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“Ed van der Elsken” La Vie Folle
au Jeu de Paume, Paris

du 13 juin au 24 septembre 2017



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 12 juin 2017.

2171_Ed-van-der-Elsken2171_Ed-van-der-Elsken2171_Ed-van-der-ElskenLégendes de gauche à droite :
1/  Ed van der Elsken, Vali Myers (Ann), Roberto Inigez-Morelosy (Manuel) et Geraldine Krongold (Geri), Paris, 1950. Nederlands Fotomuseum Rotterdam © Ed van der Elsken / Collection Stedelijk Museum Amsterdam.
2/  Ed van der Elsken, Fille dans le métro, Tokyo, 1981. Nederlands Fotomuseum Rotterdam © Ed van der Elsken / Collection Stedelijk Museum Amsterdam.
3/  Ed van der Elsken, Brigitte Bardot, Paris, 1952 (v. 1979). Nederlands Fotomuseum Rotterdam © Ed van der Elsken / Ed van der Elsken Estate.

 


2171_Ed-van-der-Elsken audio
Interview de Hripsimé Visser, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 juin 2017, durée 10'53". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Hripsimé Visser



« Même si j’éprouve toujours une certaine hésitation à utiliser ce mot, je pense avoir été un artiste toute ma vie, par mes réactions et par l’expression de mes émotions et par la mise en lumière du monde extérieur. Je suis, disons, un artiste caméra pur-sang, ce qui signifie que j’ai toujours développé autant que possible mon équipement, qui me permet de m’attaquer de toujours plus près à la vie. » Ed van der Elsken, lettre à J. Vermaak, Amsterdams Fonds voor de Kunst, 21 mars 1983. Ed van der Elsken Archive, Nederlands Fotomuseum, Rotterdam.

« Ed van der Elsken, un homme qui voulait se faire greffer une caméra dans la tête pour pouvoir immortaliser la réalité en permanence. Un cinéaste passionné de technique, qui achetait sans cesse du matériel dernier cri et avait transformé son équipement pour pouvoir travailler entièrement seul. Un romantique qui a d’abord reconnu son propre désespoir chez ses contemporains, avant de voir se refléter sa propre joie de vivre parmi son entourage et lors de ses voyages. Un chasseur de gibier photographique qui séduisait et provoquait ses proies. Un conteur pour qui chaque photo pouvait être le fondement d’une déclaration particulièrement visuelle. Un enfant de son époque : sombre dans les années 1950, rebelle dans les années 1960, non conformiste dans les années 1970 et philosophe dans les années 1980. Une personnalité forte qui s’est jetée sans ménagement dans la bataille et a eu le cran d’emprunter de nouvelles voies jusqu’à son dernier souffle, avec son film Bye (1990), un reportage émouvant sur la maladie qui le rongeait. » Hripsimé Visser, « Immortaliser des gens comme moi », dans La Vie folle (ex.cat), p. 29

Ed van der Elsken (1925-1990) est une figure unique de la photographie et du cinéma documentaire néerlandais du XXe siècle. En photographie, son domaine de prédilection est la rue. En rupture avec la photographie documentaire de son époque, il fait corps avec son sujet. La modernité de ses images et leur caratère quasi cinématographique s’accordent avec le modèle de vie anticonformiste des jeunes gens dont il partage le quotidien. À Paris, Amsterdam, Hong Kong ou Tokyo, il aimait aller « à la chasse ». Souvent qualifié de « photographe des marginaux », il recherchait en réalité une forme d’esthétique, de vérité plastique, sans artifice, une beauté parfois ouvertement sensuelle et même érotique. Ed van der Elsken était fasciné par ces personnages fiers, exubérants et plein de vitalité.

L’exposition du Jeu de Paume présente une large sélection des images iconiques de l’oeuvre photographique d’Ed van der Elsken : le Paris des années 1950, notamment les figures de la bohème de la rive gauche et des lettristes, ses nombreux voyages et sa ville natale d’Amsterdam au cours des décennies suivantes, mais aussi ses livres, des extraits de ses films et ses diaporamas, en particulier Eye Love You et Tokyo Symphony.

