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“ORLAN” En capitales
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 20 avril au 18 juin 2017



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 19 avril 2017.

2136_ORLAN2136_ORLAN2136_ORLANLégendes de gauche à droite :
1/ ORLAN, Tentative de sortir du cadre avec masque et un seul bras - version 3, 1965. Série « CORPS-SCULPTURES » . Photographie noir et blanc, 140 x 120 cm. © ORLAN / ADAGP.
2/ ORLAN, ORLAN en grande Odalisque d’Ingres, 1977. Série « Les Tableaux Vivants » . Photographie noir et blanc, 150 x 210 cm. © ORLAN / ADAGP.
3/ ORLAN, Vierge blanche fantomatique sortie du noir des Halles de Schaerbeek, 1978. Série « Étude documentaire : Le Drapé-le Baroque » . Photographie noir et blanc, 124 x 164 cm. © ORLAN / ADAGP. Collection Alex Vervoodt, Anvers.

 


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Interview de Jérôme Neutres, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 26 avril 2017, durée 12'13". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition : Jérôme Neutres
adjoint au commissariat : Jean-Luc Soret




ORLAN sort du cadre. Son nom s’écrit chaque lettre en capitales car elle ne veut rentrer ni dans les rangs, ni dans la ligne.

ORLAN a conquis avec ses oeuvres les capitales du monde et de l’art, de Paris à New York en passant par Los Angeles, du Centre Pompidou au MoCA ou au LACMA, au Getty, au Sungkok Museum en Corée du Sud, au Victoria & Albert Museum de Londres...

La Maison Européenne de la Photographie est très heureuse de présenter l’importante exposition « ORLAN EN CAPITALES » pendant le Mois de la Photo du Grand Paris. Son commissaire, Jérôme Neutres, a réuni plus d’une centaine de photographies, d’installations et de films. Il a choisi des oeuvres capitales pour la compréhension de la démarche d’ORLAN.

Chaque oeuvre est un manifeste, et certaines dialoguent avec des emblèmes de l’histoire de l’art : Nu descendant l’escalier (1965), ORLAN en Grande Odalisque d’Ingres (1977) ou encore sa réinterprétation de la Naissance de Vénus de Botticelli (Naissance d’ORLAN sans coquille, 1974). Dès les années 1960, cette artiste pionnière a mis de la figure sur le visage de l’art, et particulièrement sur celui de la photographie.

La Maison Européenne de la Photographie a toujours soutenu le travail d’ORLAN, et est fière de pouvoir restaurer et reconstituer des œuvres qui n’ont pratiquement jamais été montrées. Panoplie de la fille bonne à marier (1981) ; Têtes à claques, jeu de massacre (1977) ; Déshabillage, habillage, réhabillage libres et changeants (1977) sont des pièces majeures, à taille humaine, collées sur bois puis détourées et utilisées dans des installations la plupart du temps interactives. Ce dispositif de mise en scène de la photographie rappelle la Naissance d’ORLAN sans coquille (1974) ou les effigies des « MesuRAGES » (ORLAN-CORPS brandit le liquide de rinçage, 1977-2012 ; ORLAN-CORPS, ICC d’Anvers, 1980), ainsi que le Baiser de l’Artiste, grande sculpture photographique (1976 au Portugal, 1977 à la FIAC Paris).

ORLAN change constamment et radicalement les données, déréglant les conventions, les prêt-à-penser. Elle s’oppose au déterminisme naturel, social et politique, à toutes formes de domination, la suprématie masculine, la religion, la ségrégation culturelle, le racisme… Toujours mêlée d’humour, parfois de parodie ou même de grotesque, son oeuvre provocante peut choquer car elle bouscule les codes préétablis.

Dès les premières oeuvres plastiques ou performatives, ORLAN interroge le statut du corps et les pressions politiques, religieuses et sociales qui s’y impriment, particulièrement dans le corps des femmes. Son engagement, sa liberté, le féminisme font partie intégrante de son œuvre plastique, où elle défend des positions innovantes, interrogatives et subversives.

Elle a choisi de questionner la fatalité génétique et les canons esthétiques assignés aux femmes dans notre société, de la période baroque aux cultures traditionnelles africaines, précolombiennes, amérindiennes, et chinoises.

