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“Karel Appel” L’art est une fête !
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 24 février au 20 août 2017



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 23 février 2017.

2090_Karel-Appel2090_Karel-Appel2090_Karel-AppelLégendes de gauche à droite :
1/  Karel Appel, Animaux au-dessus du village, 1951. Huile sur toile, 130 x 161 cm . Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Photo : Fondation Karel Appel. © Karel Appel Foundation / ADAGP, Paris 2017.
2/  Extrait du film de Jan Vrijman, La réalité de Karel Appel, 1961. Photo : Ed van der Elsken / Nederlands Fotomuseum. © Ed van der Elsken / Nederlands Fotomusuem / Courtesy Annet Gelink Gallery.
3/  Karel Appel, Danseurs du désert, 1954. Huile sur toile, 117 x 166 cm. Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Photo : Fondation Karel Appel. © Karel Appel Foundation / ADAGP, Paris 2017.

 


2090_Karel-Appel audio
Interview de Choghakate Kazarian, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 23 février 2017, durée 8'12". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

L'art est une fête ! est-il écrit à l'entrée de l'exposition, une fête où l'on vient comme on est, femme au chapeau, enfants mendiant, animaux de cirque, femme prête à accoucher, crabe triste. La musique très forte qu'il y a dans la peinture de Karel Appel, tonnerre de cuivres et de tambours, fait danser tous ces personnages dans des rondes de couleurs tournant à la vitesse folle d'un manège de fête foraine. L'urgence à vivre, ici et maintenant, les éclats de cette fête tentent désespérément de couvrir les grimaces et les cris, la peur et la douleur.

La naïveté des personnages en chutes de bois peintes et clouées auxquels répondent une construction similaire de traits et d'aplats sur les toiles procèdent d'un vernaculaire enfantin. L'artiste a su garder une vision non filtrée du monde, une spontanéité colorée, joyeuse, mais qui pourtant n'est pas dupe de la cruauté de l'âme. La peinture est rapide, engagée dans une course contre la montre contre le regard intérieur, celui qui pense beaucoup et réfléchit trop, qui enjolive et transforme les choses pour les rendre convenables et présentables.

Karel Appel se débarrasse des instruments traditionnels du peintre comme on quitte un vêtement trop étroit. En peignant directement sur la toile avec le tube de peinture, en faisant de la couleur une matière épaisse comme la glaise du sculpteur qu'il jette et étale sans ménagement, il court-circuite la délicate mécanique de la pensée. Il se saisit de la réalité avec ses mains nues pour la projeter directement sur la surface du tableau. Dans une courte séquence filmée, on le voit peindre quelques minutes, le visage transformé par une énergie rageuse. Sa peinture est une combat contre la toile. Il avance, recule comme pour esquiver, exécute de petits pas de danse à droite et à gauche comme un boxeur sur le ring. Enfin, il bondit, frappe d'un direct bleu ou d'un uppercut rouge. Du magma originel porté à ébullition, un dragon émerge du tourbillon de couleurs, semblant s'extraire de la surface plane pour entrer dans notre monde en trois dimensions.

Alors que les formats des tableaux s'agrandissent dans les années 80, Karel Appel utilise des couleurs plus vives, des contrastes plus marqués. Des contours définis, une palette réduite, permettent une lisibilité percutante d'affiche de cinéma ou de publicité. Les formes, si elles ont une accessibilité figurative, ne sont pas pour autant dessinées. Ce sont des déchirures: flammes rouges infernales aux pointes acérées, silhouettes sombres sur fond blanc ou blafardes couleur d'os se découpant dans une obscurité de néant. Le trait lui-même a changé de fonction, devenant un fil de suture tentant de raccommoder le chaos, réparer le vivant souffrant au prix de la douleur post opératoire.

La fête est cet espace où les masques tombent, où le sourire devient rictus. Chaque danse a l'énergie décuplée de la conscience de la catastrophe qui vient, l'ivresse le dernier moyen de se rencontrer, d'une illusoire fraternité dans la misère et la peine. Les corbeaux se rapprochent, annonciateurs des cadavres que nous serons. La petite humanité peinte par Karel Appel continue de faire ses tours de piste, encore et encore, pour oublier que tout ça s'arrêtera bien trop tôt.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Choghakate Kazarian



À partir d’une donation exceptionnelle de vingt-et-une peintures et sculptures de la Karel Appel Foundation d’Amsterdam, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente une exposition retraçant l’ensemble de la carrière de l’artiste, des années CoBrA à sa mort en 2006.

Karel Appel, artiste néerlandais cosmopolite, est connu pour avoir été un des membres fondateurs du groupe CoBrA, créé à Paris en 1948 (et dissout en 1951). Ce groupe européen, composé d’artistes tels que Asger Jorn ou Pierre Alechinsky, se propose de dépasser les académismes de l’époque, comme l’art abstrait, considéré alors comme trop rigide et rationnel. Ces artistes prônent un art spontané et expérimental, incluant un ensemble de pratiques inspirées du primitivisme. Ils s’intéressent particulièrement aux dessins d’enfants et à l’art des fous avec une ambition internationale, fidèles aux principes des avant-gardes.

Contemporain de la Compagnie de l’art brut fondée par Jean Dubuffet au même moment, CoBrA s’inscrit dans ce courant de contre-culture. Il rejette les valeurs établies et propose un nouveau départ, libéré des conventions et revendiquant la spontanéité du naïf.

Artiste voyageur, Karel Appel a vécu dans plusieurs pays, notamment en France où il s’est installé en 1950. Son travail est alors activement soutenu par des critiques tels que Michel Ragon, ou Michel Tapié qui y voit l’équivalent européen de l’expressionnisme abstrait américain incarné notamment par Jackson Pollock.

Karel Appel développe une veine gestuelle dans toute son ampleur. Après une période de transition dans les années 1970 pendant laquelle il se rapproche de l’abstraction, l’artiste connaît un renouveau pictural dans les années 1980, période qui sera mise à l’honneur avec un ensemble de grands polyptyques. Le parcours sera ponctué de plusieurs sculptures, entre bricolages CoBrA et immenses installations baroques dont le caractère ludique fait écho à l’énergie vitaliste de son oeuvre peinte.

L’exposition présentera un important groupe d’oeuvres-phares dont le Carnet d’art psychopathologique, ainsi que des oeuvres des années 1950 (peintures et sculptures en céramique). Le parcours se poursuivra avec de grandes installations des années 1970 et 1990 et finira avec une peinture-testament méconnue, réalisée peu avant la mort de l’artiste en 2006.