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“Manguin” la volupté de la couleur
au musée des impressionnismes, Giverny

du 14 juillet au 5 novembre 2017



www.mdig.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite presse, le 13 juillet 2017.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Henri Manguin, L’Amandier en fleurs, 1907.Huile sur toile, 65x81 cm. Suisse, collection particulière. © Tous droits réservés / Photo : Jacques Bétant. © ADAGP, Paris, 2017.
2/  Henri Manguin, La Couseuse à la robe rouge, Jeanne, 1907. Huile sur toile, 81x100 cm. Collection particulière. © Tous droits réservés / Photo : Fabrice Lepeltier. © ADAGP, Paris, 2017.
3/  Henri Manguin, Nature morte aux faisans bleus, 1909. Huile sur toile, 116x89 cm. Collection particulière. © Prolith AG. © ADAGP, Paris, 2017.

 


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Interview de Marina Ferretti, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Giverny, le 13 juillet 2017, durée 10'51". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Un autoportrait à la légèreté d'aquarelle, brossé avec rapidité et souplesse. Sur le fond blanc de la toile laissée apparente, verts aquatiques et oranges ocrés délimitent les arêtes du visage, séparent l'ombre de la lumière. La liberté d'Henri Manguin a des accents de désinvolture mais son regard est profond, perçant, scrutant la nature des choses pour en tirer la substantifique moelle : la couleur.

Car les couleurs, Manguin les utilise toutes. De la Petite Italienne, modèle posant sur l'estrade académique d'un atelier, dans lequel la perspective s'efface au profit d'une explosion presque abstraite de verts et de roses à l'extraordinaire Gitane à l'atelier qui utilise l'entièreté du cercle chromatique, les moyens mis en œuvre sont au service exclusif du sujet.

Deux petits tableaux de son épouse Jeanne à la plage sont cadrés comme des instantanés photographiques, devançant de cinquante ans l'ère du Polaroïd. Les couleurs vives, mer turquoise, robe rose, jaune solaire d'un chapeau de paille, sont aplaties en formes aux limites nettes, comme les pièces d'un puzzle qui une fois assemblées créent un volume d'ombre et de lumière, de fraîcheur et chaleur. Dans cette distillation des formes en une géométrie pré-cubiste, les fruits de la Grande nature morte sont stylisés en une bichromie qui en cisèle pourtant tous les détails, jusqu'à leur degré de mûrissement. La transparence et les reflets du verre d'un bocal sont rendus de façon plus classique tandis que la partie remplie s'écrase sur la toile en un rectangle comme l'est le contenu contre les parois de la conserve. La pinède de Cavalière, tachetée de violets d'oranges et de verts comme le pelage d'un félin, oppose symétriquement la masse du feuillage avec son ombre. Le réel d'une consistance de verts est reflétée par l'irréel des motifs colorés que l'ombre dessine sur le sol.

La chemise d'une Jeanne allongée sur un lit, baignée par le jour de la fenêtre, est d'un blanc de nuage, un blanc cotonneux composé de mille petites teintes et nuances. En opposition à la chaleur de la lumière, le froid de l'ombre brûle le tissu de bleu et de vert, tempère le galbe d'un mollet d'une grosse hachure rouge. Comme dans le Nu allongé sur le divan rouge à la courbe exagérée de la hanche, la femme peinte est un paysage. Le modèle se décompose pour être reconstruit en collines, vallées et ruisseaux. Le blanc du jour aveuglant, filtré par un voilage, fait le tour des formes de Jeanne posant devant une fenêtre. L'ombre et la lumière s'opposent comme l'eau et le feu, pour ne se rejoindre sur les méandres du corps que suturés en zig zag par un fil pourpre.

Il y a chez Manguin toutes les libertés, toutes les audaces : des corps dont les proportions se tendent et se plient, des contours osseux qui se mêlent à une délicatesse potelée. La peinture, de matière épaisse, se fluidifie jusqu'à devenir presque imperceptible et se dissoudre dans la trame des fils de la toile. Les aiguilles des pins ondulent dans le vent dans un mouvement d'océan tandis que les fleurs d'un amandier se fondent dans le ciel. Pour peindre la douceur éthérée d'une baigneuse assise sur un rocher, le peintre réduit sa palette, écarte tout détail superflu. Le tableau s'écarte de la dialectique clarté/obscurité, il est sculpté par une circulation de lumière où les éléments se reflètent les uns les autres. Le rocher, l'eau, la végétation entrent dans un jeu complexe et subtil de réflexions bleues et vertes, projetant leurs couleurs sur le corps et la robe blanche de la baigneuse, en en faisant une toile dans la toile. C'est ici que le regard d'Henri Manguin de l'autoportrait du début de l'exposition prend son sens.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Marina Ferretti, directeur scientifique du musée des impressionnismes Giverny



Henri Manguin, désigné par Guillaume Apollinaire comme « le peintre voluptueux », rend hommage au bonheur de vivre à travers des thèmes arcadiens, des nus, des paysages méditerranéens, des scènes de la vie de famille et des natures mortes. Dès ses années de formation, où l’enseignement de Gustave Moreau accompagne les premières expériences impressionnistes, l’artiste fut fidèle en effet à l’expression d’une sensualité heureuse.

