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“Anarchéologie” article 2181
au Centre Pompidou, Paris

du 15 juin au 11 septembre 2017



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 juin 2017.
(reportage réalisé en cours de montage de l'exposition)

2181_Anarcheologie2181_Anarcheologie2181_AnarcheologieLégendes de gauche à droite :
1/  Jumana Manna, Resting Flag, 2011. Tuyau usé, silicone, pigment, pierre rose, dimensions variables. Collection Mona Khashoggi.
2/  Christoph Keller, Anarcheology, 2014. Vidéo numérique HD, noir et blanc, silencieux, 12 min 40 s. Collection de l’artiste.
3/  Oliver Laric, Sleeping Boy, 2016. Courtesy of the artist and Tanya Leighton, Berlin.

 


2181_Anarcheologie audio
Interview de Marcella Lista, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 juin 2017, durée 13'02". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Marcella Lista, conservatrice en chef, chef du service Nouveaux médias
assistée de Julie Champion, attachée de conservation, service Nouveaux médias




Le Centre Pompidou propose une nouvelle exposition prospective à la Galerie 0, située au sein des collections contemporaines. «Anarchéologie» réunit des oeuvres des artistes Ali Cherri, Christoph Keller, Oliver Laric, Jumana Manna, Amina Menia, Christodoulos Panayiotou, Maria Taniguchi et le collectif Umashankar and the Earchaeologists.

« Tout pouvoir, écrit Michel Foucault, ne repose jamais que sur la contingence et la fragilité d’une histoire ». Le développement de l’archéologie comme « science du commencement », au début du 19e siècle, parle de l’imaginaire des origines qui a accompagné la fondation des États-Nations européens. L’Antiquité avec laquelle conversait l’humanisme de la Renaissance devint alors l’objet d’une culture patrimoniale et d’un récit de civilisation. En témoignent le modèle du musée universel et les collections de moulages, qui aspirent à étendre la connaissance tout en posant le périmètre des beaux-arts. Si cet héritage de l’Occident est aujourd’hui mis en question par la critique postcoloniale, les mythologies du passé demeurent, se déplacent, se reformulent et se trouvent même avivées dans le monde globalisé.

Anarchéologie est un mot composé par Michel Foucault lorsque, dans ses cours au Collège de France à la fin des années 1970, il prolonge sa célèbre Archéologie du savoir à l’aune d’une pensée plus subversive. Le philosophe imagine une anarchie du savoir où investiguer pied à pied les divers régimes de vérité. Par ce mot, il entend avant tout défendre la « non-nécessité du pouvoir comme principe d’intelligibilité du savoir lui-même ». Autrement dit, dénouer savoir et position de pouvoir, une posture qui interroge à part égale les discours dominants et les discours autres.

Les démarches artistiques réunies dans cette exposition touchent de près ou de loin à l’archéologie elle-même. Elles assument avant tout une érosion des certitudes et engagent une méditation visuelle – et sonore – en partant de vérités dépareillées. La radiation du temps et de l’espace dans la condition numérique met sur un même plan la technologie la plus contemporaine et la reprise de métiers anciens. C’est à travers de telles dyschronies que les oeuvres interrogent les régimes du savoir et les gestes artistiques.

L’oeuvre d’Oliver Laric (né en 1981 à Innsbruck en Autriche, vivant et travaillant à Berlin) s’intéresse notamment à la relecture du patrimoine artistique à travers les technologies de reproduction en trois dimensions. L’artiste mène une recherche sur la « photoplastique », qui compte parmi les premiers procédés de photographie 3D au 19e siècle, lorsque l’imaginaire muséal forgeait les prémisses d’une culture globale. Ses scans, qui réinterprètent et diffusent librement des oeuvres anciennes, interpellent les institutions sur le sens du « domaine public » et l’idéal d’une mémoire collective, que contredisent les pratiques de copyright.

Le travail de Maria Taniguchi (née en 1981 à Dumaguete City aux Philippines, vivant et travaillant à Manille) emploie une pluralité de techniques. Ses grandes toiles rigoureuses, auxquelles elle donne le nom générique de « peintures de briques », posées à même le sol, ses vidéos et ses objets mettent tous en jeu de subtiles images temporelles. Discrètement, l’artiste convoque des échelles d’espace et de temps qui débordent le visible, donnant à méditer les effets de la technologie sur la fragmentation de la perception et de la connaissance.

Christodoulos Panayiotou (né en 1979 à Limassol à Chypre, où il vit et travaille) entretient dans son oeuvre plastique et dans ses textes une réflexion lucide sur la pratique archéologique, pointant les considérations identitaires qui, aujourd’hui encore, la sous-tendent. Qu’il passe par la mosaïque ou le vitrail, son travail met en tension histoire matérielle et histoire culturelle. L’artiste déplace des techniques artisanales anciennes dans des objets dont la portée est à la fois critique et poétique.Son approche de la danse et de la chorégraphie a partie liée avec une conception mouvante de la mémoire et de la rémanence des formes.

L’oeuvre de Jumana Manna (née en 1987 dans le New Jersey aux Etats Unis, vivant à Berlin) s’attache à observer les usages idéologiques de l’idée d’« origine ». À travers des gestes plastiques chargés d’irrévérence, ses sculptures et ses vidéos commentent les constructions autoritaires de l’identité dans la société contemporaine, touchant à la question du genre autant qu’à celle de l’Histoire.

Le travail d’Ali Cherri (né en 1976 à Beyrouth au Liban, où il vit et travaille) porte un regard critique sur la culture muséale héritée du 19e siècle. Dans ses installations et ses vidéos, l’artiste prend tout particulièrement à parti les procédés d’excavation, de délocalisation et de conservation de restes funéraires qui font violence à des pratiques cultuelles intemporelles et au sens même des sites archéologiques.

Amina Menia (née en 1976 à Alger en Algérie, où elle vit et travaille) aborde la question du tabou de l’Histoire coloniale face à l’héritage artistique. Dans une installation discursive mêlant archives, travail documentaire et réappropriation, l’artiste développe une enquête sur l’invisibilité des vestiges d’une mémoire conflictuelle.

Le collectif Umashankar and the Earchaeologists, composé de l’artiste Lawrence Abu Hamdan (né en 1985 à Amman en Jordanie, vivant et travaillant à Beyrouth), la critique Nida Ghouse (née en 1982 à Bombay en Inde) et l’acousticien Umashankar Manthravadi (né en 1945 à Kakinada en Inde, vivant et travaillant à Bengalore), explore la culture acoustique de l’Antiquité. Réalisées spécifiquement pour l’exposition, une vidéo et une performance questionnent à travers l’étude sonore des temples de l’Antiquité indienne, les impensés et les méprises des missions coloniales.

L’oeuvre de Christoph Keller (né en 1967 à Fribourg en Suisse, vivant et travaillant à Berlin) explore les relations entre modernité et redéfinition de la perception. S’inspirant ici de l’anarchéologie foucaldienne, il met en suspens le récit historique dans un espace-temps flottant, tourné vers le modèle de l’Histoire orale des Yanomami d’Amazonie.