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“Laure Samama” Trouer l’opacité
à la galerie Vu’, Paris

du 7 décembre 2016 au 6 janvier 2017



www.galerievu.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Laure Samama, le 5 décembre 2016.

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1/ 2/ 3/  Laure Samama, Trouer l’opacité. © Laure Samama.

 


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Interview de Laure Samama,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 décembre 2016, durée 13'09". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Trouer l’opacité

Un jour, j'ai perdu tout accès à la réalité du monde: je voyais le monde à travers une vitre sale et j'avais beau frotter, rien n'y faisait, je ne voyais rien. Ou mal. Ou pas suffisamment.

Je m'identifiais à une mouche enfermée dans un pot de confiture vide. Propre le pot. Du moins l'intérieur. Mais vide. Et rayé. Tellement que le monde en était absent. Parfois le couvercle du pot se dévissait. Alors je sentais l'air frais sur mes petites ailes flétries de mouche. Mais je ne trouvais pas la sortie pour autant: J'étais restée enfermée trop longtemps. Le pot était mon refuge. Le couvercle pesait. J'étais exposée aux regards. Mais on ne pouvait me toucher. C'était déjà ça. A priori, nulle effraction nouvelle ne se produirait.

J'ai cru que cette perte de contact serait provisoire. Sous la violence des chocs, la peur avait finir par se nicher dans un coin de mon cerveau pour ne plus en ressortir. Mon esprit qui avait regardé mon corps en spectateur, mettra des années à le réintégrer.

Durant des années, je ne verrai plus rien. Ni les clématites fleurir, ni les journées passer, ni mes jambes avancer dans la rue. Je serai spectatrice d'un monde sans consistance, ni existence.

A qui raconter que l'on est devenu incapable de toucher une peau, déchirer un voile, sourire aux jours qui viennent? Il me faudra des heures, des semaines, des mois, des années enfin pour que les mots parviennent à retisser la membrane fragile qui me liait au monde.

Peu à peu sont revenues les sensations, et avec elles l'émerveillement devant ce qui pourrait sembler peu de choses, mais qui, durant un temps infini m'était devenu inaccessible.

J’ai photographié la sidération, la sortie et la fin de cet état.

J’ai photographié des choses tellement infimes que l’on ne sait pas pouvoir les perdre, des moments que l’on oublie car ils nous semblent évidents, donnés.

Aujourd’hui je sais qu’à tout moment ils peuvent nous être retirés et qu’alors le monde entier s’assèche.

C'est de cette présence au monde dont j'ai voulu témoigner.

Laure Samama, Lyon, février 2014




Biographie

Laure Samama est photographe (diplômée de l’école de photographie Bloo, Lyon) et architecte (architecte dplg avec félicitations du jury à l’ENSA Belleville). Née en 1973, elle vit et travaille à Paris. Elle enseigne à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles. Après avoir dirigé son agence d’architecture pendant plus de dix ans, elle décide de mettre sa sensibilité et son expérience au service de ses projets artistiques.

Diplômée de l’université de Paris 8 en Arts plastiques, option photographie, et après avoir suivi les enseignements de l’école de photographie Bloo à Lyon, elle est aujourd’hui photographe et écrivain. Elle enseigne dans le cadre d’ateliers intensifs de photographie et est commissaire d’exposition.

Elle pense que nous sommes fait de toutes les histoires qui nous précédent, nous entourent, nous traversent. Et elle fait appel à la photographie, la vidéo et l’écriture pour les raconter. Elle réalise aussi des livres d’artistes et des objets, afin qu’il ne soit plus seulement question de voir, mais aussi de toucher, ouvrir, emporter avec soi les choses qui nous sont précieuses. Elle a publié un livre mêlant texte et photographie, Ce qu’on appelle aimer, chez Arnaud Bizalion Éditeur, sorti en novembre 2016. Laure Samama développe actuellement plusieurs projets ; avec Marie Docher, un festival de films courts réalisés par des photographes grâce au le soutien de la Mep et de l’Inah ; un Petit Objet Multimédia, Malou et la photographie, avec la même personne non-voyante photographiée ici, un livre de science-fiction, Transports, autour de la Naissance de la Vénus de Botticelli.