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“21 rue La Boétie*” Picasso, Matisse, Braque, Léger...
au musée Maillol, Paris

du 2 mars au 23 juillet 2017


*d’après le livre d’Anne Sinclair (© Editions Grasset & Fasquelle, 2012)



www.museemaillol.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 1er mars 2017.

2094_21RueLaBoetie2094_21RueLaBoetie2094_21RueLaBoetieLégendes de gauche à droite :
1/  Pablo Picasso (1881-1973), Portrait de Mme Rosenberg et sa fille, 1918. Huile sur toile, 130 x 97 cm Musée Picasso Paris (Dation Micheline Rosenberg, 2008). © Succession Picasso 2016 © RMN - Grand Palais musée Picasso de Paris) - © Thierry Le Mage.
2/  Marie Laurencin (1883-1956), Anne Sinclair à l’âge de quatre ans, 1952. Huile sur toile, 27 x 22 cm, Collection particulière. © Fondation Foujita / ADAGP, Paris, 2016.
3/  Henri Matisse (1869-1954), La leçon de piano,1923. Huile sur toile, 65 x 81 cm, Collection particulière.© Succession H. Matisse.

 


2094_21RueLaBoetie audio
Interview de Isabelle Benoit, co-commissaire de l'exposition pour Tempora,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 1er mars 2017, durée 14'41". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : par Elie Barnavi, Benoît Remiche, Isabelle Benoit, Vincent Delvaux et François Henrard pour Tempora



L’exposition 21 rue La Boétie retrace le parcours singulier de Paul Rosenberg (1881-1959), qui fut l’un des plus grands marchands d’art de la première moitié du XXe siècle. Elle rassemble une soixantaine de chefs d’œuvre de l’art moderne (Pablo Picasso, Fernand Léger, Georges Braque, Henri Matisse, Marie Laurencin...), pour certains inédits en France et provenant de collections publiques majeures telles le Centre Pompidou, le Musée d’Orsay, le Musée Picasso à Paris, ou encore le Deutsches Historisches Museum de Berlin, ou d’importantes collections particulières comme celle de David Nahmad. De nombreuses oeuvres sont directement liées au marchand, pour avoir transité par ses galeries, à Paris ou à New York, alors que d’autres renvoient au contexte historique et artistique de l’époque.

Conçue par Tempora et réalisée par Culturespaces, cette exposition bénéficie du soutien actif de la petitefille de Paul Rosenberg, Anne Sinclair, auteur du livre éponyme 21 rue La Boétie (paru aux Editions Grasset & Fasquelle, 2012).

Marchand d’art passionné, homme d’affaires avisé et amateur éclairé, Paul Rosenberg fut l’ami et l’agent des plus grands artistes de son temps, qui allaient devenir des maîtres incontestés de l’art moderne. Sa galerie mythique a servi de pivot à la peinture moderne en France, et plus largement en Europe et aux Etats-Unis.

La carrière de Paul Rosenberg permet d’appréhender sous un prisme nouveau le double tournant, dans l’histoire de l’art, que représentent l’émergence de l’art moderne, puis, dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, le déplacement du centre mondial de l’histoire de l’art de Paris vers New York, en pleine crise de la Seconde Guerre mondiale. Mêlant histoire de l’art, histoire sociale et politique, l’exposition met en lumière un moment crucial du XXe siècle, dont Paul Rosenberg a été un témoin emblématique, à la fois acteur et victime.

Après le Musée de La Boverie de Liège, la venue de l’exposition 21 rue La Boétie au Musée Maillol s’inscrit dans la nouvelle programmation du musée, mise en oeuvre par Culturespaces, et recentrée sur l’art moderne et contemporain. Elle fait résonner les liens que Paul Rosenberg entretenait avec Aristide Maillol, que le marchand défendait dans sa galerie.

Le commissariat de l’exposition est assuré par Elie Barnavi, Benoît Remiche, Isabelle Benoit, Vincent Delvaux et François Henrard, de l’équipe Tempora. Elaine Rosenberg, belle-fille de Paul Rosenberg, à New York, a permis la mise à disposition de ses archives, et Anne Sinclair est la marraine de l’exposition.




