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“Josef Koudelka” La fabrique d’Exils
au Centre Pompidou - Galerie de photographies, Paris

du 22 février au 22 mai 2017



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 21 février 2017.

2086_Josef-Koudelka2086_Josef-Koudelka2086_Josef-KoudelkaLégendes de gauche à droite :
1/  Josef Koudelka, Invasion, Prague, 1968, épreuve gélatino-argentique, 50 x 60 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. Don de l’artiste en 2016. © Josef Koudelka / Magnum Photos. © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.
2/  Josef Koudelka, France, 1987, épreuve gélatino-argentique. 50,6 x 60,6 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. Don du Jeu de Paume, avec le soutien de Magnum en. 2013. Ancienne collection du Centre National de la Photographie. © Josef Koudelka / Magnum Photos. © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.
3/  Josef Koudelka, Grèce,1983, épreuve gélatino-argentique, 10,2 x 15 cm. © Josef Koudelka / Magnum Photos.

 


2086_Josef-Koudelka audio
Interview de Clément Chéroux, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 21 février 2017, durée 12'47". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Clément Chéroux, Conservateur en chef du département des photographies, San Francisco Museum of Modern Art Conservateur puis chef de service du Cabinet de la photographie, musée national d’art moderne de 2007 à 2016
assisté de Emmanuelle Etchecopar-Etchart, attachée de conservation, Cabinet de la photographie, musée national d’art moderne




« Être un exilé oblige de repartir de zéro. C’est une chance qui m’était donnée. » Josef Koudelka

Josef Koudelka, la fabrique d’Exils, est la première exposition de Josef Koudelka, à Paris, depuis 29 ans. En 2016, le photographe a fait don au Centre Pompidou de la totalité des soixante quinze photographies de la série Exils. L’exposition, présentée à la Galerie de photographies, dévoile trente-cinq images parmi les plus emblématiques de cette série, accompagnées de nombreux inédits tirés pour l’occasion. Le parcours est complété par un extraordinaire ensemble d’autoportraits réalisés par Josef Koudelka au cours de ses voyages et jamais montrés jusqu’à présent. L’exposition présente également pour la première fois les planches sur lesquelles le photographe collait ses images, selon une organisation formelle ou thématique.

En 1970, peu après avoir photographié l’invasion de Prague par les chars soviétiques, Josef Koudelka décide de quitter la Tchécoslovaquie où il est né. Les mois d’hiver, il habite à Londres puis à Paris. Le reste du temps, il est sur les routes d’Europe à traquer les hasards. C’est pendant cette période des années 1970 et 1980 que Josef Koudelka produit ses images les plus enchantées qui composeront la série intitulée Exils. Elles seront exposées à Paris en 1988, puis recueillies dans un ouvrage devenu référence de la bibliophilie photographique.

L’exposition du Centre Pompidou propose, à travers quatre-vingt photographies, la présentation la plus complète et la plus riche de cette série. Elle invite à comprendre comment s’est élaboré le projet, éclairant ainsi pour la première fois la « fabrique » d’Exils.

Un catalogue sous la direction de Josef Koudelka, Clément Chéroux avec un texte de Michel Frizot accompagne l’exposition en coédition Centre Pompidou / éditions Xavier Barral.




Textes de salles

22 août 1968 : un bras s’avance dans l’image. La montre à son poignet indique l’heure. La veille, les chars de l’Armée rouge sont entrés dans Prague. Un rendez-vous a été fixé pour une manifestation de contestation. Mais il s’agit là d’un piège fomenté par Moscou. Le peuple de Prague est heureusement averti à temps. À l’heure dite la place est vide. à ce moment là commence pour Koudelka un lent compte à rebours qui l’amènera bientôt à quitter son pays natal. En 1970, il décide en effet de ne pas retourner en Tchécoslovaquie. Les mois d’hiver, il habite à Londres puis à Paris. Le reste du temps, il est sur les routes d’Europe à traquer les hasards. C’est pendant ces années 1970 et 1980 qu’il réalise ses images les plus enchantées qui composeront le livre Exils publié par Robert Delpire en 1988.

En 2016, Josef Koudelka faisait don au Centre Pompidou des 75 photographies d’Exils. La présente exposition associe aux images les plus emblématiques de la série quelques inédits tirés pour l’occasion et les planches sur lesquelles le photographe a organisé ses tirages par forme ou par thème afin de les sélectionner. Elle est complétée d’une extraordinaire série d’autoportraits réalisés par Koudelka lors de ses voyages et jamais montrés jusqu’à présent. On avait d’Exils une idée lacunaire et parcellaire, par images isolées. La présente exposition donne de la série une vision beaucoup plus complexe. Elle permet de mieux comprendre l’élaboration du projet, c’est-à-dire la fabrique d’Exils.

