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“Une histoire parmi d’autres” Les mondes de l’art au Yémen
à la Villa Vassilieff, Paris

du 15 avril au 6 mai 2017



www.villavassilieff.net

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 avril 2017.

2131_Yemen2131_Yemen2131_YemenLégendes de gauche à droite :
1/  L’Atelier libre à Aden, entre 1976 et 1978. Courtesy d’Abdallah Obeid.
2/  Carton d’invitation de la Galerie al-Ameen (Aden, 1986- ?). Courtesy : Abdallah al-Ameen.
3/  Le peintre Abdallah al-Ameen en Union Soviétique, Janvier 1978. Courtesy d’Abdallah al-Ameen.

 


2131_Yemen audio
Interview de Anahi Alviso-Marino, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 avril 2017, durée 23'46". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Anahi Alviso-Marino



Avec Hashem Ali, Abdallah al-Ameen, Boushra Almutawakel, Yasser al-Ansi, Elham al-Arashi, Archives du journal 14 Octobre (Aden), Nasser al-Aswadi, l’Atelier (Sanaa), l’Atelier Libre (Aden), Ali Baraas, Centre Culturel Soviétique (Aden), Centre Français d’Archéologie et de Sciences Sociales (Sanaa), Mohamed Abdo Dail, Ali al-Dharhani, Amal Fadhel, Ali Abdo al-Faqiyya, Groupe d’Art Contemporain, Bayt al-Halaqa, Institut des Beaux-Arts (Aden), Institut d’État académique des Beaux-Arts Sourikov (Moscou), Abbas al-Junaydi, Fondation Kawn (Sanaa), Ahmed al-Kharazi, Guillaume Merere, Ministère de la Culture et du Tourisme du Yémen, Fuad al-Muqbil, Talal al-Najjar, Amna al-Nassiri, Abdallah Obeid, Marine Poirier, Reema Qasem, Nasser al-Qawi, Farid Sameed, Jameel Subay, Murad Subay, Syndicat d’Artistes Plasticiens, Abdul Rahman Taha, Awraq al-Tashkiliyya, Jacques Veerman, Ali Mohamed Yahya, ...

Une histoire parmi d’autres souhaite restituer la multiplicité des mondes de l’art du Yémen contemporain en retraçant des trajectoires personnelles ou collectives tout en interrogeant les rôles des artistes yéménites au sein de leur société. Des constellations de documents et d’oeuvres illustrent ce questionnement sociologique : comment devient-on artiste au Yémen ? De quelle manière ce processus est historicisé ? Quels rapports entretiennent ces artistes avec les institutions étatiques ? Comment tentent-ils de contester ou de contourner un pouvoir politique de type autoritaire ? Quels liens entretiennent-ils avec le reste du monde ?

Le Yémen, situé à la pointe sud-ouest de la péninsule arabique, est un des pays les plus pauvres de la région et son histoire est marquée par une forte instabilité politique. Aujourd’hui il est surtout connu par la médiatisation de la violence, du terrorisme et de la guerre qui y fait rage. « Y-a-t-il de l’art au Yémen ? » cette question résume parfois les nombreuses interrogations que pose l’organisation d’une exposition sur les mondes de l’art au Yémen. Elle est révélatrice du manque d’outils disponibles pour percevoir l’existence des arts visuels modernes et contemporains yéménites, en particulier lorsque l’observateur est étranger et habitué à une valorisation différente des arts, mais aussi de la quasi absence de sources dans ce domaine. Cette exposition souhaite rectifier cela en présentant un ensemble de documents riches et éclectiques.

Glanés et récoltés sur le terrain entre 2008 et 2011 dans le cadre d’un doctorat en sociologie politique, ils furent donnés par des artistes ou font partie des matériaux enregistrés, photographiés et archivés au cours de cette recherche. En les étudiant puis en les exposant, nous souhaitons, à travers l’observation des interdépendances entre les acteurs artistiques et politiques, proposer une autre image du Yémen. Ces interdépendances faites de rapports concurrentiels et collaboratifs font ressortir des relations de domination sous-jacentes dont les mécanismes peuvent se révéler créatifs et producteurs. En effet, si les institutions étatiques jouent un rôle fondamental dans l’émergence des scènes artistiques à Aden ou à Sanaa, les artistes accompagnent également la création, la consolidation ou la remise en question de régimes politiques : ils représentent les idéaux d’un projet politique socialiste au Yémen du Sud, ils projettent l’unité yéménite en la matérialisant dans des peintures et des affiches, ou encore ils photographient les mobilisations contestataires de 2011.

En cherchant à reconstruire une histoire des mondes de l’art et de leurs interactions avec le pouvoir politique et l’ordre social se dessinent aussi, à travers ses interstices, les trajectoires personnelles d’artistes yéménites : le voyage de Hashem Ali et d’Ali Ghaddaf au Koweït dans les années 1970, la formation d’Elham al-Arashi à Moscou dans les années 1980, la création du groupe al-Halaqa à Sanaa dans les années 1990, l’engagement de Jameel Subay dans les mobilisations contestataires de 2011, les campagnes, toujours en cours, de street art initiées par Murad Subay… Ces micro-histoires retracées à l’aide d’une multitude de documents de natures variées mettent en lumière des individualités singulières et des parcours complexes et cosmopolites.

En filigrane, cette exposition révèle également la difficulté de retracer une histoire de l’art d’un pays enlisé dans une guerre – l’escalade du conflit armé depuis la fin de 2014 et le début de 2015 a évolué en guerre civile intensifiée par l’intervention militaire menée par l’Arabie Saoudite, à la tête d’une coalition soutenue par de nombreux pays, dont la France. Certains des documents et oeuvres exposés portent les stigmates de leur histoire – la peinture d’Amna al-Nassiri légèrement endommagée, les dessins de Talal al-Najjar conservés par la force de choses – et l’absence d’autres souligne la difficulté à entrer en contact avec le terrain étudié. Avec l’impossibilité de connaître ce qui subsiste aux bombardements en cours au Yémen, la moindre photocopie change de statut, devenant aussi précieuse que l’original par la possible destruction de ce dernier.

Anahi Alviso-Marino