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“Tombée de métier” Édition #1
à la Galerie des Gobelins, Paris

du 20 octobre 2016 au 8 janvier 2017



www.mobiliernational.culture.gouv.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Marie-Hélène Bersani-Dali,
directrice du département de la production du Mobilier national, le 25 octobre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Frédéric Ruyant, Ecume, 2015. Manufacture de la Savonnerie, 4,50 x 6 m, 292 kg de laine, 25 couleurs, 3385 jours de tissage.
2/  André-Pierre Arnal, Une fenêtre au sol, 2015. Manufacture de la Savonnerie, 5,47 x 4,55 m, 260 kg de laine, 128 couleurs, 2608 jours de tissage.
3/  Sheila Hicks, Champ ensoleillé balayé par le vent, 2014. Manufacture des Gobelins, 2,27 x 3,88 m, 43 kg de laine, 75 couleurs, 820 jours de tissage.

 


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Interview de Marie-Hélène Bersani-Dali, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 octobre 2016, durée 11'41". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Marie-Hélène Bersani-Dali, directrice du département de la production du Mobilier national



Le jour de la tombée de métier, moment où l’on détache l’oeuvre de son support, l’artiste et l’artisan découvrent ensemble la réalisation dans son intégralité. C’est un moment d’émotion intense. L’aventure, qui s’achève à cet instant, a débuté plusieurs années auparavant. Cette aventure est avant tout l’histoire d’une rencontre entre un artiste et des artisans d’art.

L’édition 2016 « Tombée de métier » présente les dernières créations de tapisserie, tapis et dentelle de 15 artistes venant d’horizons très divers : André-Pierre Arnal, Michel Aubry, Albert Ayme, Erik Boulatov, Daniel Chompré, Stephen Craig, Sheila Hicks, Nathalie Junod Ponsard, Klaus Rinke, Pierre Mabille, Claire Pichaud, Ghislaine Portalis, Frédéric Ruyant, Jana Sterbak, Jacques Vieille. L’exposition ambitionne également de montrer la vitalité, l’inventivité, la diversité des savoir-faire textiles, d’une part et de valoriser le processus créatif, d’autre part.

L’identité du textile des manufactures du Mobilier national se définit essentiellement par ses modes de fabrication : tapisserie de haute lisse de la manufacture des Gobelins, tapisserie de basse lisse de la manufacture de Beauvais, tapis point noué de la manufacture de la Savonnerie, dentelle à l’aiguille de l’atelier d’Alençon, dentelle aux fuseaux de l’atelier du Puy.

Tous ces savoir-faire textiles, depuis louis XIV, sont au service du regard des artistes contemporains. Génération après génération, de nouveaux créateurs fournissent les modèles d’où naissent des oeuvres qui, contribuent à renouveler le genre et à déployer le potentiel des techniques traditionnelles perpétuées par les manufactures. C’est grâce à cela que l’art textile ne cesse de se réinventer tout en restant fidèle à lui-même.

Les manufactures sont au coeur de la question de l’intéraction entre tradition et innovation. Elles doivent rester ouvertes à la modernité tout en restant fidèles à leur vocation et leur histoire. Elles produisent des pièces en deux dimensions reposant sur le croisement des fils de chaîne et des fils de trame, la trame recouvrant complètement la chaîne. Une telle fidélité à leur identité découle de leur savoir-faire mais aussi de leur mission, qui est de contribuer à l’ameublement et à la décoration des palais officiels de la République.

Compte tenu de cette double contrainte, l’innovation de leur production repose essentiellement sur la nouveauté intrinsèque des projets proposés par les artistes dont l’oeuvre est la source des tissages. La réputation du savoir-faire français, s’appuyant sur une longue tradition d’excellence, attire non seulement les artistes de l’hexagone mais aussi les artistes européens et même internationaux. Ils perçoivent dans l’art textile un mode d’expression propre à traduire leur vision du monde. La peinture, dépossédée de sa toute puissance, est supplantée par les différents aspects de la création contemporaine que sont le collage, la photographie, l’image numérique, la vidéo…. Le potentiel expressif du médium textile se prête à la transposition de tous les types d’écriture, de la figuration à l’abstraction, du noir et blanc à la couleur, des sujets les plus traditionnels aux sujets les plus décalés.

