contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Sans réserve” Nouvelle exposition des oeuvres de la collection
au MAC VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine

à partir du 30 juin 2017



www.macval.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Alexia Fabre, directrice du MAC VAL, le 29 juin 2017.

2194_sans-reserve2194_sans-reserve2194_sans-reserveLégendes de gauche à droite :
1/  Claire Adelfang, Alcôve, 2011. Tirage argentique contrecollé sur aluminium, 120x120x4 cm. Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Acquis avec la participation du FRAM Île-de-France.
2/  Anne Brégeaut, La Dispute, 2006. Faïence, colle, 5,5x8 cm. Collection MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. © Adagp, Paris 2017. Photo © Marc Domage.
3/  Dove Allouche, Sunflower, 2015. Étain et argent sur papier Cibrachrome, 180x126 cm. Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. © Dove Allouche.

 


2194_sans-reserve audio
Interview de Alexia Fabre, directrice du MAC VAL,
par Anne-Frédérique Fer, à Vitry-sur-Seine, le 29 juin 2017, durée 18'30". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Eyeliner d'Elisabeth Ballet est une route de caoutchouc dont les bandes sont posées au sol, plissées en un drapé paresseux, empilées comme en attente d'être définitivement placées et fixées. L'évocation du paysage que projette cette installation dans laquelle la route, comme un tapis, dessinerait les vallons, semble une utopie propre aux dessins animés. Cette force narrative de l'œuvre, l'histoire que celle-ci nous raconte, est le fil conducteur de cette exposition de la collection du musée. Ici, le réel devient irréel, comme dans la vidéo de Angelika Markul reprenant un documentaire sur l'exploration d'une grotte de cristaux géants. Sur ce documentaire bien réel, le passage au noir et blanc et la bande son dramatique opèrent une inversion du sens des images, donnant l'impression d'un film de science fiction. Les explorateurs marchant dans leurs scaphandres semblent incrustés dans une maquette par des effets spéciaux, acteurs d'une fiction.

Les tableaux flashys d'Amélie Bertrand avec ses silhouettes de palmiers en aplats ciselés, ses décors de fausses perspectives et de carrelages nous replongent dans une ambiance pop des années 80, une stylisation glamour de paillettes télévisuelles. Y répondent les surfaces froissées comme de la tôle accidentée de Jérôme Robbe. Les multiples couches de vernis coloré en rendent la surface brillante comme un miroir et irisée de roses nacrés, de bleus et de violets métalliques.

Jean-Christophe Norman a écrit le long d'un immense mur, en en couvrant toute la surface de lignes régulières de caractères serrés. Le bloc de texte monumental haut de plusieurs étages, si son exécution a nécessité plusieurs mois de travail, ne peut et ne sera jamais lu. Ce questionnement de l'écriture devient une interrogation sur le sens de l'œuvre. Elle existe donc par sa présence sur le mur, par les efforts nécessités pour sa construction et non par le sens de ce qui y est écrit.

Plus discret et intimiste, 3 petits objets d'Anne Brégeaut racontent une petite histoire. Une tasse de faïence cassée et recollée, un disque vinyle fondu et trois boules de papier froissé nous parlent simplement des petites choses de la vie, d'instants ordinaires mais pleins d'émotion. Une dispute, la rédaction difficile d'un déclaration, le moment passé à écouter de la musique passent, à travers ces objets, d'un expérience personnelle à une universalité. Chacun reconnaissant dans sa propre expérience ces mêmes vécus, ces mêmes émotions, l'œuvre crée un lien non seulement avec l'artiste mais avec tous les visiteurs qui s'arrêteront devant elle.

La Maquette du Bureau des Activités Implicites de Tatiana Trouvé reproduit une architecture au futurisme désuet des années 70. Entre le burlesque de Playtime et le totalitarisme de Brazil, des cloisons couvertes de slogans et directives absurdes, des structures grillagées comme des cages ou clôturées comme un ring de boxe modélisent une société devenue inhumaine pourtant présentée comme optimiste et radieuse. Le Bar séduire de Jean-Luc Vilmouth utilise un procédé similaire. Son espace de rencontres évoquant le speed dating est festif, joyeux de lumières colorées, de néons roses. Pourtant l'architecture à base de mobilier de bureau et d'écrans d'ordinateurs en fait un espace productiviste et compétitif. Les candidats à l'amour dansant avec extravagance sur les écrans semblent avoir déjà perdu à ce jeu cruel.

