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“The Color Line” les artistes africains-américains et la ségrégation
au musée du quai Branly, Paris

du 4 octobre 2016 au 15 janvier 2017



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 3 octobre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Aaron Douglas, Into Bondage, 1936. Huile sur toile. 153,4 × 153,7 cm. © Adagp, Paris, 2016. Photographe : G-Williams.
2/  Ellen Gallagher, DeLuxe ( Detail), 2005. © Ellen Gallagher and Two Palms Press. Photo: D. James Dee.
3/  Loïs Mailou Jones, Mob Victim (Meditation), 1944. Huile sur toile. 104,1 × 63,5 cm. Collection particulière.

 


1988_Color-Line audio
Interview de Diane Turquety, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 3 octobre 2016, durée 21'14". © FranceFineArt.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

On ressort de la visite de The color line, les artistes africains-américains et la ségrégation, à la fois secoué, enjoué et indécis.

Secoué et enjoué par la prise de conscience de l’étendue de notre ignorance quant au foisonnement artistique de la communauté africaine-américaine. (Et c’est bien la profondeur de notre ignorance qui nous secoue et le foisonnement qui nous enjoue.) On reste cependant, indécis quant à la pertinence de construire une exposition qui, somme toute, comporte le risque de perpétuer cette color line et de l’ancrer mentalement au-delà de nos perceptions visuelles, car ici on pourrait penser que l’on nous présente un art noir (s’il en ait).

Inapparentes dans le parcours d’exposition, ces questions quant à la complexité et l’ambiguïté d’isoler les productions artistiques d’une communauté ou de porter et de conforter l’idée d’une Blackness, sont largement abordées dans le catalogue d’exposition. Là, on découvre l’ampleur des débats, la variété des entreprises pour lutter contre cette ségrégation, celle qui au-delà des lois, s’impose par le figement d’une image (dépréciative) sur une communauté, celle qui s’installe par l’invisibilisation de la production de cette communauté par les institutions culturelles et muséales. On comprend, alors, qu’une telle approche est peut-être indispensable pour permettre l’inscription des œuvres et des pratiques artistiques dans notre patrimoine commun.

Certes une scénographie plus dynamique, moins versée dans l’immensité du blanc et des bandes grises, aurait certainement éviter que l’attention baisse et que le regard se fatigue, car le parcours est aussi riche que long. On peut, cependant, penser qu’en cherchant l’exactitude, la précision et le foisonnement documentaire, le commissariat d’exposition ait fait le choix pertinent d’associer aux œuvres le contexte historique dans lequel elles ont émergé, les sortant ainsi de la simple catégorisation communautaire. On peut penser également qu’en cherchant l’exhaustivité, la diversité, l’équipe curatoriale a voulu transmettre et faire connaître le plus grand nombre d’artistes quitte à saturer la vision, quitte à noyer les œuvres dans l’information. L’œuvre apparaitrait alors sous le statut simple de document. Quittant le domaine de l’esthétique et de la recherche du chef d’œuvre, elle témoignerait. Encore quelques efforts et elle pourra, on l’espère, faire partie de l’héritage commun.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l'exposition :
Daniel Soutif, critique d’art
assisté de Diane Turquety




Depuis une trentaine d’années, la visibilité de la richesse de la production des artistes africains-américains depuis la fin de l’esclavage, ne cesse de croître aux États-Unis. En revanche, l’Europe en général, et la France en particulier, accusent un réel retard dans la connaissance de l’art africain-américain de cette période de l’histoire américaine.

Titre d’un article du grand leader noir Frederick Douglass, paru en juin 1881 dans The North American Review, l’exposition The Color Line désigne la ségrégation des Noirs apparue aux Etats-Unis en 1877, après la période de Reconstruction qui suit la fin de la guerre de Sécession, en 1865. La ratification du 13è amendement allait ouvrir une nouvelle ère de l’histoire américaine, et l’esclavage laisser place à un siècle de ségrégation qui connaîtra son terme en 1964, après de nombreuses luttes, avec la signature du Civil Rights Act par le Président Lyndon Johnson.

Rassemblant pour la première fois en France les grands noms de l’art africains-américains, encore trop largement méconnus en dehors des frontières américaines, l’exposition présente cette période de l’histoire américaine du point de vue de ceux qui ont eu à lutter contre cette “ligne de la couleur” discriminatoire.

Un ensemble exceptionnel de 600 œuvres et documents s’articule autour d’un parcours chronologique. Il débute en 1865 par la fin de la guerre de Sécession, l‘abolition de l’esclavage et le début de la Ségrégation, et s’achève avec des productions contemporaines qui s’inscrivent dans cet héritage de luttes déployées tout au long de l’exposition. Le parcours intègre également quelques focus thématiques sur de grandes figures ou mouvements liés à la ségrégation : l’Exposition des Nègres d’Amérique de 1900 à Paris, les héros sportifs noirs, le cinéma noir des années 1920-1940, la sinistre question des lynchages, ou encore, Harlem, quartier icônique noir de New York.



The Color Line, repères historiques

L’expression “The Color Line” semble avoir été imprimée pour la première fois en juin 1881 par The Americain Review en titre d’un article du grand leader noir Frederick Douglass. En 1900, W.E.B. Du Bois, bientôt fondateur de la National Association for the Advancement of Colored People, la reprend à son tour dans l’Exposition des Nègres d’Amérique qu’il présente à paris lors de l’Exposition Universelle de 1900. Mais c’est The Soul of Black Folks, son livre essentiel publié en 1903, qui consacre la formule selon laquelle cette “ligne de la couleur” sera ”le problème du 20e siècle”.

L’année 1865 marque la fin de la guerre de Sécession et de l’esclavage. S’en suit la période de la Reconstruction. C’est à son issue, en 1877, que l’esclavage, légalement aboli, laisse désormais place à la ségrégation.

Des décennies de lutte acharnée seront nécessaires avant l’abolition de cette ségrégation – du moins sur le plan légal – en juillet 1964, avec la signature par le Président Lyndon B. Johnson du Civil Rights Act interdisant toute forme de discrimination. La “ligne de la couleur” reste néanmoins une métaphore toujours d’actualités aux Etats-Unis et désigne donc maintenant près de 140 ans de ségrégation légale et illégale.

The Color Line, les artistes africains-américains et la ségrégation embrasse cette histoire du point de vue de la création artistique telle qu’elle a été pratiquée sous toutes ses formes par ceux qui se sont trouvés du mauvais côté de cette soi-disant “ligne de la couleur” discriminatoire.