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“Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt” article 2072
à la Fondation Custodia, Paris

du 4 février au 7 mai 2017



www.fondationcustodia.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 3 février 2017.

2072_Du-dessin-au-tableau2072_Du-dessin-au-tableau2072_Du-dessin-au-tableauLégendes de gauche à droite :
1/  Cornelis Saftleven (1607–1681) et Herman Saftleven (vers 1609−1685), Chasseur endormi dans un paysage, 1642 ou légèrement postérieur. Huile sur panneau, 36,8 x 52 cm. © Collection Maida et George Abrams, Boston.
2/  Balthasar van der Ast (1593/94–1657), Nature morte de fleurs, vers 1630. Huile sur panneau, 37,2 x 24,5 cm. © Collection Eijk et Rose-Marie de Mol van Otterloo.
3/  Jacob van Ruisdael (1628/29–1682), Panorama d’Amsterdam, du port et de l’IJ, vers 1665-1670. Huile sur toile, 41,5 x 40,7 cm. © Collection particulière, Angleterre, en prêt à la National Gallery, Londres, inv. l1052.

 


2072_Du-dessin-au-tableau audio
Interview de Cécile Tainturier, conservatrice à la Fondation Custodia,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 3 février 2017, durée 18'22". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Comment se construit un tableau ? En présentant côte à côte carnets de croquis, études, dessins préparatoires et les toiles qu'ils ont servi à élaborer, la Fondation Custodia nous ouvre les portes des ateliers des grands peintres hollandais du XVIIéme siècle. Le dessin se laisse admirer non plus seulement pour la virtuosité de son exécution mais parce qu'il sert à capturer le réel pour en faire le matériau de base de la peinture.

Le carnet de croquis de Hendrick Cornelisz van Vliet démontre, en saisissant une rixe d'enfants, une fulgurante rapidité d'observation et de capture de l'instant. La pierre noire et la craie saisissent la scène sur le papier bleu comme le ferait un appareil photographique. Balthasar Van Der Ast, peintre de fleurs, poursuit ses études de coquillages peints à la gouache jusqu'au réalisme abouti que l'on pense réservé aux toiles, faisant jaillir du papier la brillance lisse des textures, le reflet nacré des volumes.

Le travail préparatoire à la peinture d'une scène campagnarde ou d'un dimanche de promenade hivernale sur un lac gelé procède, au delà du réalisme, d'une intention naturaliste avant l'heure. A observer ainsi la vie rurale, les métiers, les rapports et interactions des uns avec les autres, l'artiste élargit le cadre de ses fonctions pour devenir journaliste ou sociologue.

Des études de bosquets d'arbres, de paysages de campagne contiennent bien plus que la virtuose finesse des traits de plume qui les ont saisis. Invisible pour nos yeux, ces dessins contiennent la lumière de l'après-midi, l'ambiance automnale ou printanière, les lourds nuages qui éclateront en orage, conservés dans les pages des carnets jusqu'au moment où ils se libèreront sur la toile. Un paysage tout en courbes sensuelles et gracieuses de collines, de sillons, son église perchée sur un monticule devient dans un arrière-plan flou et estompé dans le lointain, une toute petite partie du tableau, un élément presque imperceptible mais une des fondations du récit pictural.

Le principe du dialogue entre dessin et peinture se révèle également ludique. Rechercher un personnage esquissé à la sanguine dans la foule d'une scène biblique, d'un diner en ville ou le chaos d'une taverne dans le tableau correspondant devient un jeu de piste qui permet aux mille détails d'une œuvre de se laisser découvrir. Un homme fumant une pipe étudié par Dirck Hals se retrouve ainsi dans deux tableaux différents, laissant entendre que les collections de croquis servaient de catalogue aux peintres dans leur travail.

De l'étude du réel à la composition finale, l'agencement change jusqu'à atteindre la perfection. Les modifications qu'opère Isack van Ostade dans sa Halte devant une auberge transforment le dessin d'une maison et du clocher qui émerge en arrière-plan pour y installer plus confortablement la scène qui s'y déroule. La toiture se perd dans une dense mousse devenant la masse sombre d'une colline, l'arbre derrière la bâtisse la recouvre à présent d'une ombre lourde, ajoutant au tableau une dimension excitante comme tirée d'un roman d'aventures.