Dans les années 1970 et 1980, durant le printemps et l’été, Josef Koudelka parcourt les chemins d’Europe. L’hiver, il s’arrête à Londres, puis à Paris pour développer, tirer et éditer ses photographies. Il n’a pas de domicile fixe, ne possède rien et ne s’attache pas. Toujours accompagné de son sac de couchage qu’il porte en bandoulière comme ses appareils photographiques, il dort ici et là, chez des amis, à l’agence Magnum ou à la belle étoile. À force de photographier les gitans, il en est lui-même devenu un. Ces années d’Exils correspondent pour lui à l’appropriation progressive d’une forme d’expérience du monde qui est celle des gens du voyage. Le nomadisme permanent n’est plus seulement un sujet pour lui, il est devenu son mode de vie. Cette évolution le conduit à être de plus en plus présent dans ses images. Il n’hésite pas à introduire régulièrement dans son cadre : son ombre, sa main ou ses pieds. Il poussera même l’expérience plus loin en se photographiant le soir au coucher ou le matin au réveil en tenant l’appareil à bout de bras ou en le posant à terre. Ces images avaient été tenues secrètes jusqu’à présent. Sélectionnées par le commissaire de l’exposition, ces épreuves de travail qui n’ont jamais fait l’objet d’un tirage d’exposition sont présentées ici pour la première fois.




Extrait du Catalogue - La belle étoile, par Clément Chéroux

Prague, place Venceslas, 22 août 1968 : un bras s’avance dans l’image. La montre à son poignet indique l’heure. L’avant-bras ne se dresse pas verticalement comme dans les habituelles représentations révolutionnaires teintées de rouge. Il est tendu à l’horizontale parallèlement au bord bas de l’image. Le poing est cependant fermé, comme s’il s’agissait de protester avec l’arme du temps. Dans les jours qui ont précédé, les chars des armées du pacte de Varsovie sont entrés dans la ville au son stridulant des chenilles sur le pavé. La rumeur d’une manifestation de contestation s’est rapidement répandue. Un rendez-vous a été fixé sur la place, sous la statue équestre du saint patron de la République tchèque, en contrebas du Musée national. Mais il s’agissait là d’un piège fomenté par quelques agents provocateurs à la solde de Moscou afin de déclencher un incident qui permettrait de justifier l’invasion. Heureusement, le peuple de Prague a été averti à temps. À l’heure dite, la place est à peu près déserte, comme en témoigne l’image. Cette photographie de Josef Koudelka fait chronologiquement partie de sa série Invasion 68 dans laquelle il montre la ferveur résistante de ses compatriotes face à la détermination de l’Armée rouge à mater dans le sang l’élan démocratique du Printemps de Prague. Mais c’est aussi la première image de son livre Exils, publié vingt ans plus tard, en 1988, par Robert Delpire. De cette image devenue icône, Koudelka dit d’ailleurs que « c’est la photographie symbolique d’Exils ». Comme si ce jour d’août 1968, peut-être à cet instant précis, avait commencé un lent compte à rebours qui allait conduire le photographe à quitter son pays natal. En 1970, à la faveur d’un voyage à l’étranger, Koudelka décide en effet de ne pas retourner en Tchécoslovaquie. Commencent alors pour lui des années d’exil passées sur les chemins du monde à traquer les hasards
[...]
L’état latent d’inquiétante étrangeté qui innerve chacune des images d’Exils donne sa très grande homogénéité à la série. Durant les phases préparatoires à l’édition du livre, Koudelka a cherché à comprendre cette cohérence. Sur des feuilles cartonnées, il a commencé à associer les photographies selon leur composition ou leur thématique, puis les a ensuite réunies dans ce qu’il appelle un « katalog », comme s’il s’agissait là d’un répertoire méticuleusement ordonnancé. Celui-ci rassemble en effet des assortiments de matières, des bouquets de silhouettes, et quelques habitudes de composition. Il rend visible une manière singulière de couper les corps ou de les organiser dans le cadre. Par ces rapprochements, Koudelka crée des sortes de polyptyques qui forment des continuités. À l’horizontale ou à la verticale, ces images mises bout à bout annoncent explicitement les formats panoramiques des décennies suivantes. Publié en 1988, puis réédité en 1997 et en 2014, Exils ne conservera cependant rien de ces associations d’idées et de formes. Dans le livre, les images sont publiées une à une, isolées en page de droite avec un large espace blanc en vis-à-vis. Ce choix, qui estompe les possibles mises en relation, s’explique de diverses manières. L’époque est à la picture story : une séquence d’images qui raconte une histoire. La plupart des photographes de Magnum la pratiquent. Koudelka a rejoint l’agence en 1971, mais se distingue de la plupart de ses membres en ne réalisant aucune commande, c’est-à-dire en travaillant exclusivement pour lui-même. Par ailleurs, la date à laquelle Exils est publié correspond à un moment où la photographie cherche sa légitimité au sein de l’art. Il importe alors de se distinguer du reportage et d’une forme de sérialité inhérente à la photographie. Le modèle imposé par le monde de l’art est celui du chef-d’oeuvre, c’est-à-dire d’une image isolée, sans légende, abstraite de toute contingence utilitaire et même documentaire. Ces arguments contextuels expliquent pour partie l’autonomisation des photographies d’Exils. À travers les trois éditions successives du livre, on a finalment d’Exils une perception largement atomisée et parcellaire. La série apparaît en effet comme une succesion d’images indépendantes. Réalisés à l’occasion de la donation par Josef Koudelka des soixante-quinze photographies d’Exils aux collections du Centre Pompidou, le présent ouvrage et l’exposition qu’il accompagne ont pour ambition de donner de cette série une vision plus complète et complexe. Grâce au minutieux travail d’enquête réalisé par Michel Frizot, il est désormais possible de mieux comprendre la genèse de la série ainsi que ses conditions de production. En publiant et en exposant quelques-unes des planches du katalog, en reconstituant certaines associations d’images et en y associant des inédits, l’enjeu est bien ici de mettre en évidence des récurrences de formes et de sujets, c’est-à-dire des manières de faire image. Il ne s’agit évidemment pas de raconter des histoires comme dans les picture stories des repoters, mais bien plutôt de cerner plus explicitement ce qui constitue le style du photographe. Le présent projet montre en somme qu’il existe une véritable cosmologie Koudelka avec des planètes, quelques satellites et des pluies d’étoiles. Certaines images gravitent autour d’autres, entrent dans leur champ d’attraction, ou se trouvent irradiées par leur lumière stellaire. La lucidité nous pousse à accepter de ne connaître qu’une part infime de notre univers. Il en va au fond exactement de même pour l’oeuvre de Koudelka. Les corpus les plus connus ont certes été publiés puis réédités. Mais une part importante de l’archive du photographe reste méconnue. De cet univers-là, on ne soupçonne encore que les premiers confins. Le voyage d’exploration commence à peine.




