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“Art/Afrique” Le nouvel atelier
à la Fondation Louis Vuitton, Paris

du 26 avril au 28 août 2017 (prolongée jusqu'au 4 septembre 2017)



www.fondationlouisvuitton.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 25 avril 2017.

2147_Art-Afrique2147_Art-Afrique2147_Art-AfriqueLégendes de gauche à droite :
1/  Kudzanai Chiurai (1981, Zimbabwe), Genesis [Je n'isi isi] XI, 2016. OEuvre appartenant à la collection de la Fondation Louis Vuitton. © Kudzanai Chiurai. Courtesy of Goodman Gallery, Johannesburg.
2/  William Kentridge, Notes Towards a Model Opera, [capture d’écran, détail], 2015. Triple projection vidéo, couleur, son, 11’22’’ Courtesy de l’artiste et Marian Goodman Gallery, Paris et Goodman Gallery, Johannesburg.
3/  Zanele Muholi (1972, Afrique du Sud), MaID, Brooklyn, New York, 2015, Série Somnyama Ngonyama. OEuvre appartenant à la collection de la Fondation Louis Vuitton. © Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town/Johannesburg.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Être Là - Afrique du Sud, une scène contemporaine.

Sur un long tapis rouge, une armée d'hommes nus à la tête animale, chaussés de rangers, marche en rang d'un pas militaire, tournant la tête vers un général invisible. Un chien leur barre la route, solidement campé sur ses quatre pattes d'un air de défiance. Infantry with Beast de Jane Alexander ouvre l'exposition sous le signe d'un affrontement, du choc d'énergies contraires forcées de se rencontrer. Cette collision aura lieu d'une autre façon dans un film d'animation de William Kentridge. Suite à un accident de voiture entre un blanc et un noir à un carrefour, la situation s'envenime et les conducteurs s'invectivent entrainant malgré eux les badauds dans un conflit qui devient global au fur et à mesure que ceux-ci prennent parti pour l'un ou l'autre des protagonistes. C'est alors toute la société qui révèle ses lignes de fractures et se rescinde en deux parties irréconciliables.

Dans la sculpture transgenre de Nicholas Hlobo, le solide devient liquide, la couleur s'écoule, tombe comme une pluie arc en ciel de rubans. Un tronc de bois se répand en tubes de cuir souples, serpentant comme des organes-tentacules, des membres ou des canaux s'emmêlant. L'organique se coud et se brode comme un tissu, comme pour en faire un vêtement. Le corps se retrouve dans un combat contre le fil et l'aiguille, la culture du genre qui veut le corseter.

Les portraits de Zanele Muholi, dans un noir et blanc contrasté, ont la frontalité et le silence de photos d'identité. Suivant ses sujet à différents moments de leurs vies, l'artiste les enferme dans un cadre serré dont ils ne peuvent s'échapper, comme le fait une société où l'homosexualité féminine n'est pas acceptée. À travers la diversité des visages, des corps et des vêtements, ce sont les mêmes yeux qui brûlent de l'énergie d'être, malgré tout.

Chez Jody Brand, le portrait d'une personnalité trans mélange l'imagerie queer colorée d'un Almodovar des années 80 à des références plus classiques, tableaux de Frida Kahlo ou jungle paradisiaque du Douanier Rousseau. Son Eve sophistiquée, libérée, règne enfin comme une fashionista langoureuse, devenue reine.

L'autoportrait de Buhlebezwe Siwani, sculpture grandeur nature de savon vert comme de la jade représente l'artiste agenouillée devant une bassine. Le rituel des ablutions devient le spectacle des traditions. La mécanique d'oppression des regards posés sur la femme par le groupe a la force dissolvante de l'eau sur le savon. La scène devient un sacrifice rituel, la femme l'offrande désignée d'office, victime arbitraire de coutumes devenues absurdes.

Et l'avenir dans tout ça? Les tapisseries de Athi-Patra Ruga sont les vignettes d'une bande dessinée afro futuriste, une Odyssée africaine à la bande-son funk, peuplée de rois, de guerriers, de machines et de drones. Les formats carrés sont déformés par la vitesse comme un bolide de dessin animé. Ces images en italique utilisent le vocabulaire de comics de super héros, pochettes d'albums de rock, romans pulp de science fiction, épopées guerrières de cinéma, icônes religieuses, les composant avec des pixels lumineux de fils de laine.

Dans un mélange de vidéo et d'images 3D, une saturation de vert et de violet, d'effets de surimpressions, Bogosi Sekhukhuni propose une science fiction psychédélique où technologie ADN, spiritualité et chamanisme se rencontrent. Bien qu'ancré dans le contemporain du réseau, de l'image partagée et connectée, il réussit, tout comme son héros à l'écran, à fuir tout conformisme et stéréotype pour tracer un chemin personnel et nouveau. N'est-ce pas là le mot que nous cherchions: 'nouveau' ?