Au musée des impressionnismes Giverny, l’exposition Manguin, la volupté de la couleur compte environ quatre-vingt-dix oeuvres qui retracent la carrière de cet ami d’Henri Matisse. L’accent y sera mis sur la période où Manguin, qui a témoigné d’emblée d’un talent et d’une inventivité rares dans ses harmonies chromatiques, accompagne – et parfois précède – les audaces des peintres fauves avec lesquels il expose au Salon d'automne de 1905.

Né à Paris en 1874, Henri Manguin choisit dès 1889 de suivre sa vocation artistique et de s'inscrire aux leçons de dessin puis aux cours de peinture de l’École des arts décoratifs. Il y reste quatre ans, de 1890 à 1894, et il y fait la connaissance d’Albert Marquet et de Georges Rouault. En 1892, il y rencontre également Henri Matisse qui assiste au cours du soir de dessin. Reçu au concours d’entrée de l’École des beaux -arts en novembre 1894, Manguin entre à l’atelier de Gustave Moreau où il retrouve ses amis Rouault, Marquet et Matisse. Il s’y lie aussi d’amitié avec Raoul de Mathan, Louis Valtat et Charles Camoin. Membre de l’Institut, leur professeur leur accorde néanmoins une grande liberté et ils apprécient sa tolérance. Quelques années plus tard, ils participent à la naissance du fauvisme avec, entre autres, André Derain, Maurice de Vlaminck et Raoul Dufy.





Parcours de l’exposition


1. L’atelier de la rue Boursault : 1898-1904


Au début de sa carrière, Manguin habite le 18e arrondissement. Il découvre les galeries de la rue Laffitte, notamment celle de Paul Durand-Ruel, marchand des impressionnistes. Il fréquente également la galerie d’Ambroise Vollard qui inaugure en 1895 ses nouveaux locaux en y accrochant des tableaux de Vincent van Gogh, avant d’ouvrir une exposition consacrée à Paul Cézanne. L’intérêt de Manguin pour la peinture contemporaine, celle des impressionnistes et des nabis particulièrement, apparaîtra dans les œuvres peintes en 1901 et en 1902.

Quand Gustave Moreau meurt en 1898, Manguin quitte l’École des beaux-arts. Il s’installe en 1899 au 61 de la rue Boursault dans le quartier des Batignolles avec Jeanne Carette, qu’il vient d’épouser et qui devient son modèle d’élection. Il fait installer dans son jardin un atelier démontable, où se retrouvent les anciens élèves de l’atelier Moreau qui y font poser des modèles en partageant les frais.

Très tôt, Manguin fait preuve d'un talent et d'une liberté rares dans l’organisation chromatique de ses compositions, une originalité qui se manifeste dès 1900 avec Jeanne à la rose (collection particulière) ainsi que dans ses premières natures mortes. Cette particularité se confirme avec La Petite Italienne (1903, Suisse, collection particulière), La Femme au Carrick, Jeanne (1903-1904, Suisse, collection particulière) et Devant la fenêtre, rue Boursault (1904, collection particulière).

En 1901, Manguin est admis au Salon officiel. Dès l’année suivante, il expose au Salon des artistes indépendants puis au Salon d’automne, dont il devient sociétaire en 1904. À l’occasion de l'exposition des Indépendants de 1903, le critique Roger Marx remarque d’emblée que « la méditation des vieux maîtres, préconisée par Gustave Moreau, ainsi que les ouvrages de M. Cézanne, ont suggéré aux dernières générations l’amour de la forte peinture, la passion du ton riche, éclatant, posé sur la toile par larges aplats » (Roger Marx, « Le Salon des artistes indépendants », La Chronique des arts et de la curiosité, 28 mars 1903).


2. Les années fauves : 1904-1905

En octobre 1904, Manguin séjourne pour la première fois à Saint-Tropez où il loue La Ramade, la maison que Matisse vient de quitter après y avoir passé l’été. Elle est voisine de La Hune, la villa de Paul Signac, et les deux artistes épris de couleur sympathisent. Aussitôt arrivé, Manguin écrit à son ami Marquet : « La propriété où nous sommes dépasse tout ce que tu peux imaginer. Saint-Tropez a l’air très beau. […] Je suis enthousiasmé. C’est le rêve » (Henri Manguin à Albert Marquet, Saint-Tropez, 4 octobre 1904, Archives Jean-Pierre Manguin). Euphorique, il peint en une quinzaine de jours plusieurs aquarelles et il entreprend dix tableaux, notamment Saint-Tropez, le coucher de soleil (1904, collection particulière) qui célèbre la sérénité d’une Méditerranée encore vierge de touristes. Dans ce contexte, les oeuvres montent en couleur et reflètent son éblouissement. Flamboyants, ses tableaux, essentiellement des nus et des paysages arcadiens, disent son exaltation.

