le récit de la folie subite d’un commandant de sous-marin nucléaire (Clément Cogitore) ; ici, le travail de la forme, essentiel, est plus discret et vise la ressemblance avec le reportage ou la chronique touristique. C’est que les artistes se risquent à détourner des productions audiovisuelles pour perturber le régime d’information dominant. Que la projection prenne place dans un passage marchand à deux pas de l’Elysée est un choix de circonstances qui prend valeur, peut-être involontairement, de déclaration publique.

Dénotant quelque peu de l’ensemble proposé, les œuvres de Anne Imhof et de Mélanie Matranga exploitent aussi la force du détournement et du leurre avec des décors monumentaux aussi envahissants que structurants, aussi apaisants qu’étouffants. Au milieu de tout ça et dans des conditions de monstrations difficiles, on arrive tout de même à mesurer la force d’une rayure imparfaite et incertaine qui parcourt le bas de la surface lissée de trois grands monochromes sombres d’Anne Imhof. Là encore, l’image dans son altération et son détournement porte valeur politique.

Mireille Besnard

NDLR (1) Spéculairement, adv. À la manière d'un miroir


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Isabelle Cornaro



avec les artistes : Anne Imhof, Clarisse Hahn, Clément Cogitore, Julien Crépieux, Louise Sartor, Marie Voignier, Mélanie Matranga et Will Benedict.

La Fondation d'entreprise Ricard présente cet automne la dix-huitième édition de son Prix, organisée par Isabelle Cornaro. Comprenant un ensemble d'œuvres de huit artistes, exposé dans l'espace de la Fondation et dans un cinéma attenant, l'exposition souligne, par-delà la diversité des pratiques, l'usage d'une iconographie contemporaine, c'est-à-dire d'images indexées sur l'actualité ou simplement marquées par les circuits de l'information. Les artistes manifestent également une attention commune au contexte d'origine des formes et à leur transformation par l'œuvre. En ce sens, ils partagent une pratique du montage, pensé tantôt comme coupe physique (le cadrage qui fixe le mouvement du corps ou qui ne retient que ce qui est nécessaire à la narration), tantôt comme modification dans la continuité temporelle (le montage qui interroge l'organisation et l'enchaînement des segments narratifs). Les œuvres présentées, qu'elles soient filmiques, picturales, performatives ou installatives, oscillent ainsi entre captation et fixité, entre représentation et incarnation et répondent, en ce sens, au désir de former des situations visuelles.

Remise du 18ème Prix Fondation d'entreprise Ricard
Le Prix Fondation d'entreprise Ricard sera remis le 21 octobre prochain. Ce Prix est décerné par un jury de collectionneurs, amis des grands musées d’art contemporain, et des commissaires des précédentes expositions du Prix Fondation d’entreprise Ricard. Il consiste en l'achat d'une œuvre au lauréat. Cette œuvre est ensuite offerte au Centre Pompidou qui la présente dans ses collections permanentes. La Fondation d’entreprise Ricard renforce la dotation du Prix en finançant également la réalisation d’un projet personnel du lauréat à l’étranger.


Biographies


Anne Imhof
(née en 1978) est une artiste allemande basée à Paris et Francfort. Elle a étudié à la Städelschule, Frankfurt am Main. Anne Imhof pense la performance dans un champ élargi et en particulier dans une perspective prenant en compte sa documentation et les modalités de sa transmission dans une réflexion sur la relation entre public, événement et documentation. Il en résulte une approche lui conférant différentes formes de visibilité dans le temps et dans l’espace comme le dessin, l’installation ou la vidéo. Elle est représentée par la galerie Deborah Schamoni, à Munich et Isabella Bortolozzi, à Berlin.

Clarisse Hahn est née à Paris en 1973 où elle vit et travaille. Après l’obtention d’une Maîtrise en Histoire de l’Art à la Sorbonne, elle continue sa formation aux Beaux-Arts de Paris. A travers ses films, ses photographies et ses installations vidéo, Clarisse Hahn poursuit une recherche sur les communautés, les codes comportementaux et le rôle social du corps. Elle est représentée par la galerie Jousse entreprise, à Paris.