Dans le jardin, la maison de terre de Christian Boltanski, dans laquelle on pénètre comme dans une coquille d'escargot, présente une projection paisible. Dans le désert d’Atacama au Chili, 800 clochettes japonaises tintent au gré du vent sur des fines perches. Cette musique des âmes chante la mémoire des disparus de la dictature mais est aussi tournée vers les étoiles, vers les espoirs des vivants. Une histoire sans paroles, sans fin, une histoire accueillante que l'on peut s'approprier et poursuivre.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Alexia Fabre, Conservatrice en chef



Cette 8e exposition des oeuvres de la collection, conçue à partir des oeuvres historiques du musée et des acquisitions récentes, s’articule autour de la construction des récits. Elle propose d’expérimenter la force expressive des oeuvres, leur capacité à raconter, interroger, dire ou suggérer. Bavardes ou silencieuses, parfois contemplatives, discrètes ou immersives, toutes sont narratives et nous transportent à travers la réalité, la fiction ou l’imaginaire, provoquant l’émotion, soulignant la fragilité des situations. Cette exposition reflète également l’histoire de la collection, un voyage au long cours, ponctué de découvertes, d’intuitions, de rencontres et de retrouvailles, permettant au fil du temps de constituer des ensembles conséquents et significatifs autour de figures artistiques majeures de la création d’aujourd’hui.

Pour cette 8e exposition des oeuvres de la collection, nous avons choisi d’associer et d’éclairer les oeuvres à partir de leur pouvoir et de leur volonté d’expression. Toutes, en effet, dégagent un certain pouvoir narratif, d’échange plus ou moins manifeste. C’est cette propension, cette invitation, mais aussi cette réserve parfois que nous souhaitons interroger, poursuivre sur des modes différents, à présent et dans le temps.

Stratagèmes, scénarios, dispositifs, lieux de projection, ellipses ou silences sont mis en place par les artistes afin que l’oeuvre invite, s’ouvre ou au contraire conserve sa part de mystère, manifestant pour certaines le seul désir de ne renvoyer qu’à elles-mêmes.

Bavardes, claires et précises, pudiques, mutiques ou déclaratives, elles convoquent un mode de récit et d’expression qui résonne à chaque fois différemment en nous. Elles racontent des histoires, invitent à poursuivre, voire à construire, initient un climat, suggèrent, évoquent ou a contrario retiennent. Depuis l’invention de la modernité, une oeuvre peut-elle encore convoquer un ailleurs ? Y aurait-il des époques où dire serait malvenu ou épuisé, ou bien d’autres temps où il ne serait plus possible de ne pas dire ? Y aurait-il des urgences qui placeraient les artistes dans une obligation implicite de se mêler, de raconter, et des registres plus facilement dicibles que d’autres ? Notre temps, au sens large du terme, est-il de ceux où les artistes font partie commune avec le monde, ou bien celui-ci est-il toujours et immanquablement, incessamment le même ?

Certaines oeuvres parleraient-elles d’elles-mêmes tandis que d’autres non ? Le sujet, évidemment bien plus complexe, se noue autour de la question de l’adresse et de la source d’émission qui croisent celle du récepteur.

Cette nouvelle présentation de la collection met donc en jeu ces capacités d’expression et de rétention, de discrétion des oeuvres, comme elle questionne notre propre pouvoir de regardeur, d’enquêteur, d’investigateur, passif ou actif. Sommes-nous de notre côté en désir et en capacité de nourrir l’oeuvre et d’y projeter nos propres aspirations ?

Voici donc une partition composée d’oeuvres de natures très différentes, d’époques et de modes d’expression variés, une présentation polyphonique à la recherche de ce que l’art nous livre et de ce que nous voulons bien recevoir.

Pour prolonger l’histoire et ne pas conclure les récits, nous proposons donc de renouveler régulièrement cet accrochage qui, dans le temps, trouvera d’autres développements, installera des relations inédites entre les oeuvres, réécrira des bribes et propositions de récits, autour des projets de résidence, avec Juliana Góngora venue de Colombie, et des invitations faites à cinq artistes québécois et canadiens issus de la Manif d’art, biennale de Québec 2017, ainsi qu’à trois artistes de la collection, Sylvie Fanchon, Jean-Christophe Norman et Christian Boltanski.





