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“Animal on est mal” La collection du musée de la Chasse et de la Nature revisitée par Richard Fauguet
au Château - Rentilly / Frac Île-de-France, Bussy-Saint-Martin

du 24 septembre 2016 au 22 janvier 2017


(Animal on est mal, titre d’une chanson de Gérard Manset, sortie en 1968)



www.fraciledefrance.com

www.chassenature.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 23 septembre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Fischli/Weiss, Le Droit Chemin (Der Rechte Weg),1983. Collection du Fonds d’art contemporain de Genève (FMAC).
2/  Laurent Le Deunff, Mammouth, 2001. Collection privée. Courtesy Semiose Galerie. Photo : Laetitia Seval.
3/  Johan Creten, Narcissus Saved, 2005. Photo : Sylvie Durand © Musée de la Chasse et de la Nature, Paris.

 


1977_Animal audio
Interview de Richard Fauguet, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Bussy-Saint-Martin, le 23 septembre 2016, durée 17'21". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Richard Fauguet



avec Gilles Aillaud, Bertille Bak, Damien Cabanes, Jean Carriès, Johan Creten, François Desportes, Richard Fauguet, Fischli/Weiss, Walton Ford, Jean-Charles Hue, Nicolas Kennett, Laurent Le Deunff, Rainier Lericolais, Didier Marcel, Patrick Neu, Présence Panchounette, Shimabuku, Daniel Schlier, Elmar Trenkwalder, Xavier Veilhan, céramiques du XVIIIe siècle, tapisseries du XVIe au XXe siècle.

Le frac île-de-france et la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire accueillent le musée de la Chasse et de la Nature au château de Rentilly, ainsi que dans la Salle des Trophées, en invitant l’artiste Richard Fauguet à assurer le commissariat de l’exposition conçue à partir des collections du Musée. En puisant aussi bien dans les oeuvres anciennes que contemporaines de la collection et en y associant d’autres pièces prêtées exceptionnellement pour l’exposition, Richard Fauguet nous propose une mise en abîme de l’imaginaire du château, intrinsèquement lié à celui de la chasse, invitant ainsi la nature et le monde animal à entrer à l’intérieur du château.

Un ensemble très rarement montré de tapisseries du XVIe siècle à nos jours issues des collections du Musée structure l’espace d’exposition. Ces très grandes tentures deviennent des peinturesécrans permettant au paysage de pénétrer à l’intérieur du château et font ainsi écho au projet de Xavier Veilhan, qui a transformé celui-ci en surface de projection du parc environnant. Le château se fond dans la nature qui l’entoure et qui, à son tour, s’introduit dans ses murs.

Les tapisseries dessinent un parcours labyrinthique, où l’on découvre petit à petit les oeuvres, sculptures, céramiques et peintures. Elles composent un bestiaire qui traverse allègrement les époques et fait s’entrechoquer les styles et les techniques les plus divers.

Un ensemble de têtes d’animaux en céramique présenté à la manière d’une pièce montée a pour pendant des céramiques de Johan Creten et Elmar Trenkwalder et instaure un jeu entre pièces artisanales et vernaculaires et oeuvres contemporaines. C’est une composante récurrente dans l’oeuvre de Richard Fauguet, qui puise souvent dans l’ art « modeste » et les techniques ou médiums artistiques jugés désuets, instaurant ainsi une certaine porosité entre des domaines a priori incompatibles. Le même type de « collage » se retrouve entre une collection d’armes anciennes dont le mécanisme très sophistiqué fait face à une pièce de Xavier Veilhan, composée d’une série de fusils très stylisés.

Un ensemble de peintures de Daniel Schlier représentant des chiens regardant des oeuvres se trouve placé en vis-à-vis avec une pièce de Richard Fauguet, Molécule de chien et nous entraîne dans un vertige canin inattendu.

Plusieurs films et vidéos font contrepoint à ce bestiaire étrange, dont le chef-d’oeuvre de Fischli/Weiss, Le droit chemin, qui nous emmène dans un univers à la fois poétique, loufoque, bucolique et empreint de questions existentielles.

