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“Bernard Pierre Wolff” Photographies, 1971-1984
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 28 juin au 27 août 2017



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 27 juin 2017.

2193_Bernard-Pierre-Wolff2193_Bernard-Pierre-Wolff2193_Bernard-Pierre-WolffLégendes de gauche à droite :
1/  Bernard Pierre Wolff, New York, 1975. © Bernard Pierre Wolff. Collection MEP, Paris. Don de l’auteur.
2/  Bernard Pierre Wolff, New York, 1984. © Bernard Pierre Wolff. Collection MEP, Paris. Don de l’auteur.
3/  Bernard Pierre Wolff, New York, 1974. © Bernard Pierre Wolff. Collection MEP, Paris. Don de l’auteur.

 


2193_Bernard-Pierre-Wolff audio
Interview de Jean-Luc Monterosso, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 27 juin 2017, durée 6'40". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire général : Jean-Luc Monterosso



Bernard Pierre Wolff est mort le 28 janvier 1985, à l’âge de cinquante quatre ans. C’est à New York, où il vivait depuis plus de vingt ans, qu’il acquit sa notoriété. En France, deux expositions durant le Mois de la Photo et deux livres, En Inde et New York Macadam, publiés aux éditions du Chêne, suffirent à faire de lui une figure de proue de la jeune création contemporaine. L’ensemble de son oeuvre appartient aujourd’hui à la Maison Européenne de la Photographie.

Bernard Pierre Wolff, qu’une mort brutale a mythifié, n’a laissé sur sa vie et son oeuvre que peu d’informations et de commentaires. À première vue, son travail s’inscrit dans la tradition du grand photojournalisme d’après-guerre. Comme Henri Cartier-Bresson, Bernard Pierre Wolff a toujours considéré que le talent du photographe consistait, face à l’incohérence du réel, à révéler et à imposer un ordre latent. Comme lui, il a parcouru le monde à la recherche de l’image universelle capable de rendre compte instantanément d’une situation ou d’un événement. On ne doit point s’étonner, dès lors, de trouver dans chacune de ses images (dont aucune n’est recadrée) le souci de la composition et de la perfection formelle. La plupart d’entre elles pourraient illustrer le fameux concept bressonien de l’« instant décisif », où la tête, l’œil et le coeur du photographe sont sur une même ligne de mire. En ce sens, Bernard Pierre Wolff est un classique… mais un classique qui a retenu les leçons d’un Robert Frank et, surtout, d’un Charles Harbutt, pour lesquels « tout désormais peut être photographié » : le laid, le banal, l’insignifiant…

Dans cette perspective, les rues de New York, avec leur cortège de figures inouïes, leur faune incongrue et souvent incroyable, allaient devenir un champ d’observation privilégié. À partir de 1974 et pendant plus de quatre ans, Bernard Pierre Wolff arpenta la ville en tous sens, photographiant tout ce qui pouvait l’être : les dingues, les drogués, les travestis, mais aussi les scènes de vie les plus anodines. Il composait des images quotidiennement, avec ivresse et volupté, transformant peu à peu son art en une pratique hallucinatoire.

Toute son oeuvre, que ce soit son magnifique reportage sur l’Inde ou, plus tard, le travail qu’il fit sur le Japon, témoigne de cette subjectivité forcenée qui, chez lui, bouscule tout et menace, à l’intérieur du cadre, jusqu’à l’équilibre trop parfait des formes et des lignes. En effet, le principe constitutif des photographies de Bernard Pierre Wolff s’articule autour des fulgurances du désir. Un désir obsessionnel et à chaque fois décisif, qui déclenche le processus créatif et fait que chaque image porte en elle, comme irradiant, cette empreinte indélébile — sorte de trou noir — par laquelle tout s’ordonne. Ici, la sensuelle cambrure d’une hanche, là, un sourire complice, plus loin encore, à moitié caché et presque hors du cadre, le torse nu d’un homme au travail… le désir en acte rejoint le réel pour le façonner et lui donner sens.

Bernard Pierre Wolff possédait l’art singulier d’un artiste qui, sans mise en scène, crée dans la syntaxe du photojournalisme classique, un monde à la fois terriblement intime et parfaitement universel.

