contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Rembrandt intime” article 1969
au Musée Jacquemart-André, Paris

du 16 septembre 2016 au 23 janvier 2017



www.musee-jacquemart-andre.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 15 septembre 2016.

1969_Rembrandt1969_Rembrandt1969_Rembrandt

Légendes de gauche à droite :
1/  Rembrandt (1606-1669), Titus lisant - Vers 1658 – Huile sur toile - 71,5 cm x 64,5 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie © KHM-Museumsverband.
2/  Rembrandt (1606-1669), Flore - 1634 – Huile sur toile - 125 x 101 cm. Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage - Photograph © The State Hermitage Museum / Vladimir Terebenin.
3/  Rembrandt (1606-1669), Le Repas des pèlerins d’Emmaüs - Vers 1629 – Huile sur papier marouflé sur bois - 37,4 x 42,3 cm. Paris, Musée Jacquemart-André – Institut de France © Paris, musée Jacquemart-André - Institut de France / Studio Sébert Photographes.

 


1969_Rembrandt audio
Interview de Emmanuel Starcky, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 septembre 2016, durée 11'26". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Emmanuel Starcky, Directeur des Domaines et Musées nationaux de Compiègne et de Blérancourt.
Peter Schatborn, Conservateur en chef émérite du Cabinet national des estampes au Rijksmuseum d’Amsterdam.
Pierre Curie, Conservateur du Musée Jacquemart-André.




Maître incontesté de l’art hollandais du XVIIe siècle, Rembrandt a dominé son temps dans trois domaines : la peinture, la gravure et le dessin. Il a sans relâche expérimenté différentes techniques pour traduire sa vision de l’homme et du monde qui l’entoure. Réaliste à l’extrême, il est aussi mystique. Virtuose, il ne se laisse pas aller à la facilité. Habité d’un pouvoir créatif qui force l’admiration, Rembrandt interroge dans ses oeuvres la destinée humaine, tout en s’attachant à représenter son cercle intime. Ses proches, comme sa femme Saskia, sa dernière compagne Hendrickje Stoffels ou son fils Titus font l’objet de nombreuses études réalisées par un artiste qui va aussi, tout au long de sa vie, se représenter lui-même et porter l’art de l’autoportrait à ses sommets.

Édouard André et Nélie Jacquemart achetèrent trois tableaux de Rembrandt qui restent de nos jours incontestés : Le Repas des pèlerins d’Emmaüs (1629), le Portrait de la princesse Amalia van Solms (1632), et le Portrait du Docteur Arnold Tholinx (1656). Chacune de ces trois oeuvres illustre une époque différente et fondamentale de la création de Rembrandt : ses débuts à Leyde, ses premières années de succès fulgurant à Amsterdam et ses années de maturité artistique. Aussi l’idée est-elle née de confronter ces tableaux à d’autres oeuvres contemporaines de l’artiste – peintures, gravures et dessins –, afin de mieux comprendre leur genèse et l’ampleur du génie de Rembrandt.

Conçue autour des trois chefs-d’oeuvre du musée Jacquemart-André, l’exposition réunit une vingtaine de tableaux et une trentaine d’oeuvres graphiques, grâce à une série de prêts exceptionnels du Metropolitan Museum of Art de New York, du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, de la National Gallery de Londres, du Rijksmuseum d’Amsterdam, du Louvre ou encore du Kunsthistorisches Museum de Vienne. La sélection des dessins et gravures engage un dialogue fructueux avec les peintures et permet aux visiteurs de découvrir toutes les facettes de l’immense talent de Rembrandt.

En évoquant les moments-clés de la carrière de Rembrandt, l’exposition retrace son évolution stylistique et dévoile l’intimité de son processus créatif. Elle permet ainsi au visiteur d’approcher le coeur de sa pratique artistique mais aussi de sa biographie, la vie de Rembrandt étant un fil conducteur indissociable de son oeuvre.