L’exploration des tons purs se poursuit au cours de l’hiver à Paris où Manguin peint Les Gravures (1905, Madrid, collection Carmen Thyssen-Bornemisza en dépôt au Museo Thyssen-Bornemisza) et La Coiffure (1904-1905, collection Couturat). Il travaille aussi en compagnie de Matisse, de Marquet et de Jean Puy à un Nu dans l’atelier (1904-1905, collection particulière) qui entre dans la collection de Leo Stein, comme Étude de femme couchée (1905, collection particulière). Dès lors, les séjours de Manguin sur les bords de la Méditerranée se multiplient. L’été 1905, le peintre retrouve Saint-Tropez où il loue la villa Demière. Il écrit à Matisse : « Suis enthousiasmé du pays et surtout de l’endroit où nous sommes. C’est absolument admirable » (Henri Manguin à Henri Matisse, Saint- Tropez, 9 juin 1905, Archives Jean-Pierre Manguin). Manguin voit non seulement Signac mais aussi les peintres néo-impressionnistes Henri-Edmond Cross et Théo van Rysselberghe. Le 21 septembre, il écrit à Matisse : « Le Midi m’a été, je crois, d’un bon enseignement et [je] reviens sinon content de moi du moins avec une impression de grande beauté et la compréhension de beaucoup de choses jusqu’alors inconnues » (Henri Manguin à Henri Matisse, Saint-Tropez, 21 septembre 1905, Archives Jean-Pierre Manguin).

Le 18 octobre 1905, le Salon d’automne ouvre ses portes. Les anciens de l’atelier Moreau y ont réuni leurs oeuvres dans la salle VII. Manguin y présente cinq tableaux peints au cours de l’été : Les Grands Chêneslièges, Villa Demière (1905, collection particulière), Le Pré, Villa Demière (1905, collection particulière), Jeanne sur le balcon de la Villa Demière (1905, collection particulière), La Sieste ou Le Rocking-chair, Jeanne (1905, collection particulière, Winterthour, Villa Flora) et Nu sous les arbres, Jeanne (1905, Kunststiftung Pauline, collection particulière). Tous célèbrent, avec une maîtrise et une liberté chromatiques rares, la nature et la lumière du Midi. Comme Roger Marx, le critique Louis Vauxcelles a déjà remarqué les affinités qui les unissent. Après avoir commenté chaque exposant de la salle VII, il conclut dans un article du Gil Blas daté du 26 octobre : “M. Manguin : progrès énorme ; indépendant sorti de ses pochades et qui marche résolument vers le grand tableau. Trop de relents de Cézanne encore ; mais la griffe d’une puissante personnalité, toutefois. […] Au centre de la salle, un torse d’enfant et un petit buste en marbre, d’Albert Marque, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l’orgie de tons purs : Donatello chez les fauves.”

Le mot est lancé, et le fauvisme est né. Si une partie de la critique crie au scandale, toutes les œuvres présentées par Manguin sont vendues, car elles ont retenu l’attention des amateurs les plus avertis. Celle du peintre et écrivain André Rouveyre, rencontré dans l’atelier Moreau, mais aussi celle des marchands Eugène Druet et Ambroise Vollard, qui lui achètera cent quarante-deux toiles l’année suivante. C’est le début du succès pour l’artiste qui a alors trente-et-un ans.


3. Arcadies : 1906-1914

L’été 1906, Cavalière inspire à Manguin une série de paysages qui confirment ses qualités de coloriste : Les Roches rouges, Cavalière (1906, collection particulière), La Pinède à Cavalière (1906, collection particulière) ou Jeanne à l’ombrelle, Cavalière (1906, Peter Findlay Gallery). Souvent, Jeanne pose, nue ou simplement drapée, dans l’Éden méditerranéen. Le peintre retrouve avec bonheur Saint- Tropez et la villa Demière en 1907 et en 1908. Une évolution s’amorce avec Le Golfe de Saint-Tropez (1907, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne), où le souvenir de Cézanne, décédé l’année précédente, réapparaît. Dès 1908, l’art de Manguin évolue et, comme chez la plupart de ses amis fauves, la ligne reprend ses droits. Le peintre reste cependant fidèle aux qualités qui l’ont rendu célèbre : la simplicité des formes et l’éclat des accords chromatiques qui déterminent l’organisation de ses compositions. Il ne renonce ni aux tons purs ni aux accords sonores des années fauves. Il peint de somptueuses natures mortes ainsi que des portraits mesurés de Jeanne et de leurs enfants, comme Claude en rouge lisant (1909, collection particulière) ou Nature morte aux faisans bleus (1909, Suisse, collection particulière). La composition équilibrée de ses paysages médités et harmonieux se réfère à Cézanne et à la tradition classique (Les Aloès en fleurs à Cassis, 1913, collection particulière).