Jean-Luc Monterosso, Directeur de la Maison Européenne de la Photographie





Biographie

Né le 26 novembre 1930 à Connerré dans la Sarthe, Bernard Pierre Wolff quitte sa petite ville natale à vingt-trois ans pour se rendre à Paris et suivre les cours de menuiserie à l’École d’Apprentissage de la RATP. Ses premières photos, simples clichés souvenirs pris avec un rudimentaire appareil Kodak, datent de son service militaire au Maroc. Démobilisé en 1952, il rentre à Paris où il commence à gagner sa vie en tant que modèle, mannequin, puis figurant dans plusieurs films, avant de rentrer à la Cinémathèque française en tant qu’assistant d’Henri Langlois. Il contribue à d’importantes rétrospectives et organise une grande exposition sur l’histoire du cinéma, qui sera notamment présentée à Berlin-Est.

Mais New York le fascine et son rêve est d’y vivre. New York… ville démesurée, grouillante et qui ne dort jamais, dépourvue de préjugés, ouvertes aux rencontres et à tous les possibles, lui offre ce qu’il attendait : « Ce qui m’intéresse, c’est tous ces gens à la limite de la folie ». D’abord engagé comme dessinateur graphique à la Foreign Policy Association, il se voit très vite confier un Nikon pour photographier leurs conférences et, peu à peu, à ces images institutionnelles, il adjoint d’autres thèmes : des paysages, des portraits et surtout des scènes de rue. Dès lors, son oeil ne quittera plus l’objectif et il ne s’éloignera de New York que pour voyager.

En 1965, c’est la Tunisie et le Maroc, dont il rapporte des images remarquables, qui lui valent jusqu’en 1972 un certain nombre de missions à travers le monde, pour le compte d’agences commissionnées par l’ONU. C’est ainsi qu’il se rend en Afrique (Niger et Haute-Volta), en Amérique du sud (Bolivie et Brésil) et enfin pour la première fois en Inde.

1974 marque une étape décisive dans la vie de Bernard Pierre Wolff lorsqu’il effectue un stage auprès de Charles Harbutt, expérience exceptionnelle qu’il qualifie comme le tournant de sa carrière : « Pendant les dix années précédentes, mon style avait été influencé par ma formation de dessinateur. Soudain, après trois jours, tout s’est illuminé (…) je venais seulement de comprendre comment on prend une photo ». En 1975, totalement maître de son art, il repart pour un voyage très fructueux en Inde et, à son retour, il participe à plusieurs expositions à New York et à Paris, tandis que le magazine Modern Photography commence à publier son travail. Ce photographe passionné ne s’arrête jamais. Entre sa vie new-yorkaise qu’il mène avec fougue, entouré d’amis créatifs en marge des milieux clinquants à la mode, et ses nombreux voyages en Europe du sud (Espagne, Portugal, France, Italie) en 1977, il enchaîne expositions et travaux et, en 1978, publie ses photographies dans un livre intitulé Friends and friends of friends. Images insolites, scènes de trottoirs, séquences prises sur le vif, incongrues et originales.

Un dernier voyage en Inde, en 1980, confirme son amour pour ce pays et la spiritualité qui en émane : « l’Inde n’est pas pauvre, c’est nous qui le sommes. Essayez de comprendre, et vous aurez fait le plus beau voyage qui soit ». L’ouvrage En Inde est publié en 1982 aux éditions du Chêne. L’année suivante, c’est le Japon qui l’intrigue et l’émerveille, Tokyo surtout, où la densité et le mouvement incessant de la foule le stupéfient : « Tokyo est une énigme qui fascine ».

En 1983, New York Macadam, son ouvrage de référence, est publié aux éditions du Chêne et offre au grand public ses images – mieux, sa vision - de la mégalopole. La même année, à Londres, il entreprend un projet de livre sur la ville et ses habitants. « Photographier Londres est pour moi un plaisir égal à celui de voir l’Inde ou New York. Tous les coups sont permis ».

En 1984, l’ONU le dépêche en Afrique où il parcourt le Kenya, le Malawi, le Botswana et le Lesotho. Ce sera sa dernière grande mission. Atteint du Sida, il rentre à New York où, malgré sa faiblesse, il commence à travailler sur son premier livre de photographies couleur. Ce projet restera malheureusement inachevé car Bernard Pierre Wolff s’éteint prématurément le 28 janvier 1985, à l’âge de cinquante-quatre ans.

Un an après sa mort, une exposition-hommage présente les oeuvres de Bernard Pierre Wollf à l’Espace photographique de Paris Audiovisuel, alors situé au Forum des Halles à Paris, préfiguration de la Maison Européenne de la Photographie, dont l’auditorium porte aujourd’hui son nom.