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“George Sand et Eugène Delacroix” dans l’atelier du musée Delacroix
au Musée national Eugène-Delacroix, Paris

du 23 septembre 2016 au 23 janvier 2017



www.musee-delacroix.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Dominique de Font-Réaulx, directrice du Musée national Eugène-Delacroix, le 22 septembre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Eugène Delacroix (1798-1863), George Sand habillée en homme, 1834. Huile sur bois, 26 x 21,5 cm, Coll. musée national Eugène-Delacroix. © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Philippe Fuzeau.
2/  Eugène Delacroix (1798-1863), Etude de veste grecque, reliure de missel et personnages d'après Goya. © 2010 Musée du Louvre / Harry Bréjat.
3/  Eugène Delacroix (1798-1863), Roméo et Juliette devant le tombeau des Capulets. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot.

 


1976_George-Sand audio
Interview de Dominique de Font-Réaulx,
commissaire de l'exposition et directrice du Musée national Eugène-Delacroix,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 septembre 2016, durée 18'02". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Un petit tableau de moins de trente centimètres, parfois cela suffit à éclairer toute une pièce. Ce portrait de George Sand a l'éclat d'une belle rencontre, de celles qui nous bouleversent et nous offrent l'occasion d'évoluer. Le peintre touché par la détresse amoureuse de l'écrivain s'éloigne du confort de ses habitudes et dépasse l'allégorie pour toucher à l'intimité.

Le visage baigné de lumière, d'un blanc lunaire, émerge de la masse sombre, pesante, tirée vers le bas comme sous un poids écrasant. Les teintes de terre de son habit, s'obscurcissant vers un noir pourtant absent de la palette de Delacroix, se défont, se dissolvent en une coulée de boue. Le regard d'infinie mélancolie se dirige au contraire vers les cieux, dans un mouvement de dévotion qui ici n'apporte ni salut, ni joie. La lumière est blafarde, d'une froideur triste et glaciale. La finesse des cheveux pourtant en désordre resplendit en petites ondulations désordonnées formant des taches brillantes comme une surface d'océan au crépuscule. Le menton a cette froissure, ce petit tremblement qu'a l'enfant qui va laisser exploser ses pleurs. Derrière le calme apparent gronde une tempête prête à se déchainer. Le génie de Delacroix est de peindre tant de mouvement, d'agitation dans l'image d'une pose tranquille, de saisir la maturité dans des traits juvéniles, de trouver le subtil point d'équilibre entre la féminité et la masculinité de son sujet.

Dans l'atelier, les gravures représentant George Sand dans diverses publications, interrogeant le statut de la femme artiste et pire (pour l'époque), de la femme habillée en homme offrent un point de comparaison avec le travail du peintre. Elles permettent de comprendre en quoi celui-ci a réellement rencontré George Sand. Son pinceau n'est pas un outil de représentation mais l'instrument de la compréhension d'une personnalité complexe déconstruisant les idées reçues.

Pour compléter cette plongée dans l'univers de Delacroix, un ensemble de lithographies ainsi que de pierres originales montrent l'influence de la tragédie classique sur son œuvre. Romeo et Juliette, Hamlet ou Faust comme sources d'inspiration ouvrent le champ d'une expression théâtralisée à l'extrême. Juliette se meurt, inerte dans les bras de Roméo. Ophélie se laisse noyer dans la rivière, une main étreignant son cœur tandis que l'autre s'accroche encore, mais sans plus de conviction, à la faible branche d'un arbre. La musicalité lourde de ces représentations, le pathétique de ces cris de désespoir se retrouvent en contradiction avec la sobriété du portrait de George Sand. L'orchestre joue bien sa partition fortement émotionnelle, mais la musique des sentiments s'échappe du tableau comme malgré lui, se gonflant, se chargeant comme le ruisseau devenant rivière puis torrent, pour finir dans le fracas d'un tonnerre.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Dominique de Font-Réaulx, musée national Eugène-Delacroix.



Le musée Delacroix a acquis au printemps dernier la peinture George Sand habillée en homme, portrait émouvant et intime de George Sand, que Delacroix réalise en 1834. Cette acquisition remarquable est l’occasion d’un accrochage renouvelé de la collection du musée, autour de George Sand et d’Eugène Delacroix, comme de la vie artistique de leur temps.

L’entrée dans les collections du musée Eugène-Delacroix du premier portrait de George Sand réalisé par Delacroix, est l’occasion d’un accrochage qui évoque les liens d’amitié fidèles qui s’établirent entre la femme de lettres et le peintre. Ces liens sont d’autant plus profonds qu’ils se nouent entre deux êtres dissemblables, qui s’estiment et se soutiennent.

Eugène Delacroix et George Sand se rencontrent en novembre 1834 lorsque le directeur de la Revue des deux mondes, demande au peintre de faire le portrait de la femme de lettres, afin d’illustrer ses articles. Sand vient de rompre avec Alfred de Musset, c’est une jeune femme meurtrie qui pose chez l’artiste. Cette rencontre marque le début d’une amitié profonde, vive, non sans désaccords parfois. Ils échangent, de 1835 à 1863, jusqu’à la mort du peintre, plusieurs centaines de lettres. Leur ton, très vite, devient chaleureux ; Delacroix abandonne le « Madame », pour un « chère femme », ou un « Amie et soeur bien chère », témoignant de son affection profonde. Le peintre et l’écrivain partagent une vive passion pour Shakespeare comme pour Byron. Ils aiment, de concert, la puissance rude, aux couleurs embrasées, de l’art de l’Espagne.

L’accrochage, dans l’ancien atelier du peintre, valorise ainsi les multiples facettes des talents de Delacroix, peintre, dessinateur, graveur et écrivain. Il offrira également l’occasion de redécouvrir L’Éducation de la Vierge, grande toile peinte par Delacroix pour l’église de Nohant, en 1842, alors que le peintre séjournait chez son amie.