Parcours de l’exposition


Salles 1 & 2 : les débuts à lLyde, 1625-1631


C’est autour du Repas des pèlerins d’Emmaüs (1629), oeuvre majeure des années de jeunesse de Rembrandt, que s’articulent les deux premières salles de l’exposition. Découpé comme une ombre au premier plan, le Christ fait face à un pèlerin, éclairé d’une lumière caravagesque, saisi d’étonnement devant le mystère de la Résurrection. La simplicité de la composition et l’usage du clair-obscur confèrent une extraordinaire intensité dramatique à la scène. Cela semble d’autant plus surprenant que les peintures d’histoire réalisées jusque-là par le jeune artiste n’avaient pas cette puissance dramatique et mystique. Récemment restaurée, la Scène historique (Musée Lakenhal, Leyde), réalisée trois ans auparavant, témoigne encore de la forte influence de Peter Lastman, le maître de Rembrandt.

D’autres oeuvres en revanche, de la même année que le tableau du Repas des pèlerins d’Emmäus, présentent des similitudes évidentes avec celui-ci. On retrouve dans la Parabole de l’homme riche (Gemäldegalerie, Berlin) la source de lumière dissimulée, cette fois-ci par la main de l’homme, qui est assis devant une table entourée de ses livres de comptes. La composition du sublime tableau représentant Saint Paul assis à sa table de travail (Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg) est encore plus proche de celle du Repas des pèlerins d’Emmaüs, bien qu’ici à nouveau le visage du saint méditant soit en pleine lumière. Rembrandt atteint alors, par sa technique, mais surtout par l’audace et la finesse psychologique de ses compositions, un sommet artistique dans son oeuvre.

Si le dessin a été dès ses débuts un terrain inépuisable d’expériences comme le montre l’Homme debout aux bras écartés (Kupferstichkabinett, Dresde), c’est aussi à cette époque que Rembrandt s’initie à l’eauforte, dont la technique influence son approche picturale. Son esprit analytique s’exerce autant sur les sujets bibliques que sur les personnes qui l’entourent : ses portraits et autoportraits gravés (Fondation Custodia, Paris) sont révélateurs à cet égard. En peinture, Rembrandt s’exerce également en réalisant des figures d’expression, ou « tronies », comme le Soldat riant au gorgerin (Mauritshuis, La Haye), qui lui permettent de devenir un portraitiste couru lorsqu’il s’installe à Amsterdam.


Salles 3 à 6 : les premiers triomphes à Amsterdam, 1631-1635

C’est autour d’un portrait, celui de la princesse Amalia van Solms, que se développe la deuxième partie de l’exposition. Mariée à Frédéric-Henri de Nassau, stathouder de Hollande, l’une des composantes des Provinces-Unies, république à majorité protestante, Amalia van Solms était l’épouse de l’un des personnages les plus importants de son pays. Or mystérieusement il n’en paraît rien dans son portrait. Rembrandt ne paraît pas vouloir flatter son modèle et cette simplicité dans un portrait de cour intrigue.

L’artiste entretient des liens avec la cour du stathouder et c’est sans doute à la demande de ce dernier qu’il peint une série sur la Passion du Christ, sujet qu’il traite également dans une saisissante série de grisailles. L’une d’elles, l’Ecce Homo prêté par la National Gallery de Londres, est préparatoire à une gravure monumentale (Paris, Bibliothèque nationale de France / Petit Palais). Cette dernière permet de mieux comprendre l’originalité de Rembrandt qui acquiert une maîtrise exceptionnelle de la technique de l’eauforte et considère ses gravures comme des oeuvres d’art à part entière, en les signant.

Pour illustrer le processus créatif de l’artiste, l’exposition présente également une belle sélection de dessins, art dans lequel il excelle pour saisir sur le vif une partie plus intime de la vie de son entourage. Qu’il représente des épisodes bibliques ou croque des scènes de la vie quotidienne (Acteur jouant le Capitan, Rijksmuseum d’Amsterdam), Rembrandt témoigne d’un même souci de vérité dans les gestes et les attitudes. Il révèle toute la puissance de son génie dans ses dessins, dont le style varie au gré de ses inspirations : le trait vif et enlevé dans le Sacrifice de Manoah (Kupferstichkabinett, Berlin), l’usage élaboré du pinceau pour la Femme debout à la chandelle (British Museum, Londres), chef-d’oeuvre de l’éclairage artificiel, ou l’audace du lavis dans le Cours d’eau aux rives boisées (musée du Louvre, Paris), qui rappelle l’art des grands maîtres de l’Extrême-Orient.

