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“Hélène Delprat” I did it my way
à la maison rouge, Paris

du 23 juin au 17 septembre 2017



www.lamaisonrouge.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 22 juin 2017.

2189_Helene-Delprat2189_Helene-Delprat2189_Helene-DelpratLégendes de gauche à droite :
1/  Hélène Delprat, Tournage des (Fausses) conférences, 2011. © ADAGP, Paris 2017. Courtesy Galerie Christophe Gaillard.
2/  Hélène Delprat, J’écris pour adoucir le cours du temps, technique mixte et collages, 2016 – 2017. Crayon et encre sur papier et collages, 50x65 cm. © ADAGP, Paris 2017. Courtesy Galerie Christophe Gaillard.
3/  Hélène Delprat, S’asseoir c’est s’endormir, 2017. Document web retouché. © ADAGP, Paris 2017. Courtesy Galerie Christophe Gaillard.

 


2189_Helene-Delprat audio
Interview de Hélène Delprat,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 juin 2017, durée 11'18". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

La maison rouge présente, pour la première fois à Paris, une grande exposition consacrée au travail d’Hélène Delprat, artiste qui exprime une voix singulière d’une richesse et d’une inventivité toujours renouvelées.

Dix ans après la projection dans Le vestibule de W.O.R.K.S & D.A.Y.S, Hélène Delprat a pensé spécialement pour les espaces de La maison rouge, l’exposition I dit it my way. Des miroirs et des films sombres, des immenses peintures aux titres hilarants, des voix de cinéma, des dessins radiophoniques, des têtes d’oiseaux, des photocopies, Louis XIV, Judex de Georges Franju ou bien encore le curieux rituel de la tonsure… Voilà ce qui nous attend en ce « jeu lugubre » 1, grave et drôle à la fois. Hélène Delprat aime à parler de l’Extension du Pire, de la monstrueuse laideur ou beauté des choses 2, des sorcières de Macbeth, des acteurs, du ridicule qui sommeille en nous, du rire…

Inspirée par la littérature - des Métamorphoses d’Ovide au roman contemporain en passant par Mary Shelley ou Virginia Woolf - le cinéma, les bases de données sur Internet ou encore la radio et la presse, elle développe au travers d’une pratique quotidienne un travail à la fois grinçant et sensible, où se mêlent fiction et documentaire.

Depuis plusieurs années, elle a entrepris, en images, au travers de peintures, films, dessins et photographie le volume contemporain des « Très riches heures de sa vie ». Son journal filmé et son blog « Days » en témoignent, ainsi que le film Les (fausses) conférences qui échafaude un monde fait de hasard et de programmation où apparaissent Eric von Stroheim, Buzz Aldrin ou Jean Cocteau.

Son travail est traversé par les questions de la représentation, de la mémoire, de la transmission, de l’enregistrement. Les images-énergie qu’elle propose – quel que soit le médium choisi – déclenchent des constellations et des arborescences, des associations figuratives et conceptuelles qui ne sont pas loin d’engendrer parfois des effets d’inventaire.

Hélène Delprat est tel un personnage sorti de son oeuvre, sensible aux dandys, aux extravagants et à tous ceux qui sans arrogance chérissent autant le vrai que le toc. Sans cesser de s’interroger « sur le bric-à-brac dont nous sommes faits » 3, elle s’applique à ne pas rester figée dans le monde qu’elle fabrique et s’en extrait en réalisant aussi des documentaires et des interviews 4. Sa singularité et sa curiosité en font une artiste totalement à part dans le panorama.


1 Le jeu lugubre d’Hélène Delprat, Dominique Païni, éditions galerie Christophe Gaillard, 2012
2 Fair is Foul and Foul is Fair, éditions galerie Christophe Gaillard, 2014
3 Orlando, Virginia Woolf, 1928
4 pour France Culture : « Autour des enfants terribles », « Comment j’ai inventé Edith Scob » etc.





Extraits du texte « L’univers est la cendre d’un dieu mort » par Corinne Rondeau,
publié dans le catalogue de l’exposition Hélène Delprat, I did it my way, Co-édition Fage et La maison rouge.

L’art d’Hélène Delprat est le règne de rêves fantastiques, extravagants, impénétrables ; un cortège de surprises, de sidérations, de démesures, et de petites choses simples, de bricoles, de souvenirs de cinéma, de théâtre, de peintures, de chansons populaires. Sur le chemin, des ombres et des silhouettes, des mannequins, des grilles de châteaux hantés, des escaliers qui ne mènent nulle part ou alors à d’autres images : couloirs mystérieux, portes et miroirs déformants, tableaux comme des grottes peuplées d’êtres hybrides. Chemin ouvert dont on ignore où il conduit, toujours un arbre qui cache la forêt, le courroux d’une déesse, un détail merveilleux au milieu d’une corruption, un mauvais goût d’école buissonnière. « C’est l’inconnu qui fait peur », répète une voix, et l’exposition commence. Pour commencer il faut aimer le mystère, l’inquiétude et le désir d’aller voir de l’autre côté. Et le plus souvent trouver tout autre chose que ce qu’on cherchait, comme dans les Aventures des trois Princes de Serendip. S’il n’est pas la simple dévaluation du connu, l’inconnu est l’expérience d’un monde où règnent les rêves et qui ne parle que de mort. Comme Heurtebise disant dans l’Orphée de Jean Cocteau : « Je vous livre le secret des secrets, les miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va. » (...)

« Détruire la peinture » pour en faire une peinture à voir commence par la mise à mort de la vieille (et pas morte) distinction. Hélène Delprat le fait avec profusion, sans craindre d’assombrir la raison et ses certitudes. Elle n’est pourtant pas irraisonnable, c’est une centrifugeuse, un ogre à l’appétit sans limite. La forme encyclopédique est pour elle un moyen de mettre en marche la forge de son art, dont le feu est dérivé du sens poétique du verbe « forger » : créer, inventer, imaginer. Le métal qu’elle frappe au milieu de son désert est extrait de peintures, de films, de reproductions, des musées, des bases de données sur Iinternet, passe par le fonds Jules Maciet de la bibliothèque des arts décoratifs, des DVD, les jardins de Florence, de Rome, et les cafés de Pigalle. Hélène Delprat ne parle jamais de sa peinture, elle est toujours à sa périphérie, aux aguets. Ses choix ne sont jamais gratuits, ils sont à son goût, et le pire est possible comme n’importe quoi d’autre. Le territoire délimité de l’encyclopédie s’enrichit tous les jours. L’esprit est vif, incisif. Le regard tranche, photocopie, scanne, classe. Ces morceaux qui n’en sont plus d’avoir perdu leur lieu d’origine, elle en sort quelques-uns après que les techniques de reproduction ont joué leur rôle d’entremetteuses. Oui, il y a bien du Frankenstein ou le Prométhée moderne dans l’art d’Hélène Delprat. Des détails lui ont sauté à l’oeil, ont aiguisé son goût de l’extravagance, du merveilleux, de l’affreux, de l’horrible, jusque dans leur oscillation, comme le revendique le titre d’une exposition et d’une monographie tiré du Macbeth de Shakespeare, Fair is Foul and Foul is Fair. Devant la toile, elle les combine pendant des heures, les laisse choir au sol, attend le récit qui leur donnera lieu. Un lieu de fascination, de détails entrelacés qui sont comme le fond d’un « donné à voir ». Et l’oeil du spectateur s’y colle à son tour, les dévoile et sursaute, morceau après morceau.