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“Troposphère” article 2068
Le 6b, Saint-Denis

du 26 janvier au 26 février 2017



www.le6b.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Baozhong Cui, le 27 janvier 2017.

2068_Troposphere2068_Troposphere2068_TroposphereLégendes de gauche à droite :
1/  Fu Site, Looking through, 2016. Huile sur toile. 130 x 97 cm.
2/  Cheng Fan, Grec-5, 2015. Pastel et acrylique sur papier. 76 x 57 cm.
3/  Zhao Biru, Ville, 2015. Encre, pigment sur papier de riz. 70 x 100 cm.

 


2068_Troposphere audio
Interview de Baozhong Cui, président de l'association Via Paris et commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Saint-Denis, le 27 janvier 2017, durée 29'52". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Une mosaïque de portraits photographiés portant des masques. Des masques futuristes de papier, de carton, de ruban adhésif, de tubes de plastique ou de poireaux, de cassettes audio ou de bouchons de liège, d'emballages de nourriture ou de chutes de tissu. Les milles visages photographiés par Wen Fang se confondent avec leurs masques, ou bien ce sont les masques qui deviennent visages. Ce trombinoscope cyberpunk nous projette dans un présent déjà futur, dans une accélération du temps que cette jeune génération d'artistes chinois qui investit le 6b nous décrit avec fraicheur.

La ville de papier de Dong Minghao, forêt dense de tours et de gratte-ciels minuscules, ressemble, vue de la hauteur de nos yeux, à un paysage unifié, où tout à la même valeur. Les bâtiments faits du même papier de récupération sont tous semblables, se fondant dans une masse compacte, indifférenciée, gommant tout caractère, toute identité tant à la mégapole qu'à ses habitants.

Le journal intime de Song Wei, qui pourrait être un citoyen de cette cité, se compose de tickets de caisse de supermarché, chauffés et brûlés pour révéler des éléments radiographiques, des morceaux d'organes, des déchirures de rêves. C'est sur la banalité du shopping, du papier distribué et jeté que doit désormais se reconstruire une identité en perdition. Même les relations sont éphémères, les portraits de convives avec qui Zhang Mo partage un banquet sont peints à la sauce de soja et au vin. La relation à l'autre se consomme ainsi comme un repas, ce n'est qu'un instant fugace laissant derrière lui quelques taches sur la nappe de papier.

Le classicisme de la vague de Li Xi, dessinée d'un crayon fin et précis sur une grande feuille de papier blanc, semble bien loin de la modernité. Pourtant cette vague s'estompe dans des gris de plus en plus clairs jusqu'à se fondre dans la masse lumineuse du papier. Une deuxième vague, celle de l'histoire, de l'ouverture de la culture traditionnelle au contemporain vient balayer la précédente et l'efface. Tang Zhifang avec son journal des gestes réalise une calligraphie du geste quotidien. Le pinceau, l'encre noire, le mouvement, en se basant sur les gestes de la vie contemporaine, tentent de recréer une nouvelle écriture, peut-être les bases d'une tradition future ?

Dans le paysage de Hong Wai, les montagnes noires émergeant de la brume sont des silhouettes de femmes tatouées allongées, irruption d'un registre urbain dans la tranquillité immuable d'une culture qui semblait endormie. De même, la jeune femme à la langue serpentine et à la chevelure de dragon peinte par Wang Jojo survole de ses airs de manga un paysage rose et bleu vif.

Zhou Wenjing aligne des stérilets de cuivre comme on compose un texte écrit en idéogrammes manufacturés. L'empêchement de naître vient substituer un langage nouveau à la calligraphie ancienne devenue obsolète.

La photographie est également le champ d'une transformation, d'un réel renouveau. Celle distillée jusqu'à l'essentiel d'abord, de Li Xingyuan, un paysage réduit à une ligne horizon séparant le monde en deux aplats noir et blanc.

Zhang Wenjue assemble une tête d'homme sur un corps de femme dans un portrait épuré, cadré dans l'intimité d'une chambre ou d'un studio. En y ajoutant seulement un nom une adresse, le mystère demeure sur le genre, l'identité sexuelle, la manipulation éventuelle de l'image et du corps. Est-ce une réelle personne ou bien une fabrication ? Des interventions sur un corps transsexuel peuvent-elles cesser de l'exclure de la normalité et le faire reconnaître comme un corps égal aux autres ?