Van der Elsken photographie et filme ses sujets dans des situations parfois théâtrales et se comporte souvent comme un metteur en scène, engageant le dialogue avec les personnes qu’il photographie. Il aime provoquer, inciter les gens à accentuer la personnalité qu’il décèle en eux. Aux côtés de ces photographies au grain épais et à la noirceur profonde, on trouve autant d’images apaisées et émouvantes, preuves de sa nature poétique, de son sens inné de la solidarité, de sa profonde empathie avec la jeunesse contestataire et insoumise en Europe.

Van der Elsken a publié une vingtaine de livres et réalisé un grand nombre de films. Son premier livre, Love on the Left Bank [Une histoire d’amour à Saint-Germain-des-Prés] paraît en 1956. Sous la forme à la fois banale et insolite d’un roman photo, il y raconte de façon semi-fictive la vie d’une jeunesse sans avenir dans le Paris d’après-guerre. Le ton sombre, l’approche expressive, la présentation presque filmique de l’histoire lui valurent une renommée immédiate. Suivront des livres de voyage tels que Bagara (1958), à partir de photos faites en Afrique Centrale, et Sweet Life [La Douceur de vivre] (1966), d’après son voyage autour du monde en 1959-1960. On peut aussi citer Jazz (1958), une ode libre et pleine de vie à une scène musicale alors totalement nouvelle à Amsterdam, puis ses livres des années 1980 sur Paris et Amsterdam, celui retraçant ses nombreux voyages au Japon, The Discovery of Japan [La Découverte du Japon] (1988) ou encore ses livres en couleur : Eye Love You (1976), consacré à ses voyages à travers le monde et marqué par l’esprit libre des années 1960 et 1970 et Aventures à la campagne (1980), hommage à la vie dans les polders au nord des Pays-Bas.

Dès la fin des années 1950, van der Elsken commence également à filmer et développe une manière de travailler proche du cinéma-vérité, sans pour autant en exploiter les thèmes. Ses sujets sont toujours liés, d’une manière ou d’une autre, à sa propre vie comme en témoignent ses premiers et derniers longs-métrages : Bienvenue dans la vie, mon petit chéri (1963), un portrait de son quartier et de sa vie familiale, et Bye (1990), reportage émouvant sur la maladie qui le rongeait. Ce travail documentaire et souvent autobiographique sera fréquemment diffusé à la télévision néerlandaise, mais c’est surtout au sein de musées qu’il sera véritablement valorisé.

Pour Van der Elsken la photographie n’est jamais un objet fixe. Il peut en changer le cadre, l’utiliser pour une publication ou un livre, la projeter sur un écran si elle est en couleur, en faire un diaporama. Ses expositions sont des installations dans lesquelles il combinait tirages, textes et multiples supports. Dans les années 1960 et 1970, ses présentations n’ont ainsi rien à voir avec des expositions photographiques traditionnelles.

Parallèlement, le marché naissant de la photographie et ses besoins financiers personnels rendent Van der Elsken de plus en plus conscient de la valeur de ses tirages, qu’il travaille souvent de façon très individuelle et expressive. Pour son travail photographique et pour ses films, il tente toujours de trouver la technique qui convient le mieux, à défaut de l’inventer lui-même. Son usage précurseur de la photographie en couleur est peu reconnu à l’époque, voire discrédité par ses pairs. À Paris déjà, au début des années 1950, il réalise des photographies en couleur, qui, faute de moyens techniques et financiers, sont alors peu ou pas reproduites.

Les extraits de films et de diaporamas montrés dans l’exposition – Eye Love You et Tokyo Symphony – ont été réalisés à partir de ses nombreuses prises de vue en couleur. En plus des planches-contacts, des dessins et des maquettes de certains de ses ouvrages, ainsi que des documents personnels, des lettres, des notes apportent un éclairage nouveau sur sa manière de travailler et sa personnalité. Des extraits de ses textes, acérés, personnels et souvent teintés d’humour, complètent la présentation de ce grand photographe et cinéaste.