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“De bruit et de fureur” Bourdelle sculpteur et photographe
au Musée Bourdelle, Paris

du 27 octobre 2016 au 29 janvier 2017



www.bourdelle.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 26 octobre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Attribué à Sacerdole, Bourdelle juché dans le plâtre du Monument des Combattants, 1901. Positif d’après négatif en nitrate de cellulose, 126 x 180 cm. Paris, musée Bourdelle, MBPV.2009. © Musée Bourdelle/Roger Viollet.
2/  Attribué à Antoine Bourdelle (1861-1929), Trois études de têtes de guerriers, vers 1898. Tirage gélatino-argentique développé, 13 x 18 cm. Paris, Musée Bourdelle, MBPH. 202. © Musée Bourdelle / Roger Viollet.
3/  Attribué à Antoine Bourdelle (1861-1929), Première maquette du Monument des Combattants, 1895. Négatif sur verre à la gélatine intensifié dans un bain à base d’iodure mercurique, 18 x 13 cm. Paris, musée Bourdelle, MBPV.4032. © ARCP/Mairie de Paris/Constance Asserman/Musée Bourdelle.

 


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Interview de Colin Lemoine, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 26 octobre 2016, durée 14'29". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Chloë Théault, conservatrice du patrimoine, responsable du fonds de photographies au musée Bourdelle
Colin Lemoine, responsable du fonds de sculptures au musée Bourdelle

Commissaires générales :
Amélie Simier, conservateur général du patrimoine, directrice du musée Bourdelle
Florence Viguier-Dutheil, conservateur en chef du patrimoine, directrice du musée Ingres




Oeuvre majeure où confluent la vie et la mort, le désir et l’effroi, le bruit et la fureur, Les Combattants de Bourdelle font l’objet, pour la première fois, d’une exposition conçue sous la forme d’un dialogue entre sculpture et photographie.

Destiné à Montauban, la ville natale de Bourdelle, le Monument aux morts, aux combattants et serviteurs du Tarn-et- Garonne de 1870-1871 rend hommage aux combattants de la guerre franco-prussienne. S’il est marqué par la défaite de Sedan, le monument célèbre aussi l’espoir d’une revanche et la naissance de la Troisième République, née de la chute du Second Empire.

Lorsqu’il remporte le concours en 1895 pour cette commande d’ampleur, Bourdelle est âgé de trente-quatre ans. Inspiré par Rodin pour lequel il travaille alors, il conçoit son groupe sous la forme d’un assemblage de figures expressives. Au terme de sept années de recherches et d’études, l’artiste développe un langage personnel qui signe un tournant dans sa carrière et irriguera bientôt Héraklès archer (1906-1909) ou Centaure mourant (1911-1914). Mais le groupe est aussi le sujet d’un important corpus photographique qu’aucune autre oeuvre de Bourdelle n’égalera jamais.

Avant d’être inauguré à Montauban le 14 septembre 1902, le monument est exposé à Paris au printemps de la même année, lors du prestigieux Salon de la Société nationale des beaux-arts. Là, devant le Grand Palais, le groupe des Combattantsest visible de tous, véritable étendard de la sculpture contemporaine.

Ce chef-d’oeuvre de la statuaire, bien qu’il fût admiré et qu’il divisât la critique comme rarement, demeure largement méconnu. Cette exposition met en lumière les études et variations issues du monument – terres, plâtres et bronzes – ainsi qu’un ensemble de cent trente photographies. Le monument achevé est évoqué dans le parcours par Les Combattants, une oeuvre vidéo commandée à Olivier Dollinger en 2016.

Toutes ces oeuvres, majoritairement inédites, révèlent l’étourdissante fécondité de la création de Bourdelle, à la fois sculpteur et photographe.

L’exposition a été conçue par le musée Bourdelle, en partenariat avec le Musée Ingres de Montauban, où elle se tient jusqu’au 9 octobre 2016.




Le parcours de l’exposition


1. PREMIÈRES PENSÉES

En avril 1895, la Société des anciens serviteurs et combattants de Montauban de la guerre de 1870-1871 lance un concours pour l’édification d’un monument à la mémoire de ses membres. Retenue en août de la même année, la proposition de Bourdelle enflamme immédiatement la presse locale : trop audacieuse pour certains, trop dispendieuse pour d’autres. Entre 1895 et 1902, l’artiste façonne une cinquantaine d’études de têtes pour les quatre figures que comptera le monument définitif : La France, le Grand Guerrier, le Dragon cuirassier et le Guerrier mourant. De ces étapes de conception, le musée Bourdelle conserve, comme autant de premières pensées, de nombreuses terres crues, ainsi que des photographies remarquables qui documentent la vie de l’atelier et les phases successives de la création de l’oeuvre.