Chen Yidan opère un très bel usage du trucage numérique, transformant la photographie en un univers nouveau, mélangeant un onirisme multicolore de couches superposées jusqu'à l'absurde à une symétrie de synthèse. Ses portraits deviennent des tableaux au bonheur un peu inquiétant, un au-delà sucré mais ne parvenant pas à masquer une certaine amertume.

Le lapin errant de Yike, un costume de peluche dans lequel l'artiste rencontre le public et l'invite à participer à des séances thérapeutiques éclaire et réchauffe. En jouant avec de la farine ou des feuilles de papier de couleur, il s'agit de retrouver le chemin d'un sourire perdu dans l'agitation des villes. Une fois la séance d'art-thérapie finie, le lapin errant reprend sa petite valise et s'éloigne d'un pas tranquille comme un héros improbable vers de nouvelles aventures. Un discours un peu décalé par rapport aux modes actuelles, peut-être, mais pourquoi un artiste ne pourrait-il pas simplement distribuer un peu de joie et d'apaisement autour de lui ?

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Baozhong Cui, président de l'association Via Paris
Comité de recherche : François Cheng, Yves Michaud, LI Xianting, Daozi




Cette exposition, ouverte à tous les artistes chinois arrivés en France après l’an 2000, propose un état des lieux des oeuvres et de la vie de cette jeune génération. Elle témoigne aussi de nouvelles expériences et de nouvelles pratiques par rapport aux artistes chinois précédemment installés en France, grâce aux nombreux échanges culturels s’effectuant désormais entre les deux pays.

Le nom de l’exposition, « la Troposphère », évoque les rencontres attendues ou inattendues que connaissent les artistes chinois dans leur vécu concret, une fois en France. En effet, leurs situations de vie et de travail sont similaires à la troposphère, métaphoriquement. Forts de leur propre culture, ils suivent une éducation artistique à la fois chinoise et occidentale, et expérimentent diverses influences tant au niveau physique, qu’intellectuel, spirituel ou moral.

Ces jeunes artistes chinois, qui ont étudié dans les écoles des beaux-arts en Chine et en France, vivent dans le même contexte historique que le nôtre : la globalisation, la société de consommation, les conflits entre l’individu et le système, etc. Mais, bien que de nombreuses expositions aient été consacrées aux artistes chinois vivant en France lors de ces dernières années, leur situation n’en demeure pas moins « marginale » dans le paysage contemporain.

L’histoire des artistes chinois en France débute il y a plus d’un siècle. Au début du XXe, Sanyu, LIN Fengmian et XU Beihong viennent étudier la peinture à l’huile en France, qui symbolise alors la modernité, afin de renouveler leur pratique artistique. ZAO Wu-ki, CHU Teh-Chun, François CHENG, ou WU Guanzhong, quant à eux, arrivent dans l’Hexagone vers la fin des années 1940, dans l’espoir d’y trouver leur propre voie. Il faut attendre l’ouverture de la Chine, à partir des années 1980, pour voir émerger une nouvelle génération d’artistes. Au Centre Pompidou, en 1989, l’exposition “Les Magiciens de la terre” révèle ainsi HUANG Yongping, YANG Jiecang et GU Dexin sur la scène française. En 1990, FEI Dawei organise enfin l’exposition “Chine demain pour hier”, puis l’exposition “Itinérant95”, à la mairie de Levallois en 1995.

Invité à diriger le comité de recherche de l’exposition “Troposphère”, l’académicien François Cheng fut avec Zao Wu-ki et Chun Teh-Chun l’un des « trois mousquetaires » chinois de l’Institut de France. Témoin des évolutions de l’art lors de la deuxième moitié du XXe siècle, François Cheng fut convié avec LI Xianting et Daozi, spécialistes des mouvements artistiques chinois de ces trente dernières années, à participer à l’exposition “Chine demain pour hier”, organisée en 1990 par Yves Michaud, critique d’art, philosophe et ancien directeur de l’École des beaux-arts de Paris. La thématique de recherche de “Troposphère” portera sur les influences multiculturelles dans la création artistique.




À propos de VIA Paris
Basée à Paris, VIA Paris est une association qui a pour but de promouvoir de jeunes artistes à travers des expositions et des événements culturels. En latin, « via » veut dire « le chemin ». Les membres de VIA Paris sont des commissaires d’exposition, des artistes et des médiateurs culturels qui, en partenariat et en coopération avec des instituions et des écoles d’art, organisent régulièrement des expositions et des conférences dans des musées, galeries ou espaces publics. La branche de l’association VIA Shanghai vient d’être fondée au plein centre de Shanghai, avec la perspective de promouvoir les échanges artistiques entre la France et la Chine : www.viaparis.net/accueil_fr