Immense dessinateur, Rembrandt est aussi un excellent portraitiste. Virtuose, il passe du portrait officiel (celui de la Princesse Amalia van Solms) et du portrait de commande (Haesje Jacobsdr van Cleyburg (Rijksmuseum, Amsterdam) au portrait intime. L’émouvant autoportrait peint du Louvre en offre une brillante illustration et permet de mieux comprendre l’oeuvre de Rembrandt dans ces années que l’on peut qualifier de triomphales.

En contre-point à ces évocations de l’oeuvre intime, les grandes figures orientales, mythologiques ou bibliques que Rembrandt réalise alors sont représentées dans l’exposition par le magnifique Vieil homme en costume oriental (Metropolitan Museum of Art, New York), la superbe Flore de l’Ermitage, possible portrait de Saskia, ainsi que par l’Héroïne de l’Ancien Testament du musée des beaux-arts du Canada (Ottawa).

Le sujet des pèlerins d’Emmaüs est abordé pour la seconde fois en peinture en 1648. Seul tableau des années 1640 présenté dans l’exposition, cette oeuvre magistrale, prêtée par le musée du Louvre, illustre la récurrence de ce thème dans l’oeuvre de Rembrandt, qui réalise également des gravures en 1634 puis en 1654.


Salles 7 & 8 : les splendeurs du style tardif, 1652-1669

La dernière partie de l’exposition est consacrée aux ultimes années de création de Rembrandt, dont l’art atteint un équilibre rare, alliant maîtrise technique, finesse de la perception psychologique et liberté stylistique. Cette osmose est particulièrement visible dans son oeuvre gravée. Ainsi, la série des Trois Croix et celle du Christ présenté au peuple, réalisées en 1654 et dont plusieurs états sont présentés dans l’exposition, rivalisent avec ses plus beaux tableaux. Les variations d’un état à l’autre illustrent le travail de Rembrandt qui cherche à rendre la nature de l’homme dans sa variété et ses contradictions, dans ses forces et ses faiblesses, et à témoigner d’une foi qui l’amène à représenter la vie du Christ dans des visions qui comptent parmi les plus sublimes de l’art. Une grande audace se dégage également des dessins qu’il réalise alors, en particulier du paysage fluvial du Louvre, qui rappelle l’art des grands maîtres de l’Extrême-Orient.

Cette liberté stylistique qui étonne et subjugue est aussi à l’oeuvre dans les portraits de cette dernière période. Dès le début des années 1650, Rembrandt dépouille ses portraits de toute mise en scène pour se concentrer sur la vérité des êtres. Son style devient à la fois plus libre et plus rapide, parfois plus cassé, comme en témoignent la Jeune fille à sa fenêtre (Nationalmuseum, Stockholm), d’une admirable fraîcheur, ou le portrait de sa dernière compagne Henrickje Stoffels (National Gallery, Londres), dont l’exécution méticuleuse du visage contraste avec le travail enlevé du vêtement.

Avec le Portrait du Docteur Arnold Tholinx (1656) conservé au musée Jacquemart-André, Rembrandt livre l’image d’un homme de science, d’un médecin, habité par le savoir, dont la sévérité se trouve atténuée par la confrontation avec une gravure contemporaine le représentant. Un style plus réfléchi, rempli d’une tendre émotion préside à la création du Titus lisant (1658, Kunsthistorisches Museum, Vienne), un portrait tout en douceur du fils de Rembrandt qui allait partir avant son père. Tous ces portraits paraissent habités d’une lumière intérieure, qui dévoile un Rembrandt intime et peu connu.

C’est un parcours riche et resserré que propose l’exposition Rembrandt intime, qui invite les visiteurs à redécouvrir, à travers les trois périodes des chefs-d’oeuvre du musée Jacquemart-André, la vie de l’artiste et son oeuvre.