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“Levitt France” Une utopie pavillonnaire
au Magasin électrique, Les Rencontres de la photographie, Arles

du 3 juillet au 24 septembre 2017



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Béatrice Andrieux, le 4 juillet 2017.

2197_Levitt-France2197_Levitt-France2197_Levitt-FranceLégendes de gauche à droite :
1/  Camille Richer, Sans titre, série Périphéries, 2013. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
2/  Bruno Fontana, Typologies, Évry, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
3/  Jean Noviel, Sans titre, série La norme et le commandement, 2014-2015. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

 


2197_Levitt-France audio
Interview de Béatrice Andrieux, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Arles, le 4 juillet 2017, durée 7'57". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Béatrice Andrieux.
Auteures associées : Isabelle Gournay et Fanny Taillandier.




Avec Julie Balagué (1986), Vincent Fillon (1977), Bruno Fontana (1977), Jean Noviel (1973), Camille Richer (1993)

Levitt France, une utopie pavillonnaire revient sur un projet ambitieux mené au début des années 1970 avec la construction de villages à l’américaine en Île-de-France. Cette entreprise peu connue, qui a contribué au modelage de la banlieue francilienne sous l’égide de la société Levitt France –« du nom du fondateur de la suburb américaine William Levitt« –, était porteuse d’une idée qui allait révolutionner la construction« : la fabrication en série de maisons standardisées. Par la recherche architecturale qu’impliquait la nouvelle technique de construction, le village Levitt est un modèle d’utopie, que chacun des cinq photographes abordent sous différents angles. L’aventure Levitt représente-t-elle alors la quintessence ou l’angoisse de « l’entre-soi » et de « l’américanisme » exploités notamment dans les clips et les films ? Une simple bulle de temps accrochée au passé ? Le résultat d’une modernité non conforme à l’esprit français ?

Béatrice Andrieux





William Levitt, l’inventeur des Levittowns


Personnalité flamboyante, William Levitt fut le premier à appliquer les méthodes de la fabrication en série, utilisée dans l’industrie automobile, au secteur de l’immobilier.  Grâce à ce modèle économique, il va bouleverser le paysage urbain américain dans les années 50. Inventeur des célèbres Levitttown, ensemble de maisons rigoureusement identiques construites à la périphérie des centres historiques, William Levitt débute son apprentissage en famille. 

Son père, Abraham Levitt avocat spécialiste des questions immobilières investit ses gains dans des projets immobiliers à New York. En 1929, la société Levitt &Sons est crée et avec ses deux garçons, William né en 1907 et Alfred né en 1912, Abraham commence à développer des projets plus ambitieux. 

Les deux frères ciblent les classes moyennes supérieures. Celles qui depuis plusieurs années quittent les centres villes pour s’installer en périphérie de New York, Boston ou de Chicago. 

Abraham gère l’aspect financier quand William se charge de la vente et de la promotion pour laisser la partie créatrice à Alfred, passionné d’architecture et de design. C’est lui qui conçoit le modèle de la première maison Levitt comprenant six chambres, deux salles de bain et un grand salon, vendue 14 000 dollars malgré la crise économique. Les Levitt parviennent à en écouler 600 en trois ans. Trois autres programmes sont réalisés dans les environs de New York pour un total de 2 000 maisons. 

Le contexte historique sera favorable au développement de la firme familiale au sortir de la fin de la guerre en 1945. Des millions de soldats retournent dans leurs foyers qui ne sont plus adaptés à la taille nouvelle des familles qui ne cessent de grandir baby boom oblige. Mais les ménages américains ne parviennent pas à se loger car la priorité donnée à l’effort de guerre a gelé tous les programmes de construction. La pénurie de logements devient une question politique et la demande, en somme est immense. Sitôt démobilisé, William Levitt persuade son frère et son père de changer totalement leurs méthodes de construction.

La famille Levitt achète en 1945 un immense terrain de 405 hectares voués à la culture de pommes de terre situé sur Long Island, non loin de Manhattan. L’idée de William est d’y édifier une ville entièrement nouvelle en profitant des taux d’intérêts très bas que le gouvernement vient de fixer pour relancer la construction immobilière. Plus de 17 000 maisons y seront construites en deux ans. La première Levittown sort de terre grâce aux méthodes de la fabrication en série découvertes par Levitt lorsqu’il était sous les drapeaux. Les opérations ont été découpées en 27 étapes mobilisant chacune un groupe d’ouvriers: édification des murs, construction de la charpente, pose des portes et des fenêtres, de l’escalier intérieur, des éclairages.

En 1947, date de l’inauguration officielle de Levittown, les 17 000 maison ont trouvés preneurs.

Sur chacune d'elle, Levitt & Sons gagne 1.000 dollars, ce qui est beaucoup pour le secteur. Les règles de vies sont strictes : il est interdit de faire sécher du linge dehors, de construire une barrière autour de sa demeure ou d'utiliser un modèle de tuyau d'arrosage différent de celui fourni par la firme. Mais les Américains de la classe moyenne se sentent « entre eux » dans cet univers protégé où les rues ont été conçues pour limiter la vitesse des voitures, où chaque maison est située à proximité d'une école.

L’essor de l’exode des citadins vers la périphérie est impressionnant. Ce sont en effet 90 millions de personnes qui s’installent en banlieue entre 1950 et 1965. La firme familiale créée de nouvelles Levittown entre 1950 et 1960. Dans le New Jersey, le Maryland, en Pennsylvanie à Porto Rico ainsi qu’une en France à Lésigny.

Pas moins de 140 000 maisons sont construites. Le retrait de son frère Albert en 1955 et la mort de son père en 1962 font de William le seul maître à bord de la firme familiale. Avec une fortune estimé à 100 millions de dollars, il est devenu l’un des hommes le plus riches des Etats-Unis.

En 1968, William décide de vendre la firme familiale à l’International Telephone and Telegraphe Compagny pour la somme de 92 millions de dollars payée essentiellement en actions ITT. Ecarté de la direction de la compagnie en raison de son âge -« 61 ans« -, signataire d’une clause de non concurrence qui lui interdit toute activité de construction aux Etats-Unis, l’homme d’affaire tente de réitérer le succès des Levitttown en Iran, au Venezuela et au Nigéria qui seront malheureusement des échecs. La chute des actions ITT, au milieu des années 70 le laisse quasiment ruiné et couvert de dettes. Il tentera une dernière opération en Floride mais là encore ces deux programmes seront des échecs.

Il meurt à New York en janvier 1994 à l’âge de quatre-vingt-six ans.

Béatrice Andrieux