Évoquer ORLAN, c’est aussi bien sûr considérer l’ensemble magistral de ses opérations-chirurgicales-performances, très controversées. Comme le Baiser de l’Artiste, ces oeuvres ont fait le tour du monde pour s’inscrire de manière pérenne dans l’histoire de l’art. Pourtant, en réduisant sans doute trop ces images — performances, photographies, films, etc. – à un phénomène artistico-sensationnel, on a longtemps parlé d’ORLAN et pas assez de ses oeuvres en tant qu’œuvres d’art, fortes de plasticité et de concepts. Des photographies que leur puissance esthétique et subversive impose, et dont la signifiante irrévérence est aussi fraîche aujourd’hui qu’hier.

Les oeuvres d’ORLAN, et particulièrement celles présentées dans la deuxième partie de l’exposition dédiée à ses opérations chirurgicalesperformances nous posent deux questions fondamentales : qu’est-ce qu’être femme ? Qu’est-ce qu’être artiste ? À la première, elle nous dit que la femme peut faire une avec son corps tout en interrogeant en dehors des pistes habituelles. À la deuxième, elle répond qu’être artiste, c’est faire corps avec son art. C’est donc mêler l’art et la vie. C’est remettre en question les standards de beauté et les stéréotypes que notre époque nous désigne. ORLAN est un « corps à l’oeuvre », et plus encore, un corps féminin à l’oeuvre. ORLAN interroge les carcans, formatages et dictats de toutes sortes, et n’a de cesse de vouloir en échapper.

En artiste qui se réinvente sans cesse, ORLAN passe de la chirurgie du corps à la chirurgie des images dès la fin des années 1990 en initiant un travail reposant sur la technologie numérique pour créer de nouvelles formes d’autoportraits mutants. Déclinant de nombreux avatars digitaux d’elle-même. ORLAN développe des hybridations numériques qui ouvrent un nouveau champ de possibles à son univers artistique, inventant ainsi une nouvelle forme d’autoportraits hybrides dont la variété est illimitée.

Une monographie sur l’oeuvre d’ORLAN sera publiée à cette occasion avec des textes de Jean-Luc Monterosso, directeur et fondateur de la MEP ; Jérôme Neutres, écrivain et commissaire, directeur de la stratégie et du développement de la Réunion des Musées Nationaux - Grand-Palais et Président du Musée du Luxembourg ; Shelley Rice, professeure, historienne de la photographie à la New York University et critique pour la revue Art America ; et une interview d’ORLAN par Tatyana Franck, directrice du Musée de l’Élysée de Lausanne.

ORLAN a reçu le prix de l’E-réputation, désignant l’artiste la plus observée et commentée sur le web. Son oeuvre a une acuité très forte dans le contexte des questions artistiques et sociales d’aujourd’hui.






ORLAN S’ÉCRIT EN CAPITALES

« Dans le langage de la typographie, qui aime parler d’anatomie des lettres, celles-ci ont un corps, un jambage, un empattement, une ligne de pied, un oeil et une hauteur d’oeil. On désigne précisément comme “capitale“ une lettre qui a une grande hauteur d’oeil. C’est une lettre tracée en “haut-de-casse“, dans un format flamboyant, souvent pour en renforcer le sens ou l’évidence. Contrairement aux majuscules, l’usage des lettres capitales ne relève pas des codes orthographiques mais toujours d’un choix graphique, donc d’une volonté esthétique. En écrivant son nom en capitales, ORLAN opère une intervention visuelle dans la communication de sa signature. C’est un geste artistique en soi. Historiquement, le dessin en lettres capitales fut d’abord utilisé pour des inscriptions lapidaires gravées sur les frontispices des monuments romains. Les capitales romaines accentuaient un énoncé fondamental destiné à rayonner comme un drapeau. Des drapeaux, justement, ORLAN en créa plusieurs dans son oeuvre. Le nom d’ORLAN est déjà un drapeau. Ce principe de se nommer seulement en haut-de-casse est l’origine de l’artiste, son premier manifeste. En 1964, l’œuvre ORLAN accouche d’elle-m’aime constitue selon son auteure son véritable “acte de naissance“. L’artiste doit s’écrire en capitales, car l’art implique de prendre de la hauteur d’oeil. Pour mieux voir. Et pour mieux se faire voir ?
“L’idée est toujours de sortir du cadre“ répète inlassablement ORLAN depuis ses premières oeuvres, dont la série Tentative de sortir du cadre (1965) qui résume à elle-seule par son titre toute la démarche de l’artiste. Sortir du rang en pleine lumière, échapper à la norme avec panache, cultiver haut et fort de la différence. »

Texte de Jérôme Neutres, commissaire de l’exposition.