Contraint de déménager quand la Ville de Paris rachète d’autorité les terrains de la rue Boursault, Manguin habite à partir de 1909 à Neuilly, où il réinstalle son atelier démontable. Il voit souvent Félix Vallotton, qui l’accueille à Honfleur où il séjourne en 1909 et 1910. Les expositions se multiplient, en France comme à l’étranger. Très présent sur la scène artistique internationale, Manguin participe au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles en 1906, puis à la grande exposition itinérante Französischer Künstler, qui présente l’art français en Allemagne. On le voit aussi aux Salons de la Toison d’or à Moscou en 1908 et 1909, ainsi qu’à l’importante exposition organisée à Londres par Roger Fry en 1910, Manet and the Post-Impressionists, sans oublier l’Armory Show de New York en 1913. À Paris, il est fidèle aux Indépendants et au Salon d’automne. Les galeries Berthe Weill et Vollard ne sont plus les seules à exposer ses oeuvres, qui figurent également chez Bernheim-Jeune. Une première exposition personnelle est organisée en 1910 par Eugène Druet, qui renouvelle l’expérience en 1913. Le cercle des amateurs s’élargit lui aussi, avec les collectionneurs russes Ivan Morozov et Sergueï Chtchoukine. En 1910, Félix Vallotton lui présente Arthur et Hedy Hahnloser, véritables ambassadeurs de l’art français en Suisse. Dès lors, ils commandent à Manguin le portrait de leurs enfants, collectionnent ses oeuvres et l’accueillent souvent à la Villa Flora à Winterthour. Pour remercier ses mécènes, Manguin offre La Reine des poupées (1910, collection particulière) aux enfants Hans et Lisa Hahnloser. Les Manguin découvrent avec bonheur les paysages de la Suisse, où de grands amateurs d’art, tel Hans E. Bühler, le soutiennent. Quand la guerre éclate en août 1914, nombreux parmi ses amis sont mobilisés. Réformé, Manguin accepte la proposition de Paul Vallotton, qui lui suggère de mettre sa famille à l’abri du conflit, et il s’installe à Lausanne.


4.OEuvres sur papier

D’emblée, Henri Manguin a accordé une importance particulière aux arts graphiques qu’il pratique dès son plus jeune âge. Rappelons qu’il a quinze ans quand il choisit de s’inscrire aux cours de dessin de l’École des arts décoratifs où, sa vocation artistique confirmée, il s’inscrit dès l’année suivante, en 1890. Il y reçoit une formation solide, fondée sur la pratique intensive du dessin, d’après modèle vivant ou d’après moulage. Cet enseignement lui ouvre en 1894 les portes de l’École des beaux-arts, où il entre dans l’atelier du peintre symboliste Gustave Moreau, lui même très grand dessinateur et remarquable aquarelliste.

Comme le montrent les oeuvres graphiques présentées dans l’exposition, Manguin a multiplié les approches techniques : mine de plomb, fusain ou plume et encre de Chine pour le noir et blanc ; pastel et aquarelle pour la couleur. En octobre 1904, Manguin peint à Saint-Tropez plusieurs aquarelles, une technique où il fait preuve d’un talent certain. Les oeuvres aux sinuosités emportées qui courent avec souplesse sur la feuille blanche témoignent d’une liberté qui gagne bientôt les tableaux peints à l’huile. L’art tel que Signac et Cross le pratiquaient à l’eau, Manguin et Matisse ne tardent pas à l’appliquer à leurs toiles où la quête d’une harmonie idéale laisse le premier rôle à la recherche d’une puissante expressivité.

De la même manière, le dessin fauve s’affirme rapidement, comme en témoignent certains dessins présentés dans l’exposition, où l’on voit l’artiste renoncer délibérément aux séductions d’une maîtrise depuis longtemps acquise. L’équilibre de la composition et la beauté de la ligne laissent alors place à l’inachevé ainsi qu’à l’affirmation d’un trait irrégulier, parfois brutal.

« Je ne pense nullement que l’école dont les jeunes ont horreur soit si funeste. Tous y avons passé et nous ne nous en portons pas plus mal. Ce qu’il s’agit c’est d’en sortir ! Mais non de croire en être sorti parce que l’on n’y a jamais été » (Henri Manguin à Arthur et Hedy Hahnloser, Neuilly-sur-Seine, fin mars 1913, Archives Jean-Pierre Manguin).