Les collisions sont aussi d’ordre visuel, lorsque la fine structure graphique des sculptures de cerfs de Didier Marcel ou la fragile transparence de l’armure de Patrick Neu font face aux imposantes tapisseries qui découpent l’espace. Les sculptures de Laurent Le Deunff - mammouth en papier mâché et trompes d’éléphant emmêlées telles des trophées de chasse impuissants – entrent en résonance avec les animaux naturalisés provenant des collections du musée.

Cet univers de la chasse ou de l’animal-objet de curiosité remet également en perspective le château et son histoire, avec les nombreux animaux que comptait le parc, daims, chevaux, ainsi qu’un ours gardé en cage dans le parc à l’époque où la famille Menier possédait le domaine de Rentilly, sans oublier la présence d’un pingouin –histoire véridique ou légende ? – et l’existence de la Salle des trophées où se réunissaient les Menier après la chasse.




Parcours à travers l’exposition

Entre peinture, sculpture, arts graphiques… la production artistique de Richard Fauguet (né en 1963) est prolifique et souvent déconcertante. Sur le mode du calembour ou du collage, elle opère des associations inattendues d’idées et de formes, tout en explorant une diversité de techniques, procédés et matériaux. Invité à endosser le rôle du commissaire d’exposition, l’artiste a conçu Animal on est mal à partir des collections du musée de la Chasse et de la Nature, auxquelles il a librement adjoint quelques pièces d’autres provenances. Sa sélection finale comprend des oeuvres d’art classique, d’art contemporain, des objets d’arts décoratifs ou encore des objets fonctionnels.

Trouvant leurs origines dans des contextes très diversifiés, tous les éléments présentés se relient entre eux par leurs thèmes, issus de la représentation du monde animal et de différents rituels associant l’homme et la nature, notamment ceux de la chasse. Des pièces utilitaires comme des armes, ou décoratives comme des céramiques, côtoient des réalisations artistiques. Leur rassemblement dans une même exposition traduit la quête de l’homme pour tenter d’établir une relation au monde sauvage, proche ou lointain, ainsi que la permanence de figures et de pratiques à travers les âges, tout en produisant de puissants effets de télescopage et de déhiérarchisation entre les genres.

L’exposition se caractérise donc par une grande hétérogénéité et orchestre un brouillage des genres et des registres, sur un mode empirique et subjectif. Elle fait écho à la démarche artistique même de Richard Fauguet et on y retrouve son goût pour l’assemblage à travers la présence d’une de ses oeuvres, Molécule de chien, créature imposante faite de globes luminaires en verre opalin. Le matériau industriel est détourné de sa fonction initiale par l’artiste qui « fait tenir » l’ensemble comme par enchantement. Réfléchissante à la lumière, proliférante et vide, la sphère constitue ici l’atome de cette sculpture moléculaire qui reprend les représentations scientifiques d’éléments chimiques pour former un canidé surdimensionné. Avec ici l’idée un rien saugrenue que la forme de la molécule qui constitue la matière d’un animal coïncide parfaitement avec la forme de l’animal en question... S’il est connoté au monde industriel, le matériau renvoie traditionnellement à l’art de la verrerie, aux arts de la table… présents dans l’exposition avec notamment un ensemble de terrines zoomorphes anciennes.

En juxtaposant des pièces anciennes et contemporaines de même technique (comme la céramique), l’exposition révèle comment les artistes, tout en continuant à en explorer les caractéristiques et qualités, sont parvenus aujourd’hui à s’affranchir des règles et conventions pour produire des réalisations exprimant librement leurs recherches, aux thèmes néanmoins parfois ancestraux. La tapisserie constitue l’une de ces techniques anciennes présentes dans l’exposition.

