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“Johann Rousselot” Now Delhi, Les trente désastreuses ?
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 9 novembre 2016 au 29 janvier 2017



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 8 novembre 2016.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Johann Rousselot, Delhi 21 - Highway to Hell ? [Campement installé sous un panneau publicitaire vantant l’accès à des logements clés en main, sur les rives du fleuve Yamuma, le long de la voie rapide Delhi-Noida. Noida, Delhi NCR, décembre 2014.]. © Johann Rousselot / Signatures.
2/  Johann Rousselot, Delhi 21 - Highway to Hell ? [Un berger mène son troupeau à la recherche de paturages dans la municipalité de Greater Noida, dont le développement est rapide et où les tours résidentielles et les bidonvilles émergent par centaines. Les terrains agricoles sont achetés pour être revendus à des promoteurs immobiliers. La plupart des villageois qui vivaient de l’agriculture travaillent désormais comme ouvriers en bâtiment ou sont au chômage. Sur les 216 villages de la région de Greater Noida, seulement 15 à 20 sont toujours intacts. Delhi NCR, mars 2015.]. © Johann Rousselot / Signatures.
3/  Johann Rousselot, Delhi 21 - Highway to Hell ? [Séance de yoga matinale. Kaushambi, Delhi NCR, mars 2014]. © Johann Rousselot / Signatures.

 


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Interview de Johann Rousselot,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 8 novembre 2016, durée 15'43". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire d’exposition : Alain Mingam
exposition réalisée en partenariat avec l’Afd et Polka dans le cadre du Prix Photo Afd/Polka




Il y a des siècles de cela, Delhi était la cité la plus peuplée du monde. Pour le meilleur ou pour le pire, elle pourrait le devenir à nouveau. Aujourd’hui lorsque l’on cite Delhi, on sous-entend naturellement Delhi NCR (Delhi National Capital Region), la plus grande conurbation de l’Inde, et l’une des plus grandes du monde (34000 km2 et environ 30 millions d’habitants). Ses multiples villes satellites et sa prolifération urbaine rapide, emmenée à toute bringue par la loi de l’automobile, l’a classée en 2014 deuxième ville la plus peuplée du monde après Tokyo, d’après un rapport de l’ONU. Sans avoir bien eu le temps de s’en rendre compte, Delhi l’assoupie, Delhi l’administrative, la sœur “collet monté” de Bombay l’exubérante, est devenue une mégalopole.

En 1962, un “Master Plan” déclarait la nécessité d’une planification urbaine sérieuse, au vu du chaos potentiel que déjà les autorités de la capitale indienne pouvaient observer. C’était après que Delhi eût été submergée - dans les années 1950 - par une vague migratoire inédite, dûe à la Partition (création du Pakistan) en 1947. Les rêves d’édification de la société postcoloniale, se joignant à ceux des architectes modernistes, fûrent quelque peu frustrés par l’urgence humanitaire de l’époque. La centralisation économique issue des idéaux socialistes nehruviens fît le reste en termes de planification urbaine. Puis vînt le Plan de 1996, car les années 1980 n’avaient pu prévoir un mouvement de prolifération urbaine typique de la période postcoloniale dans les pays du tiers-monde. Développement massif de l’économie grise et usurpation de l’espace public en fûrent des traits majeurs. Au vu des mutations monumentales nées de l’ouverture économique du pays en 1991, les autorités en sont à présent à tenter d’appliquer le Plan “Delhi 21” (échéance: 2021)…

Delhi a passé son temps depuis l’indépendance (1947) à courir derrière la réalité et n’a eu de cesse d’essayer de contrôler les diverses vagues migratoires et leurs conséquences urbanistiques. Actuellement, l’Inde, avec la Chine, connaît la plus grosse part mondiale de migration humaine des campagnes vers les villes. D’après Cyrille Hanappe (architecte et ingénieur), “le modèle urbain connaissant le plus fort développement est celui de la ville précaire et près du tiers de la population mondiale vivra dans de tels quartiers d’ici à 2030, soit deux milliards de personnes”. Face à cela, la forme très en vogue de la planification urbaine excluante (la “Gated Community”, ou “Integrated Township” en Inde) va bon train. Il s’agit de se protéger des hordes de pauvres, de la pollution, de la crasse et du bruit… en se créant une bulle de sérénité et de confort, ce qui semble être devenu impossible dans une grande partie de l’actuel bâti urbain en Inde.

Delhi - Delhi NCR - est court-termiste et brutalement contemporaine. Par un inquiétant urbanisme, elle est un archétype du territoire urbain au XXIe siècle, mené par les forces de la globalisation capitaliste, et illustre à merveille ce paradoxe : si vous améliorez une ville, plus de gens viendront s’y installer ; et si plus de gens viennent, ce lieu empirera. Les défis sont immenses : accès à l’eau potable, réseaux de transport public, énergie, pollution, durabilité… Tout ici semble être au bord du désastre permanent. Le Grand Delhi est l’incubateur d’un avenir urbain fort incertain. Un Frankenstein urbain.

Rana Dasgupta, écrivain vivant à Delhi, se souvient avec nostalgie des espoirs fous de sa génération au début des années 2000 : “Si nous avions pensé que cette ville puisse un jour enseigner au reste du monde quelque chose de la vie au XXIe siècle, nous voilà terriblement déçus.”

Johann Rousselot