Parcours de l’exposition


Section 1 - la naissance d’une galerie


« J’ouvre prochainement de nouvelles galeries d’Art moderne, 21, rue La Boétie, où je compte faire des expositions périodiques des Maîtres du XIXe et des peintres de notre époque. J’estime toutefois que le défaut des expositions actuelles est de montrer isolément l’oeuvre d’un artiste. Aussi ai-je l’intention d’organiser chez moi des expositions d’ensemble d’Art décoratif. Bien des personnes, qui ne sont pas assez sûres de leur goût ou du goût des Artistes, pris séparément, verraient leur tâche facilitée en jouissant d’un coup d’oeil d’ensemble de l’étroite réunion de tous les Arts dans l’atmosphère d’une habitation privée. » Paul Rosenberg, environ 1914 (archives de la famille)

Les premiers pas de Paul Rosenberg sur le marché de l’art au début du XXe siècle à Paris sont évoqués ici. Fils du marchand Alexandre Rosenberg, Paul Rosenberg partage aussi l’amour de l’art avec son frère Léonce Rosenberg qui deviendra l’un des plus grands défenseurs des peintres cubistes à travers sa galerie de L’Effort Moderne. Ouvert à la création de son siècle adossée à celle du XIXe siècle, Paul Rosenberg, ouvre sa propre galerie, en 1910, au 21 rue La Boétie à Paris. À cette même époque s’esquissent les prémices de sa collaboration avec Pablo Picasso qui donnera lieu à une vraie relation d’amitié.


Section 2 - passeur de modernité

Les grandes étapes de l’évolution de la peinture dans les années précédant la fondation de la galerie de Paul Rosenberg sont ici rapidement esquissées, des impressionnistes de la seconde moitié du XIXe siècle, aux Modernes, qui firent leur irruption sur la scène artistique avec le « scandale des Fauves » au Salon de 1905.

Paul Rosenberg s’inscrit résolument dans le modernisme, dont il devient un acteur de premier plan. Il fait le choix de « l’avant-garde » - ce choix ayant les limites de ses propres goûts ; ainsi, il ne s’intéressera guère aux Surréalistes. En soutenant les artistes qu’il définit comme des « créateurs », Paul Rosenberg se considèrera toute sa vie comme « un passeur » de cette modernité.

Une double stratégie se met en place, marchande et esthétique. Paul Rosenberg vend ce qu’il aime moins pour acheter et défendre ce qu’il aime vraiment – une méthode qui se lit dans l’espace de sa galerie, disposée sur deux étages où le visiteur et acheteur potentiel est invité à aller du plus familier au plus osé. Et, loin de tuer l’ancien pour faire place nette au nouveau, il inscrit celui-ci dans les pas de celui-là. La trajectoire de Picasso est à cet égard révélatrice : Picasso et le cubisme, Picasso et Ingres, Picasso et Renoir…

À travers le choix d’une vingtaine d’oeuvres de premier plan (Picasso, Léger, Braque, Masson, Sisley, Cézanne), le visiteur est amené à mieux comprendre dans cet espace les choix esthétiques et commerciaux opérés par Paul Rosenberg au sein de sa galerie et par là même, à appréhender un moment clé de l’histoire de l’art.


Section 3 - Le système Rosenberg

Paul Rosenberg a été l’un des marchands les plus influents de son temps. Il le doit autant au choix de ses peintres qu’à une grande rigueur dans la gestion de ses affaires.

Ici, la « méthode Rosenberg » mise en évidence dans cette section reflète, par effet miroir, ce qui constitue les fondements du métier de marchand d’art.

Il s’agit d’abord pour Paul Rosenberg de miser sur les « valeurs sûres » de l’art moderne, tout en rassurant la clientèle qui a besoin de l’être par un choix d’oeuvres de maîtres du XIXe siècle. Paul Rosenberg parvient ensuite à tisser un réseau de clients fortunés, tant européens qu’américains : il est parmi les premiers à avoir compris l’importance du marché américain, se rend régulièrement aux États-Unis, où il fonde en 1923 une société commerciale avec Georges Wildenstein. Il parcourt le pays pour conseiller les nouveaux musées dont se dotent les villes de province. Il utilise alors tous les moyens modernes pour assurer la promotion de ses artistes : édition de catalogues, accrochages monographiques, publicité dans les journaux, participations à des salons et organisation d’expositions de bienfaisance… Enfin, la gestion de son stock obéit à une organisation stricte : un livre de stock précis note les allers et venues des oeuvres ; chaque toile est répertoriée, indexée et photographiée.

À travers un grand nombre de documents inédits (contrats avec ses artistes, fiches indexées, catalogues d’exposition, plaques en verre…) et une sélection d’oeuvres de tout premier plan, le visiteur se figure la manière dont Paul Rosenberg dirigeait ses affaires et ce qui a contribué à faire de lui l’un des marchands les plus importants de son époque. Produit spécialement pour l’occasion, un film, intitulé 21 rue La Boétie et réalisé par Virginie Linhart, présente le parcours remarquable de cet homme d’exception et le contexte du marché de l’art dans lequel il émerge.


Section 4 - L’assaut sur l’« art dégénéré »

Dans cet espace, l’exposition traite de l’irruption brutale de la politique dans l’art. Si Paris est encore préservée, la menace pèse sur l’Allemagne nazifiée des années 1930.

