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“Almagul Menlibayeva” Transformation
au Grand Palais, Paris

du 17 décembre 2016 au 2 janvier 2017



www.grandpalais.fr

www.almagulmenlibayeva.com

 

© Sylvain Silleran, vernissage, le 16 décembre 2017.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Almagul Menlibayeva, Transformation, Tokamak Cleaner II, 2016, Production Photo, Almagul Menlibayeva, © Almagul Menlibayeva.
2/  Almagul Menlibayeva, Transformation, The Future calls, 2016, Production Photo, Almagul Menlibayeva, © Almagul Menlibayeva.
3/  Almagul Menlibayeva, Transformation, The New Sun, 2016, Production Photo, Almagul Menlibayeva, © Almagul Menlibayeva.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Dans le rectangle de lumière jaune projeté au sol par le cadre de la porte d'entrée, les ombres allongées du public qui entre dans le salon d'honneur du Grand Palais s'immobilisent un instant. Au-delà de cette limite, de ce court crépuscule, l'obscurité se fait nuit. Des écrans tendus au plafond comme des voiles, des images démultipliés en jeu de miroirs sur le mur du fond, des projections gigantesques au-dessus, icônes écrasantes d'un pouvoir orwellien déchirent les ténèbres avec l'énergie de néon d'une fière métropole.

Accompagnées d'une bande-son éléctroindustrielle, les images projetées se dédoublent, formant un mur de béton. Celui-ci s'ouvre, révélant le secret qu'il enferme: une ville fantôme aux bâtiments abandonnés, des rues désertes dont la perspective débouche sur la steppe. Les vieux habitants qui témoignent viennent d'un autre âge, ils sont les spectres d'un monde disparu. Doublement survivants, ils racontent l'histoire des essais nucléaires, de ces champignons atomiques qui ont accompagné leur existence pendant des années, devenus familiers comme une végétation de leurs plaines. A cette histoire, celle des leurs emportés par la maladie et la mort suite aux radiations, se superpose le récit de l'Union Soviétique, disparue elle aussi, reposant désormais au cimetière de l'histoire. La nostalgie des êtres aimés, d'une jeunesse perdue, devient indissociable de celle du pays effacé dont il ne reste que quelques ruines et statues comme autant de pierres tombales.

Vêtus de costumes de protection ressemblant à des scaphandres spatiaux d'une série B de science fiction, des explorateurs s'enfoncent dans les profondeurs d'une centrale nucléaire. Le futurisme de l'architecture de verre et d'acier contraste avec l'exposition de son intérieur. Les entrailles de la machine sont les mêmes qu'il y a des décennies: un système nerveux de câbles et de tuyaux, une ossature de vis et de boulons nous rattachent à un passé terne. Les cosmonautes apparaissent parfois en gros plan, scandant des mots qui s'allongent en échos vocodés, les faisant évoquer des héros cinématographiques soviétiques. A la fin, une de ces héroïnes finit par trouver la sortie et s'allonge dans un champ de pâquerettes, qui par contraste semble être sur une autre planète. Le futur n'est pas dans les promesses de la machine, mais dans un ailleurs d'oxygène et de chlorophylle.

Le futur officiel du Kazakhstan nous est présenté dans une projection au plafond. Il faut s'allonger par terre sur de gros coussins pour le contempler dans les cieux comme les étoiles dans un planétarium. Le chantier de la future exposition universelle de 2017 promet des structures avant-gardistes, fluides et conviviales. Ces stades, arènes et halles d'exposition sont construites des mêmes poutres d'acier, des mêmes câbles et machines que la centrale nucléaire que nous avons visité précédemment, comme si toute extraction du passé était impossible. Malgré les images multicolores de danseurs et de musiciens, ce futur radieux peine à convaincre. Dans la poussière de la steppe, les fantômes ne se laissent pas exproprier facilement.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire :
Jérôme Neutres, directeur de la stratégie et du développement, Rmn-Grand Palais.

Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et “Astana EXPO-2017”, Kazakhstan




Almagul Menlibayeva est aujourd’hui l’une des artistes contemporaines kazakhes les plus renommées dans son pays comme à l’international. Artiste engagée, utilisant principalement comme médium artistique les installations vidéo, Almagul Menlibayeva, qui vit entre Almaty et Berlin, a déjà été invitée à présenter son travail dans de nombreux centres d’art et manifestations, notamment lors de la dernière Biennale de Venise (2015).

Cette exposition présente une installation inédite spécialement conçue pour le Salon d’honneur du Grand Palais. La Rmn-Grand Palais coproduit cet événement dans le cadre de sa coopération artistique avec le Kazakhstan, avec la collaboration de «Astana EXPO-2017, Kazakhstan», en prélude à l’Exposition,internationale intitulée “EXPO-2017 International Exhibition” qui se tiendra dans la capitale du Kazakhstan du 10 juin au 10 septembre prochains.

Avec cette installation sur mesure intitulée “Transformation”, Almagul Menlibayeva investit le volume du Salon d’honneur du Grand Palais dans sa monumentalité (un rectangle de 1200 m2, avec près de 17 mètres de hauteur sous plafond). Sans aucune division matérielle de l’espace, l’artiste découpe, rythme et habite le Salon d’honneur par l’installation d’un dispositif original composé de multiples écrans et projections d’une série d’oeuvres qui se croisent, contrastent, et se répondent, ainsi que d’un montage sonore synchronisé. Dispositif immersif, l’installation comprend aussi un tapis original dessiné par l’artiste– interprétation contemporaine du médium de création le plus traditionnel au Kazakhstan.

À partir de l’oeuvre Kurchatov 22 (2013) l’artiste traite du drame des essais nucléaires à répétition (1949-1991) dans la ville de Kurchatov lorsque le Kazakhstan était une région de l’Empire soviétique. Almagul Menlibayeva propose ici un nouveau montage de l’installation associant deux vidéos inédites réalisées spécialement pour l’exposition.

Tokamak (2016) revient dans la ville de Kurchatov pour filmer un nouveau réacteur nucléaire de la dernière génération, système de fusion ultra sophistiqué, dédié désormais au nucléaire civil mais faisant nécessairement écho à l’histoire militaire de la région.

Enfin, l’oeuvre Astana (2016), du nom de la nouvelle capitale du Kazakhstan depuis 1997, bâtie en quelques années sur une steppe déserte, tente d’appréhender, à partir de l’architecture futuriste de cette ville du XXIe siècle, le processus de transformation d’un paysage et d’une société.

Interrogeant les combinaisons de l’histoire, de l’architecture et de la science, et les processus de transformation d’une société, Almagul Menlibayeva, à travers cette fresque sur le Kazakhstan d’hier et de demain, livre une oeuvre aux résonances universelles.