2. ÉROS/THANATOS
Si les bas-reliefs du socle déclinent le motif des horreurs de la guerre, le monument est aussi porteur de l’espoir d’une revanche et célébration de la nouvelle République. Bourdelle y déploie ainsi des figures allégoriques du combat et du sursaut, qu’il n’hésite pas, dans une veine très personnelle, à charger d’un érotisme latent. Remarquables d’inventivité plastique, les photographies de ces corpus singuliers permettent de voir par les yeux de Bourdelle, d’approcher au plus près l’oeuvre en cours d’élaboration et de révéler la polysémie d’un monument tout à la fois funéraire et érotique.


3. LA RAGE DE L’EXPRESSION
Composé de quatre figures en apparence hétérogènes – La France, le Grand Guerrier, le Dragon cuirassier et le Guerrier mourant –, le groupe échappe à toute typologie. Pourtant, ses déformations anatomiques et son souffle épique le rapprochent sans conteste de l’expressionnisme. Qu’elles aient trouvé ou non leur place dans le monument définitif, de nombreuses sculptures trahissent cette dimension violemment dramatique, que la photographie vient souligner et renforcer. Cette primauté accordée à l’expression, y compris dans ses manifestations les plus violentes et les plus antinaturalistes, engendre des corps outrés et des membres déformés qui, s’ils scandalisent certains contemporains, résonneront bientôt avec les images de la barbarie que livreront les artistes de la génération suivante.


4. UN MONUMENT DE PHOTOGRAPHIE
La création des Combattants voit Bourdelle expérimenter les multiples possibilités de la photographie. Les centaines de clichés de son groupe qu’il prend ou fait prendre attestent une démarche artistique à part entière. À cet égard, deux corpus se distinguent : l’un réalisé à Paris en 1899, l’autre à Bruxelles deux ans plus tard.


5. BOURDELLE PAR LUI-MEME
Dans une série spectaculaire, le sculpteur se met en scène devant ou dans son monument, tantôt assoupi tantôt mélancolique, allusions à son épuisement ou aux difficultés rencontrées avec les commanditaires. Ces poses peuvent évoquer l’Autoportrait en noyé (1840) d’Hippolyte Bayard, le Michel-Ange dans son atelier (1849) par Eugène Delacroix ou le Monument à Victor Hugo que Rodin expose en 1897. D’autres photographies figurent Bourdelle en divinité trônant dans les nuages. Le créateur se représente au sein de sa créature. Le monument devient un amas de rochers et de formes biomorphiques, semblant en cela anticiper les portraits de Jackson Pollock par Hans Namuth dans les années 1950. Une dernière série montre Bourdelle, torse nu à côté de son oeuvre. Sans doute destinés à sa compagne Stéphanie, restée à Paris pour mettre au monde leur enfant, ces portraits peuvent être perçus comme une tentative de se rendre présent auprès de sa bien-aimée.


6. SURVIVANCES DE L’ŒUVRE
La photographie s’avère pour Bourdelle un moyen de conserver la mémoire de son oeuvre. Plusieurs séries de clichés ainsi que des coupures de presse renseignent ainsi sur le dévoilement au public – parisien puis montalbanais – du groupe des Combattants. De même, la photographie permet au maître de garder toujours un oeil sur le monument par l’entremise de cartes postales ou de reproductions épinglées sur les murs de ses ateliers. Mais photographier est aussi sélectionner : certains moments demeureront à jamais invisibles. La reproduction photomécanique n’est pas la seule à garantir la fortune du groupe : les sculptures issues du monument, auxquelles Bourdelle confère une véritable autonomie, constituent autant de survivances de cette oeuvre majeure.




Une commande passée à Olivier Dollinger

Olivier Dollinger, Les Combattants
- Vidéo couleur HD, 11 minutes, 2016

A l’occasion de l’exposition, le musée Bourdelle a passé commande à Olivier Dollinger d’une oeuvre vidéo qui offre un regard contemporain sur le groupe montalbanais. Né en 1967, auteur de nombreuses performances et vidéos articulées autour du geste, du corps et de l’identité (The Tears Builders, 1998-2015, Andy, 2005, etc.) et dont certaines ont intégré des collections publiques (FNAC, FRAC Pays de la Loire, FRAC Midi-Pyrénées, Abattoirs de Toulouse), Olivier Dollinger propose ici une approche poétique du monument. Il l’a filmé de nuit, de manière à en saisir la dimension ténébreuse et approcher au plus près son déploiement expressionniste. Olivier Dollinger définit ainsi son projet : « La composition du monument est une succession de moments où l’on distingue l’assaut, le combat, la mort. L’écriture filmique s’attache à produire des allers-retours pour chacune de ces parties, passant des détails à l’ensemble, voyageant entre le fragment et l’unité générale du monument. »