Les invités de la collection :


Dans le jardin :
Christian Boltanski, Mauricio Pezo, Sofia Von Ellrichshausen : Panorama


C’est dans le désert chilien d’Atacama, entre terre et ciel, où l’expérience du vertige est courante, que Christian Boltanski a créé un monument à la mémoire des morts pour les vivants : des centaines de clochettes japonaises, posées avec les habitants pour figurer le paysage céleste correspondant à la date anniversaire de l’artiste. Offerte au vent, à la sécheresse, aux éléments extrêmes de ce lieu inhospitalier et pour autant chargé de la mémoire des hommes, cette installation filmée par l’artiste est conservée à travers une vidéo qui dure de l’aube au crépuscule. Pour le MAC VAL, il a souhaité créer une oeuvre qui propose de vivre cette expérience du vertige du temps et de l’espace, de la contemplation, en collaborant avec les architectes chiliens Pezo et Von Ellrichshausen, qui ont représenté leur pays à la Biennale d’architecture de Venise en 2008. Ensemble, ils créent une chapelle dans le jardin du musée, un espace de recueillement, entre la ville et le musée. Un peu à l’écart, cette architecture s’offre aux visiteurs et propose une expérience du silence, du temps suspendu et pourtant réel, de retrouvailles avec des inconnus. Écho contemporain à la rocaille du jardin paysager du musée, cette nouvelle oeuvre devient, tel un oratoire, un lieu de connexion face à l’ampleur de l’histoire et de l’espace-temps, monument à tous ces destins, ces « âmes errantes » qui tissent le fil jusqu’à chacun de nous.


Sur le grand mur d’entrée :
Sylvie Fanchon : SAGESFEMMES


Invitée par le MAC VAL à réaliser un mural in situ, Sylvie Franchon a réalisé un immense « Tableau Scotch » offert aux visiteurs dès l’accès aux salles du musée. Le recours aux bandes adhésives, au masquage, permet à l’artiste d’accepter une part de surprise, de hasard dans sa pratique. Son mural, un dessin géométrique, offre une surface striée, hachurée, plus ou moins rythmée. Les bandes de couleur rose poudré renvoient à la féminité, au maquillage, aux bas de soie, mais aussi aux sparadraps évoquant les blessures intimes, celles de la chair et de la vie. Les « Tableaux Scotchs » de Sylvie Fanchon sont-ils des surfaces de réparation ? Évocations du corps féminin, du corps désiré ou du corps meurtri, blessé, ils sont tout à la fois, douceur et douleur mêlées. Rassemblées sous le titre Chair, d’un rose qui n’est pas si sage, ces peintures donnent le ton. L’intitulé de l’oeuvre spécifiquement créée pour le MAC VAL, SAGESFEMMES, donne le ton !


Dans la Nef du musée :
Jean-Christophe Norman : Terre à terre


Performeur et plasticien, Jean-Christophe Norman explore l’écriture aux quatre coins de la terre, réécrivant extraits ou totalité de romans illustres à la craie, à même le sol. Dans un projet d’écriture personnel, Grand Mekong Hotel, il relate son récent séjour à Phnom Penh, animé d’un projet fou, reproduire les plans de l’appartement parisien de Marguerite Duras sur le fleuve Mékong. Invité par le MAC VAL, il affronte la plus haute cimaise du musée, fait corps avec cette paroi jour et nuit pour réécrire son propre récit, page à page. Cette installation est créée in situ, et le public du MAC VAL peut déjà observer le processus de création et l’artiste à l’oeuvre dans la Nef. Par cette action de recouvrement, il immerge le visiteur dans la dimension plastique et picturale de l’écriture. Si sa première envie est de décrypter le texte, il est vite confronté à la réalité. Naturellement, il navigue au coeur du récit, voyage à travers les mots, dérive parmi les pans de lignes. L’écriture est associée au temps, à l’espace, au corps et au déplacement. C’est une invitation au voyage, à l’évasion, au souvenir, d’une terre à l’autre.