La sensualité, l'effronterie que l'on trouve dans le dessin hollandais, ce regard aiguisé sur le monde mais avec toujours la petite étincelle d'ironie salvatrice qui permet de tout dire, cela suffit à faire le bonheur. C'était sans compter sur la générosité, il nous est ici offert bien plus.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Fondation Custodia présente à Paris la remarquable exposition consacrée aux peintures et dessins du Siècle d’or hollandais qu’elle a produite avec la National Gallery of Art de Washington. Pour la première fois après quatre siècles de séparation, sont réunis des tableaux des plus grands artistes hollandais avec leurs dessins préparatoires. Après son succès à Washington pendant l’automne 2016, le public français peut ainsi découvrir vingt-et-une peintures et une centaine de dessins, au nombre desquels deux rares carnets d’esquisses et un exceptionnel album offrant une immersion dans les ateliers du Siècle d’or.

L’exposition présente le fruit des années de recherche de plusieurs spécialistes, qui se sont penchés sur la façon dont les artistes néerlandais utilisaient le dessin dans leur processus pictural. Sur les quelques milliers de dessins ayant traversé les siècles jusqu’à nous, ils ont réussi à en mettre certains en rapport avec une peinture identifiée. L’exposition bénéficie de prêts de nombre des plus grands musées et cabinets d’arts graphiques du monde. Aux côtés des œuvres de la Fondation Custodia et de la National Gallery of Art de Washington, on peut voir entre autres des peintures et des dessins du Metropolitan Museum of Art de New York, du Fogg Art Museum de Boston, du Rijksmuseum d’Amsterdam, de l’Albertina Museum de Vienne, de l’Ashmolean Museum d’Oxford, du British Museum de Londres, de la Gemäldegalerie ou encore du Kupferstichkabinett de Berlin.

Une section introductive illustre la pratique du dessin des peintres hollandais au XVIIe siècle. Avec leurs études esquissées d’après des modèles, leurs croquis exécutés dans la nature – capturant paysages, arbres et bâtisses pittoresques, animaux… –, leurs études de mains, de bras, de têtes… les artistes se constituaient un répertoire de motifs dans lequel ils pouvaient puiser à loisir pour créer leurs tableaux.

Cette plongée dans les coulisses des ateliers permet de comprendre les méthodes de création d’une quarantaine des plus grands peintres hollandais et de passer en revue tous les genres picturaux : de la nature morte aux marines, des intérieurs d’églises aux scènes mythologiques et bibliques.

Si Rembrandt (1606-1669) fut un formidable dessinateur, on connaît très peu de feuilles directement préparatoires pour ses tableaux. L’un de ces très rares exemples est cependant présent dans l’exposition : pour la composition complexe de son Saint Jean-Baptiste prêchant, le maître hollandais a étudié dans différents dessins le personnage central et la foule assemblée pour écouter le saint. On peut suivre l’artiste dans sa recherche d’une posture, d’une expression ou du détail d’un costume.

Scènes de genre et portraits jalonnent le parcours de l’exposition. Le public peut notamment admirer les études de compositions d’Adriaen van Ostade (1610-1685) qui les multipliait et détaillait ensuite certaines de ses figures dans des dessins à la pierre noire dont plusieurs exemples sont exposés.

Après les « reportages » de batailles en mer et « portraits » de navires des célèbres peintres de marines Willem van de Velde père et fils, le visiteur pourra se pencher sur les méthodes de création de plusieurs des meilleurs paysagistes hollandais. La vue plongeante sur Amsterdam que Jacob van Ruisdael (1628/29-1682) réalisa sans aucun doute sur le motif, depuis les échafaudages d’un bâtiment en construction, a été le point de départ d’un remarquable tableau. La feuille, quoique de facture très enlevée, fournit d’infinis détails pour la description de la ville au premier plan, tandis que Ruisdael extrapole la moitié supérieure avec un ciel nuageux dont il avait le secret.

L’exposition et le catalogue sont le fruit d’une étroite collaboration d’un groupe international de spécialistes, sous la houlette de Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, Peter Schatborn, ancien directeur du Cabinet d’arts graphiques du Rijksmuseum, Amsterdam, et Arthur K. Wheelock Jr., conservateur des peintures nordiques à la National Gallery of Art, Washington. Le catalogue, disponible en français et en anglais, constitue la première étude sur le sujet et offre un panorama complet du XVIIe siècle hollandais.