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“Kate Barry” The habit of being
à l’Abbaye de Montmajour, Les Rencontres de la photographie, Arles

du 3 juillet au 24 septembre 2017



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 5 juillet 2017.

2201_Kate-Barry2201_Kate-Barry2201_Kate-Barry1/  2/  3/  Kate Barry. © Kate Barry, Courtesy Gallois Montbrun et Fabiani.

 


2201_Kate-Barry audio
Interview de Fannie Escoulen, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Arles, le 3 juillet 2017, durée 16'45". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l’exposition : Diane Dufour et Fannie Escoulen.
Exposition produite par LE BAL en partenariat avec l’agence Gallois Montbrun & Fabiani et les Rencontres d’Arles.




Kate Barry, disparue prématurément en décembre 2013 à l’âge de 46 ans, laisse derrière elle une œuvre photographique remarquable et pourtant méconnue du grand public. Au-delà des portraits de stars et de mode qui ont constitué le coeur de sa carrière professionnelle et ont participé à sa reconnaissance, elle a mené dans la plus grande discrétion un travail photographique personnel tout en délicatesse et en fragilité, composé essentiellement de paysages, qu’elle savait contempler, dans le silence et la solitude, en retrait. De cette pratique, ont été conservés des tirages réalisés sous son contrôle, des planches contacts découpées, des travaux en couleur minimalistes. Aussi, quelques textes, mots, correspondances, ainsi que des morceaux de films réalisés lors d’un voyage à Savannah en 2007 avec Jean Rolin sur les traces d’une auteur qu’elle admirait, Flannery O’Connor. Autant d’indices permettant aujourd’hui de remonter le fil d’une oeuvre inachevée.

Publication : Kate Barry, Éditions Xavier Barral, 2017.


 




« Je ne sais pas si c’est le fait de grandir dans une famille d’actrices qui a rendu l’idée de la solitude si éprouvante. Je viens d’une famille d’actrices, de mon arrière-grand-mère à ma grand-mère, de ma mère à mes soeurs. Mon père, la musique qui les accompagne. Qui accompagne toutes ces histoires racontées, tous ces rôles joués. C’est une histoire de famille où le regard de l’autre s’est toujours posé, s’est toujours joué, s’est toujours mesuré. » Kate Barry



Fille des artistes Jane Birkin et John Barry, Kate Barry, disparue prématurément en décembre 2013 à l’âge de quarante-six ans, laisse derrière elle une oeuvre dense, magnétique, produite dans la plus grande discrétion, à contre-courant des portraits de stars et de mode ayant marqué sa carrière professionnelle.

Découverte tardivement, la matière visuelle accumulée en quelques années (2002-2008) a permis de retracer un processus de travail singulier : des planches-contact évidées des images qu’elle préférait, l’ordonnancement de ces images échappées puis l’agrandissement de celles qu’elle destinait au mur d’exposition.

Les témoignages de ses proches, des indications laissées au creux des boîtes, quelques notes de travail et des bribes de correspondances amicales nous ont guidées pour établir ce corpus, avec toute l’humilité qu’impose une telle entreprise.

Les figures récurrentes du vide et de l’abandon, l’attention extrême portée à ce « presque rien » contre lequel elle venait buter, l’empathie évidente pour tout ce qui résiste subrepticement livrent une oeuvre construite dans le silence et la solitude, en retrait. Délicats, fragiles, ces fragments d’un monde-paysage saisis au gré de ses errances figurent la douleur de cette « habitude d’être » [The Habit of Being], titre d’un recueil de lettres de Flannery O’Connor que Kate Barry affectionnait tout particulièrement, au point d’amorcer un film sur cet écrivain lors d’un voyage en 2007 dans le Sud des États-Unis.Se révèlent alors, au-delà des images, l’évidence d’un regard instinctif, tout à la grâce du moment présent, et la joie grave de se sentir d’emblée du côté de l’anomalie, de l’incongru. Une herbe folle au pied de l’immense façade, des bottines anglaises sur une dalle trop lisse, un immense éclat de rire comme un pied de nez au passé.

Fannie Escoulen et Diane Dufour





« Ma démarche photographique a bifurqué avec les paysages, ou les portraits de paysages, car elle est née du besoin de me soustraire à la relation duelle qu’implique le portrait. Je l’ai menée sur une période d’environ quatre ans, dans des lieux qui se trouvaient généralement vides et en retrait. Sans plan préalable, retenue par rien, pendant plusieurs années j’ai donc fait des allers-retours, entre portraits et paysages, les paysages pour tenter de répondre à des questions que chacun peut légitimement se poser face à la temporalité des choses, notre impossibilité de pénétrer leur sens, notre caractère provisoire. Une tentative d’ordonner les choses. » Kate Barry

Ce presque rien de Marie Darrieussecq [Extrait du texte original Ce presque rien, publié dans l’ouvrage Kate Barry - The Habit of Being, co-édité par les éditions Xavier Barral et LE BAL.



Kate avait une beauté maigre et plissée, intense, qui bougeait sans cesse, qui riait, et une détresse dont je ne saurais pas parler mais qui était là, dans les plis, dans sa vivacité même. Sa gaieté était sa politesse, je crois. Elle était extraordinairement gentille. Elle était aussi d’un abord extraordinairement simple quand on sait l’univers où elle avait grandi. Elle était « naturelle », une herbe folle comme ces hautes graminées secouées par le vent, à la fois indomptables et fragiles. [...] Dans ce paysage de terrain vague, d’ordinaire peu perçu, elle trouvait et fuyait peut-être ce qui la pourchassait, et qu’on sentait en elle, et qu’elle ne cachait pas. Ses photos montrent un rapport très fort à ce qui n’est pas remarqué d’habitude, à ce « presque rien » dont Jean Rolin constate le besoin impérieux qu’elle avait de le filmer. [...]

Le paysage de Kate est une sorte de terrain vague avec une âme de vagabond. Des arbres débordent du macadam, hors du carré qu’on leur impose. Ils fendent aussi le goudron, s’élevant comme ils peuvent dans un effort pour attraper le printemps où qu’il soit. Kate photographiait des angles et des coins, il semblait que la vie soit sans issue ; pourtant elle y glissait toujours un détail cocasse, peut-être un peu britannique, en aplatissant à ce point les angles que tout semble se renverser comme un trompe-l’oeil. Un vertige s’ébauche où il n’y avait qu’un cul-de-sac. Ces pauvres objets, ces poubelles, ces pavés fissurés, ces briques maladives, il fallait être Kate pour les voir et leur donner une âme, en miroir, une âme petite et vaste et universelle. […]

Un autre photographe, avec ces murs, ces barrières, ces angles, aurait penché vers Rothko ou vers une abstraction hermétique ou mystique. Mais Kate – d’où une telle grâce lui venait-elle ? – ouvrait les impasses. Elle était capable de mettre de la tendresse dans un pavage dépareillé, dans une grille d’où coulent des moisissures, dans un tas de terre tout seul devant une porte fermée. Elle voyait les éclopés dans le paysage. Elle les aimait. Dans ces lieux ingrats, presque comiques à force de déréliction, elle photographiait une faille qui était aussi une liberté.