Les artistes, par leur créativité, et les artisans, par leur savoir-faire, contribuent ensemble à tisser le fil qui donne vie et sens à une longue tradition toujours en mouvement. Le tissage de chaque nouveau projet traduit la conquête d’un nouveau territoire.

Dans un monde hyper technicisé, en proie à un mouvement général d’accélération, les savoir-faire artisanaux, marqués par la lenteur et la patience, paraissent offrir une forme de résistance. Dans les manufactures, le temps est comme suspendu. Le travail est long, c’est un avantage qui permet d’aller plus loin, à chaque étape. La liberté de l’artisan, c’est le temps.

Nous ne sommes pas dans une valorisation économique du temps mais plutôt dans une valorisation de dimension humaine. Notre fil d’Ariane est l’intemporalité, réunissant le passé, le présent, le futur. Le temps est une invisible réalité. Il apparaît dans l’espace du travail, dans l’espace du regard, dans l’espace des formes représentées. Le temps ainsi travaillé résonne, prend corps et cette corporalité de l’espace et de la forme donne une sensation de plénitude. Ce rapport au temps crée profondeur et source d’énergie. D’une oeuvre à l’autre, d’une période à l’autre, il existe un lien caché, une continuité secrète. Les fragments de temps forment une autre séquence, une autre durée, infiniment plus grande, l’instant dans l’éternité.

Dans chaque oeuvre textile se discerne l’histoire de la croyance au savoirfaire humain. Ce n’est pas seulement la beauté qui nous émeut, c’est la force de l’histoire que chaque oeuvre nous révèle. Ainsi, l’Art et le Métier d’art réinventent le monde et le temps dans lequel nous vivons.

Quand l’artiste vient aux Gobelins, l’enclos historique créé par Louis XIV, il est d’emblée projeté dans un nouvel espace-temps. D’abord le lieu est silencieux, coupé de l’agitation de la ville. Il découvre dans ce havre de paix, des savoir-faire pratiqués par des artisans d’art depuis plus de 350 ans. Ces artisans tissent du temps, de la patience, de la concentration, de l’émotion en même temps qu’ils tissent le fil coloré des expressions artistiques qui les relient du passé au présent. Une oeuvre mécanique aussi bien exécutée soit elle, ne pourra jamais rivaliser avec la main guidée, pensée, réfléchie de l’artisan. A chaque étape du travail, il se concentre, s’adapte, corrige, évite la répétition et fait de chaque pièce textile un moment unique.




Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de La Savonnerie

Un savoir-faire traditionnel au service de la création contemporaine


Produisant essentiellement pour le compte de l’État, les manufactures sont rattachées au Mobilier national depuis 1937. Depuis l’origine, les lissiers travaillent à partir de modèles fournis par des artistes qui ont, chacun, marqué leur temps.

La manufacture des Gobelins
Créée en 1662 par Louis XIV pour l’usage exclusif du Roi, la manufacture des Gobelins poursuit la mission des ateliers de tissage du Faubourg Saint-Marcel qui avaient bénéficié de lettres patentes d’Henri IV en 1607, établis sur les bords de la Bièvre, à l’emplacement où les frères Gobelin avaient installé dès le 15e siècle un atelier de teinture. Elle est spécialisée dans la fabrication de tapisseries de haute lisse, exécutées sur métier vertical. Depuis 1662, année où Colbert décida de regrouper en un même lieu les ateliers parisiens de tissage de tapisseries, notamment ceux du Faubourg Saint- Marcel créés par Henri IV et ceux installés à Maincy par Fouquet, la manufacture des Gobelins n’a cessé de jouer un rôle très important dans l’histoire de la tapisserie. Son nom vient d’une famille de « taincturiers en escarlate », les Gobelins installés dès le milieu du XV e siècle sur les bords de la Bièvre au faubourg Saint-Marcel. Charles Le Brun, premier peintre de Louis XIV, en est le premier directeur. Il installe dans l’enclos des Gobelins non seulement des peintres et des tapissiers mais encore des orfèvres, des fondeurs, des graveurs et des ébénistes. Sous la direction de Le Brun, la production de la manufacture, destinée à l’ameublement des Maisons royales et aux présents diplomatiques, acquit par sa magnificence une réputation internationale qui subsiste trois siècles plus tard.