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

A côté d’expositions monographiques, la Fondation présente des expositions collectives de scènes moins connues dans leurs développements les plus actuels : après « Bentu, des artistes chinois dans la turbulence des mutations » (janvier/mai 2016), « Art/ Afrique, le nouvel atelier » réunira deux expositions, pensées comme des focus, adossées à un choix d’oeuvres de la Collection de la Fondation :
I) « Les Initiés », un choix d’oeuvres (1989-2009) de la collection d’art contemporain africain de Jean Pigozzi, Galeries 1-2 (rez-de-bassin)
II) « Être là », Afrique du Sud, une scène contemporaine, Galeries 4 (niveau 0), 5-6-7 (niveau 1)
III) Afrique : une sélection d'oeuvres dans la collection de la Fondation Louis Vuitton, Galeries 8-9-10-11 (niveau 2)



I) L’exposition “Les Initiés” réunit une sélection d’oeuvres de quinze artistes emblématiques de la collection d’art contemporain africain de Jean Pigozzi, présentée pour la première fois à Paris. En 1989, l’homme d’affaires Jean Pigozzi fait appel à André Magnin comme conseiller pour constituer sa collection. Défricheur, ce dernier arpente le continent africain à la rencontre d’artistes travaillant et vivant en Afrique subsaharienne, dans les pays francophones, anglophones et lusophones. A une époque qui ne connaît ni téléphone portable, ni internet, ni réseaux sociaux, rencontrer des artistes et rendre compte de l’évidente liberté et originalité de leurs démarches, ont été des paramètres décisifs.

La détermination et l’engagement qui ont présidé à cette collection ont ainsi permis la constitution d’un fonds unique, aux partis pris affirmés renvoyant dans sa diversité à l’un des visages de la création contemporaine en Afrique de 1989 à 2009.
Les artistes de l’exposition, tous héritiers de savoirs spirituels, scientifiques et techniques, développent des mondes qui s’expriment à travers une variété d’expressions et de supports.

Eclectique et libre, la collection ne privilégie aucun médium et vise à représenter chaque artiste avec des ensembles conséquents. Elle a ainsi révélé une scène jusqu’alors inconnue, permettant un élargissement de son audience et de son impact international, ce qui lui confère aujourd’hui un rôle prescripteur évident.

L’exposition réunit des oeuvres de Frédéric Bruly Bouabré, Seni Awa Camara, Calixte Dakpogan, John Goba, Romuald Hazoumè, Seydou Keïta, Bodys Isek Kingelez, Abu Bakarr Mansaray, Moké, Rigobert Nimi, J.D. ‘Okhai Ojeikere, Chéri Samba, Malick Sidibé et Barthélémy Toguo. A cette occasion, Pascale Marthine Tayou réalisera une intervention spécifique.

L’exposition, conçue par la direction artistique de la Fondation Louis Vuitton, a été réalisée en étroite collaboration avec Jean Pigozzi.. Commissaire général : Suzanne Pagé. Conseiller : André Magnin. Commissaires : Angéline Scherf et Ludovic Delalande.



II) En complément de l’exposition Les Initiés, La Fondation présente : Être là, une exposition collective consacrée à l’Afrique du Sud, une des scènes les plus dynamiques du continent africain aujourd’hui. Révélée au monde dans les années 1990, la force de cette scène tient aussi à l'émergence d'un nouvel écosystème, incluant des institutions et des galeries particulièrement impliquées, ainsi qu'au rôle très engagé des universités.

L'exposition se concentre sur un espace-temps précis, celui d'aujourd'hui, tel qu'il se constitue à travers des thématiques et un engagement inscrit dans une continuité historique. Elle ne prétend en rien être un panorama et réunit 16 artistes. D’un côté, des figures de référence de l’art sud-africain, comme Jane Alexander, David Goldblatt, William Kentridge, David Koloane et Sue Williamson qui bénéficient désormais d'une vraie reconnaissance internationale et ont un réel impact sur la scène actuelle. Ainsi qu’une génération née dans les années 1970, représentée par des personnalités incontournables telles que Nicholas Hlobo, Zanele Muholi et Moshekwa Langa. D’autre part, un choix d’artistes nés dans les années 1980 dont les oeuvres sont symptomatiques de nouveaux enjeux plus de vingt ans après la fin de l’apartheid : Jody Brand, Kudzanai Chiurai, Lawrence Lemaoana, Thenjiwe Niki Nkosi, Athi-Patra Ruga, Bogosi Sekhukhuni, Buhlebezwe Siwani et Kemang Wa Lehulere.

Cette sélection s'étaye sur le positionnement des artistes dans la prise en charge d'une situation - économique et sociale – sur laquelle ils ont la conscience et la conviction de pouvoir intervenir et jouer un rôle – ETRE LA. Par le biais de différents médiums (installations, photographies, peintures, oeuvres textiles, vidéos…), ces artistes revisitent l’histoire et affirment une subjectivité propre. Participant d’un activisme social, la génération la plus récente tire bénéfice d’une ouverture internationale pour affirmer et revendiquer une identité sud-africaine qu’elle contribue à redéfinir.

Prolongeant l’exposition, l’espace « A propos d’une génération » présente le travail des photographes Graeme Williams, Kristin-Lee Moolman et Musa Nxumalo et dévoile les portraits contrastés d’une certaine jeunesse sud-africaine, notamment celle des « born-free ». Un catalogue sera publié (en deux versions, française et anglaise) avec les contributions d’Achille Mbembe, Okwui Enwezor, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung ainsi que de Rory Bester, Hlonipha Mokoena et Sean O’Toole.

Commissaires : Suzanne Pagé et Angéline Scherf avec Ludovic Delalande et Claire Staebler.



III) C'est sur ce nouvel accrochage, déployé sur la totalité du dernier niveau de la Fondation, que s'adossent les deux expositions présentées simultanément. Témoignant de la dimension internationale de la Collection, ce parcours est consacré à des oeuvres d'artistes africains et à des regards tournés vers ce Continent. En parallèle, aura lieu un programme d’événements pluridisciplinaires autour de la musique, de la poésie, de la littérature et du cinéma. A l’occasion de cet événement, la Fondation Louis Vuitton s’associe à La Grande Halle de La Villette avec la création d’un billet commun proposé aux visiteurs de leurs expositions Art/Afrique, le nouvel atelier et Afriques Capitales.