Biographie de l’artiste

Josef Koudelka est né en Moravie (Tchécoslovaquie) en 1938. D’abord ingénieur aéronautique, il se lance à plein temps dans la photographie à la fin des années 1960. En 1968, il photographie l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie. Il publie ses clichés sous le pseudonyme P.P. (Prague Photographer) et se voit décerner anonymement le prix Robert Capa pour ses images. Quarante ans plus tard, un nombre important de ses photographies, accompagnées de textes de référence, est publié sous le titre Invasion Prague 68. Koudelka quitte la Tchécoslovaquie en 1970. Il devient apatride, avant d’obtenir l’asile politique en Grande-Bretagne. Peu après, il rejoint Magnum Photos. En 1975 est publiée la première édition de son livre Gitans (une édition revue et augmentée est sortie en 2011). La première édition d’Exils est publié en 1988 par le Centre national de la photographie à l’occasion d’une exposition dans les locaux du Centre, au Palais de Tokyo. Ensuite Koudelka publie dix recueils de photographies panoramiques qui s’intéressent à la relation entre l’homme contemporain et le paysage, notamment Black Triangle (1994), Chaos (1999), Lime (2012) et Wall (2013).

Koudelka a exposé au MOMA et au Centre international de la photographie à New York, à la Hayward Gallery de Londres, au Stedelijk Museum d’Amsterdam ou au Palais de Tokyo à Paris. Il a reçu le prix Nadar (1978), le Grand Prix national de la photographie (1989), le Grand Prix Cartier-Bresson (1991), le Prix international de la photographie de la fondation Hasselblad (1992) et la médaille du Mérite de la République tchèque (2002). En 2012, il a été nommé commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la communication. Il vit à Paris et à Prague.

La Galerie de photographies du Centre Pompidou est en accès libre (Forum-1).