Clément Cogitore (né en 1983 à Colmar) vit et travaille entre Paris et Strasbourg. Après des études à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains, Clément Cogitore développe une pratique à mi-chemin entre cinéma et art contemporain. Mêlant films, vidéos, installations et photographies son travail questionne les modalités de cohabitations des hommes avec leurs images. Il y est le plus souvent question de rituels, de mémoire collective, de figuration du sacré ainsi que d’une certaine idée de la perméabilité des mondes. Il est eprésenté par les galeries Eva Hober, Paris et Reinhard Hauff, Stuttgart

Julien Crépieux est né en 1979 en Normandie. Il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’école des Beaux-Arts de Montpellier. Que ce soit en réalisant des films, des installations, ou des collages, le travail de Julien Crépieux propose des dispositifs originaux, par l’appropriation d’images, de films, de textes, de musiques dont il détourne le mode d’apparition, donnant lieu à des œuvres empreintes d’une dimension aussi bien formelle que poétique. Il est représenté par la galerie Jérôme Poggi, à Paris.

Louise Sartor (née en 1988) vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (2012) et de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. (2015).

Marie Voignier est née à Ris-Orangis en 1974. Elle vit et travaille à Paris. Elle pratique la photographie avant de rentrer à l'école des Beaux-Arts de Lyon dont elle est diplômée en 2004. Elle réalise depuis principalement des vidéos. Son premier long métrage L'hypothèse du Mokélé-Mbembé est sorti en salle en 2012. Son travail est à la fois montré dans des festivals de cinéma et dans des lieux d'art. Elle est représentée par la galerie Marcelle Alix, à Paris.

Mélanie Matranga (née en 1985 à Marseille) vit à Paris, où elle a étudié à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (ENSBA). Les dessins, sculptures et vidéos de Mélanie Matranga mêlent des signes renvoyant à l’intériorité et des éléments liés à des attitudes et des habitudes sociales. Ensemble, ils composent des lieux où le singulier paraît se diluer dans le commun, et où l’intime se retrouve découvert, exposé. Elle est représentée par la galerie Karma International, à Zurich.

Will Benedict est né en 1978 à Los Angeles. Il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’Art Center College of Design de Pasadena (2004) et de la Städelschule de Francfort (2006). Tout l’œuvre de Will Benedict semble consister à faire se côtoyer ces deux mondes parallèles que sont le réel et celui des images, deux mondes parallèles qui bien souvent se croisent, en une réflexion sur les conditions de possibilité — ou d’impossibilité ? — de l’image médiée, médiatisée, médiatique… Il est représenté par les galeries Balice Hertling, à Paris, Bortolami, à New York et Dépendance, à Bruxelles.


La commissaire : Isabelle Cornaro (née en 1974 à Paris, où elle vit et travaille) s'intéresse aux relations qu'entretiennent les objets – notamment décoratifs – et la notion de valeur dans l'histoire de l'art, à travers les problématiques de la représentation, de la perception et de la reproduction. Elle explore également les possibilités de transcription des formes et du langage (transposition de figures peintes en objets, de films en partitions graphiques, de techniques artistiques anciennes dans une pratique contemporaine, du vocabulaire de l'art minimal dans un langague émotionnel, etc.). L'artiste créé une ambiguité en instaurant une tension entre les dimensions analytiques, symboliques, lyriques et anecdotiques, interrogeant la manière dont nos perceptions du monde le contruisent, lui et ses usages. Elle travaille avec différents supports et techniques, de l'installation au dessin en passant par la peinture, la sculpture et la vidéo.
Lauréate du Prix Ricard 2010, Isabelle Cornaro a notamment exposé au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, au Palais de Tokyo et au Sculpture Center à New York.