Au-delà de leur attrait iconographique, les tapisseries sont ici utilisées comme un dispositif : elles structurent, dessinent un parcours, cachent et révèlent progressivement les différentes oeuvres de l’exposition. Elles créent une narration, à la croisée entre peinture, écran de cinéma et rideau de théâtre. Les différents paysages représentés font écho au parc alentour et rappellent ainsi le projet initial de l’artiste Xavier Veilhan, concepteur de la réhabilitation du château : refléter la nature sur ses murs extérieurs. Le château se fond dans la nature qui l’entoure et la nature, à son tour, s’introduit dans ses murs. Par sa mise en espace dans l’exposition, le dos de la tapisserie La Chasse et la pêche (1953) de Paul Cressent dévoile l’ensemble des fils colorés constituant la tenture et nous montre littéralement l'envers du décor, rappelant ainsi l’œuvre textile de Richard Fauguet. À la fois visible de l’endroit et de l’envers, la tenture nous laisse voir son processus de création.

Premier sujet de l'histoire de l'art, l'animal est représenté par l'homme depuis plus de 30 000 ans et notamment illustré dans de nombreuses scènes de chasse. En témoignent les relevés de fresques du Tassili (Atlas saharien) réalisés par l’explorateur et ethnologue Henri Lhote (dessin de phacochère). À partir du XVIe siècle, l'artiste animalier choisit d'en faire le sujet phare de son oeuvre. Avec l'engouement pour la chasse à courre, très prisée par la noblesse, les chiens prennent également une place importante dans les scènes de chasse et obtiennent même leur propre portrait. François Desportes, peintre français spécialisé dans la peinture animalière, exécute de nombreux tableaux pour orner les demeures royales. Louis XIV puis Louis XV lui commandent le portrait de leurs chiens. S’ils s’affranchissent des genres classiques, les artistes contemporains continuent à traiter ce thème. Damien Cabanes lui consacre ainsi l'espace blanc du papier (Csilla, 2016) et le peint sur le vif, à la limite de l'abstraction, à l'aide de gestes rapides et maîtrisés. Elmar Trenkwalder dédie à cet animal de compagnie, allié du chasseur, un monument funéraire en faïence émaillée, oeuvre rococo étrange à l'ornementation prolifique et aux formes suggestives (Monument pour chien, 2008). Daniel Schlier le célèbre dans une série de peintures méditatives autour de grands chefs-d'oeuvre de l'histoire de l'art (Le chien pense, 1999-2000). Ses "chiens pensants" songent – via des petites punaises de couleurs ou des boutons – à de célèbres tableaux de Manet, Ingres, Cranach, David, Malevitch... représentés sur des morceaux de soie ou des mouchoirs en tissu. Proies du chasseur et de son chien, des cervidés se camouflent, immobiles, derrière les tapisseries. Le sculpteur Didier Marcel les traite tels des dessins dans l’espace au moyen de fers à béton, sur un mode stylisé.

Plus exotique, on croise dans l'exposition certains animaux comme un ours polaire hyperréaliste, allongé et semblant endormi, qui se confond presque avec la fausse banquise de l'espace confiné d'un zoo (Gilles Aillaud, Ours blanc, 1981) mais aussi des singes naturalisés... jouant aux cartes! (Babouins jouant aux cartes, 2e moitié XXe siècle). La part de réel et de fantastique semble souvent se confondre dans les représentations issues de mythes ou de légendes populaires.

Hybride de chien et de loup, le mythe du loup-garou se retrouve en 2014 dans l'oeuvre du peintre animalier Walton Ford et sa représentation érotisée de la bête bondissant sur un couple (De la conception à la naissance). L'hybridation et la métamorphose sont des sujets fréquemment abordés par le sculpteur et céramiste Jean Carriès (actif à la fin du XIXe siècle) dans son œuvre nourrie par l'art gothique. Grenouille aux oreilles de lapin et aux griffes acérées, Cheval fantastique en grès émaillé, peuplent le répertoire onirique et mélancolique de l'artiste. Autre espèce de cheval fantastique croisée dans l'exposition, la licorne, créature légendaire entre le cheval et la chèvre, symbole de pureté et de grâce, attirée par l'odeur de la virginité, ne pourrait être capturée qu'à l'aide d'une jeune fille vierge. La quête parfois irréelle de l'animal fantasmé peut s'avérer être finalement métaphorique comme le suggère Johan Creten avec son Narcissus Saved (2005). Ici aucune représentation animale... l'animal étant en nous et la lutte s'avérant personnelle. L'artiste révèle le côté bestial de l'être, le Pan ou le Marsyas en chacun de nous.