Deux visions du monde s’affrontent et prennent le terrain artistique comme champ de bataille : celle des idéologues nazis défendant la pureté arienne à travers un retour et une glorification de la tradition germanique et celle des artistes modernes, porteurs d’idées nouvelles et émancipatrices.

La notion d’« art dégénéré » (Entartete Kunst) est illustrée notamment dans la double exposition de juillet 1937 à Munich, où l’on voit, à des fins de propagande, « l’art allemand » opposé à un art dit « dégénéré ».

Conséquence de la politique menée par les nazis contre l’art moderne dit « dégénéré » : la vente de Lucerne de 1939, et cette question lancinante - faut-il acheter aux nazis ? La position intransigeante de Paul Rosenberg se confronte à celle, bien plus accommodante, de nombre de ses confrères, ou encore de certaines institutions muséales (Liège, Bâle…). Entre le goût du profit des uns, avides d’acheter des chefs-d’oeuvre à vil prix, et le projet véritable de sauver les oeuvres, les motivations des acquéreurs sont variées. Cependant, nombres d’acheteurs potentiels s’entendent pour ne pas surenchérir.

Dans cet espace, sur des thématiques similaires, les tableaux modernes, « dégénérés », acquis par la Ville de Liège lors de la vente de Lucerne, sont confrontés à des oeuvres de peintres allemands qui s’inscrivent dans l’esprit de ce retour à la tradition germanique porté par les nazis. Une confrontation esthétique, historique et culturelle qui donne à voir deux visions du monde diamétralement opposées.


Section 5 - L’occupation et l’exil, 1940-1945

Partant de la France occupée, le visiteur suivra pas à pas l’exil de Paul Rosenberg, de Paris à New York en passant par Bordeaux, d’où il parvient à s’échapper avec sa famille grâce aux visas délivrés par le consul général portugais Aristides de Sousa Mendes. Avant d’embarquer pour l’Amérique, Paul Rosenberg pense avoir mis en sécurité une partie de ses tableaux (dont la Nature morte à la cruche et Baigneur et baigneuses de Picasso) en lieu sûr dans un coffre-fort à Libourne mais celui-ci sera pillé par les soldats allemands.

En parallèle au parcours singulier de Paul Rosenberg est ainsi évoquée la spoliation des oeuvres d’art par les nazis, leur regroupement dans la salle des « Martyrs » au Jeu de Paume puis le travail de pistage et de sauvetage des oeuvres d’art par Rose Valland, alors attachée de conservation de cette institution.

Si l’on regarde de l’autre côté de l’Atlantique, le triptyque d’Arthur Kaufmann (Etude pour l’émigration spirituelle) représente les exilés de l’intelligentsia allemande. Il témoigne en filigrane de la montée en puissance des Etats- Unis et du basculement du centre de gravité du marché de l’art de Paris vers New York où Paul Rosenberg ouvre sa galerie au 79 East 57th Street à New York en 1941.

À la même époque, cruelle ironie de l’histoire, la galerie de la rue La Boétie est réquisitionnée par les Allemands et devient l’Institut d’Etudes des Questions juives. A l’issue du conflit, Paul Rosenberg reprend possession de sa galerie parisienne. Ne pouvant se résoudre à rouvrir son commerce, il met le lieu en vente mais prend soin, au préalable, de faire desceller les mosaïques de marbre commandées à Georges Braque en 1929, témoignage de leur lien d’amitié.


Section 6 - La libération et le combat pour la récupération

L’histoire rocambolesque de la découverte par le lieutenant Alexandre Rosenberg, fils et futur successeur de Paul, de plusieurs dizaines d’oeuvres de la collection de son père dans un train allemand saisi par son unité au nord de Paris, ouvre cette section. Un extrait du film de fiction de John Frankenheimer, Le Train, illustre à sa manière cet épisode.

Au coeur de cet espace est présenté le périple en France et en Suisse de Paul Rosenberg, accouru dès 1946 des Etats-Unis pour récupérer ses oeuvres volées.

L’accent est plus particulièrement mis sur les vicissitudes d’une toile depuis sa sortie des mains de l’artiste jusqu’à sa situation actuelle. Robe bleue dans un fauteuil ocre de Henri Matisse sert d’exemple du trajet parfois sinueux que peut emprunter une oeuvre. La toile fut achetée par Paul Rosenberg au peintre en 1937, volée par les nazis quatre ans plus tard dans le coffre-fort de Libourne et destinée à la collection particulière de Göring, achetée dans l’après-guerre par l’armateur norvégien Niels Onstad au marchand parisien Henri Bénézit et installée enfin au Centre d’Art Henie-Onstad (HOK) dans la banlieue d’Oslo avant d’être finalement restituée à la famille Rosenberg en 2012.

De par leur destinée, ces tableaux portent en eux l’histoire du siècle.