La manufacture de Beauvais
Créée en 1664 par Louis XIV sur la route des Flandres, la manufacture de Beauvais, après le bombardement de 1940, s’est installée aux Gobelins. En 1989 une partie des ateliers a regagné la cité d’origine. On y tisse des tapisseries de basse lisse, sur métier horizontal.

La manufacture de la Savonnerie
Créée en 1627, sur la colline de Chaillot, la manufacture de la Savonnerie, spécialisée dans le tissage de tapis de velours au point noué sur métier de haute lisse, exerce son activité depuis 1826 sur le site des Gobelins. Un second atelier a été ouvert à Lodève (Hérault) dans les années 1960.

Les ateliers conservatoires de dentelle d’Alençon et du Puy-en-Velay
Les deux ateliers nationaux de dentelle à la main ont été institués en 1976. Ils forment avant tout un conservatoire qui perpétue les techniques d’exception d’un art menacé de disparition. Ils produisent des ouvrages selon des motifs traditionnels, mais aussi d’après des dessins d’artistes contemporains. Les deux ateliers se distinguent par la technique utilisée : la dentelle à l’aiguille, technique du point d’Alençon et la dentelle aux fuseaux, technique des dentelles du Puy-en-Velay.

° L’atelier national de la dentelle au Point d’Alençon
Les productions sont constituées partiellement par des dentelles traditionnelles inspirées des époques des XVIIIe et XIXe mouchoirs de mariée et autres motifs décoratifs, d’autre part de dentelles d’après les dessins d’artistes contemporains on citera : Pierrette Bloch, Paul-Armand Gette, Corinne Sentou, Anne Deghelle, Christian Jaccard... Alençon se caractérise par la technique à l’aiguille, à partir d’un fil de coton d’Égypte très fin et d’un réseau de tulle réalisé précédemment à la main. Dix étapes sont nécessaires à la réalisation de la dentelle au Point d’Alençon : le dessin, le piquage, la trace, le réseau, le rempli, les modes, la brode, le levage, l’éboutage et le luchage. Un motif de dentelle aux dimensions d’un timbre-poste demande entre 7 et 15 heures de travail.

° L’atelier national conservatoire de la dentelle du Puy-en-Velay
Les collections sont constituées d’objets traditionnels ornementaux de la table essentiellement, mais aussi des parures de lit et la lingerie. Cette collection évoque des techniques dentellières au fuseau d’une part, d’autre part des créations contemporaines du monde de la mode vestimentaire : Paco Rabanne, Chantal Thomas, mais également des artistes plasticiens : Paul-Armand Gette, Annabelle d’Huart, Didier Trenet, Esther Shalev-Gerz, ... La dentelle du Puy est réalisée à l’aide de fuseaux (petites bobines de bois) qui contienne la réserve de fils. On entrecroise les fils pour former les points, fixés à l’aide d’épingles sur un carreau, en suivant le modèle traduit par piquage sur une carte.

L’atelier de teinture
En 1447, Jehan Gobelin, originaire de Reims, établit sur les bords de la Bièvre un atelier de teinture qui connut un grand succès. En 1665, cet atelier prit le nom de « teinturier de la maison des Gobelins » sous la direction de Josse Van Kerkove, teinturier hollandais. Au XIX e siècle, il fut dirigé pendant de longues années par le grand chimiste Chevreul (1786 -1889), inventeur du célèbre cercle chromatique, qui élabora une véritable grammaire de la couleur. Au XXe siècle, le développement de la chimie moderne permit l’emploi de colorants synthétiques. L’atelier, rénové en 2001, réalise les teintures par trempage des écheveaux dans un bain comportant des colorants synthétiques à base trichromique rouge, jaune et bleu. Chaque année, à partir des matériaux naturels utilisés par les manufactures – pure laine vierge, coton, soie et lin – les teinturiers enrichissent de cinq cents tons supplémentaires le nuancier informatisé, le NIMES, qui répertorie plus de 20 000 coloris sur laine, identifiés au moyen d’un colorimètre géré par un logiciel scientifique et mis au point par les manufactures. Ce nuancier est utilisé par les lissiers lors de la phase de choix des coloris qui précède le tissage.