La chasse répond à un rythme temporel, saisonnier, un temps qui est généralement périodique et répétitif et qui situe l'action en continuité avec le temps cyclique de la nature. Archaïque, ce rituel perdure aujourd’hui, ainsi que le montrent les vidéos documentaires de Bertille Bak (Le Hameau, 2014) qui suit le quotidien d’une fratrie de chasseurs alsaciens, ou encore de Jean-Charles Hue (Quoi de neuf docteur ?, 2003), tourné au sein d’une communauté de gens du voyage, les Yéniches. Ces disciples du documentariste Jean Rouch nous font ainsi plonger dans des réalités singulières.

La musique fait également partie intégrante du rituel du chasseur. On retrouve l'instrument phare du chasseur, la trompe de chasse, dans des petites porcelaines dures polychromes (Chasseur et cerf mort ou Chasseur et sanglier mort, vers 1756-1759) mais aussi avec Présence Panchounette, collectif d'artistes actif entre les années 1960 et 1990, qui détourne la célèbre trompe en applique murale de cuisine décorée d'une toile cirée représentant une scène de chasse à courre (Le soir au fond de la cuisine, 1981). Rainier Lericolais joue également de la forme de l'instrument dans son oeuvre entre luminaire, toupie et évocation sonore (Suspension 2, 2016).

Enfin, la chasse c'est aussi toute une série de gestes codifiés comme la traque, la poursuite de l’animal, sa mise à mort... Un ensemble d'armes anciennes véritables fait face aux fusils en polyuréthane de Xavier Veilhan, copies de vrais fusils mais qui ne servent également à rien. De couleurs différentes, ces armes sont accrochées au mur comme de véritables trophées sur fond vert. Une armure insolite en cristal de Saint Louis, se révèle dans son inutilité flamboyante, loin de sa fonction première (Patrick Neu, Sans titre, 1995-1998).

Faisant suite à l'action de la chasse, vient le temps de sa représentation et de l'exposition des trophées. Les tapisseries qui constituent le socle scénographique de l’exposition au premier étage dévoilent une série de scènes de chasses d'animaux réels ou fantastiques. Autre remémoration du temps passé à la chasse, le trophée, récompense par excellence, se caractérise par la naturalisation de l'animal chassé, le plus souvent un morceau symbolique de la bête abattue: bois de cervidés, tête d'animal, patte … ou même trompe d'éléphant (Laurent Le Deunff, Un long noeud de trompes (partie IV), 2013) !



Dès l’ouverture en 2006 du Parc culturel de Rentilly, la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire a engagé un partenariat avec le frac île-de-france pour diffuser l’art contemporain sur son territoire. La réhabilitation du château a permis – sur l’initiative du frac – de développer un projet hors norme : confier cette réhabilitation à un artiste, Xavier Veilhan - accompagné des architectes Elisabeth Lemercier et Philippe Bona et du scénographe Alexis Bertrand - pour faire du château à la fois une véritable oeuvre d’art et un lieu totalement adapté à la présentation d’oeuvres d’art.

Avec le plateau à Paris, le château de Rentilly devient ainsi un deuxième lieu d'exposition pour le frac, à Rentilly, dont la programmation est axée sur la présentation de sa collection ainsi que celle d’autres collections invitées, publiques ou privées, françaises ou étrangères. Le Parc culturel de Rentilly s’insère pleinement dans la politique de diffusion culturelle, accessible et qualitative, menée par Marne et Gondoire. Ce nouveau site devient ainsi un lieu de référence et de visibilité des patrimoines contemporains unique en France.