contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Anne et Patrick Poirier” Vagabondages argentiques, 50 ans de bricolage photographique
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 6 septembre au 29 octobre 2017



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 5 septembre 2017.

2217_Poirier2217_Poirier2217_Poirier
Légendes de gauche à droite :
1/  Anne et Patrick Poirier, Série « Ostia Antica », 1970. 13x9,1 cm, pièce unique. Tirage argentique viré. Collection des artistes. © Anne et Patrick Poirier. Photo Jean-Christophe Lett. Adagp, Paris, 2017.
2/  Anne et Patrick Poirier, Ruins, Série « Fragility », 1996. 230x127 cm. Tirage argentique sous Diasec (Ed. 1/3). Courtesy Galerie Mitterrand, Paris. © Anne et Patrick Poirier. Photo Jean-Christophe Lett. Adagp, Paris, 2017.
3/  Anne et Patrick Poirier, Série « L’âme de Gradiva », 1997. 90x115 cm, tirage Ilfochrome (Ed. 1/5). Courtesy Galerie Mitterrand, Paris. © Anne et Patrick Poirier. Photo Jean-Christophe Lett. Adagp, Paris, 2017.

 


2217_Poirier audio
Interview de Anne et Patrick Poirier,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 septembre 2017, durée 14'27". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Laure Martin, Jean-Luc Monterosso et Laurie Hurwitz.



« Peut-être est-ce la souplesse ainsi que la rigueur de l’argentique qui nous intéressent dès nos débuts. Le fait également de manipuler une surface sensible, éphémère, fragile, qui peut réagir à beaucoup de “bricolages”. Nous aimons la “cuisine”, le hasard, l’expérimentation qui sont aussi à l’oeuvre dans nos autres moyens d’expression. Nous ne nous sommes jamais sentis “photographes”, mais plutôt “amateurs professionnels obstinés”… La photographie fait depuis toujours partie de ce que nous appelons “archéologie parallèle / architecture parallèle”. Nous restons fidèles, malgré nous, à nos expérimentations de toutes sortes, à ces techniques artisanales qui nous laissent totalement libres dans nos interprétations nées de nos imaginations communes et additionnées. Nous gardons un oeil attentif à la fragilité du monde et la photographie nous aide à en témoigner sous forme métaphorique. Cette exposition est une déambulation qui retrace cinquante ans de nos vagabondages argentiques, entre essais et techniques traditionnelles, pièces uniques et séries. » Anne et Patrick Poirier, janvier 2016

Anne et Patrick Poirier développent une oeuvre polymorphe dans laquelle la photographie occupe, dès leurs débuts en 1967, une place aussi centrale que méconnue, au même titre que la sculpture ou l’installation.

Une photographie de Nantes en ruines après le bombardement du 16 septembre 1943 qui emporta le père de Patrick, revient en leitmotiv dans les ouvrages qui leur sont consacrés. Elle révèle que l’oeuvre d’Anne — née à Marseille en 1941 — et de Patrick — né à Nantes en 1942 —, s’ancre dans la tragédie de la Seconde Guerre mondiale et donne une clé de lecture essentielle à la compréhension de leur travail, leur conscience aigüe et intime de la fragilité de toute chose.

Adolescent, Patrick s’essaye à la photographie avec le Kodak 6x4 de sa mère avant d’acheter, en 1963, son premier Reflex alors que tous les deux sont étudiants à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris. Dès leurs premiers voyages, pérégrinations aux allures d’errances, fascinés par Victor Segalen et les images de ses installations improbables pour photographier la statuaire chinoise, ils explorent la photographie, qu’ils ne cesseront d’utiliser comme médium à part entière.

À l’instar de leurs maquettes de sites archéologiques, carnets ou herbiers, les photographies d’Anne et Patrick Poirier soulignent la fragilité de la mémoire et la nécessité d’en témoigner. À la fin des années 1960, durant leur séjour à la Villa Médicis, ils expérimentent, produisant des photogrammes de crânes, de fleurs ou de verres brisés qui évoquent des vanités. Pendant leur long séjour romain, ils créent également, souvent avec des appareils chinés, des séries telles qu’Ostia antica (1970), reportage fictionnel sur une campagne de fouille dans la nécropole de la ville, ou Paysages révolus, Selinunte (1973-74), regard humoristique sur les dérives du tourisme de masse. En parallèle, avec la conception de leurs grandes maquettes Domus aurea et la série photographique éponyme, ils créent leurs premières compositions monumentales, Les jardins noirs (1976-77), auxquelles le contraste entre le vert gorgé de vie des végétaux et le noir du fond en charbon de bois confère une dimension dramatique.

Dans la série Stigmates (1977-78), réalisée à Berlin, leurs photographies de bâtiments en ruine, d’impacts de balles sur les murs, fixent les traces d’une tragédie dont on est en train d’effacer la mémoire à coups de bulldozer. Les carnets de fouilles de l’archéologue des années 1990, mêlent photographies, notes, croquis et empreintes, relevés de fouilles fictives.

Leur approche onirique du patrimoine à l’oeuvre dans Roma Memoria Mundi (1988), prend un caractère tragiquement prémonitoire dans Palmyre (1992) ou Villes Mortes, Syrie (1992), images de vestiges architecturaux rehaussés à l’aniline qui leur donnent un aspect surnaturel.

Leur travail photographique prend un nouveau tournant à l’occasion de leur résidence au Getty Research Institute à Los Angeles en 1994-1995. À partir de clichés faits avec leur nouvelle chambre photographique 20x25, ils exploitent toutes les ressources des dernières techniques mises à leur disposition.

Reprenant leur invention de tatouage de pétales de rose de 1978 (Villa Adriana), ils développent sous le nom de Fragility plusieurs séries métaphoriques utilisant pétales et feuilles « torturées » avec épine, aiguille, crayon… Ces fleurs scarifiées fraîches ou fanées surgissent encore dans les séries Siècle Infernal (1996), Incisions (1996), L’âme de Gradiva (1997) - dont le titre s’inspire du roman de Wilhelm Jensen qui a pour personnage central un archéologue hanté par l’évanescente image d’une femme. Dans Natures mortes (1996), ils composent de somptueuses vanités, dominées par un rouge théâtral et charnel, couleur du sang et de la douleur.

Depuis quelques années, avec la complicité de Choi, le célèbre tireur, ils continuent d’inventer. Dans la série Archives, ils créent des photogrammes en plaçant les fleurs directement entre deux plaques de verre, créant ainsi de majestueuses compositions de végétaux tatoués et superposés auxquels sont parfois mêlés d’autres photographies et des textes.

L’appropriation photographique s’inscrit dans leur démarche dès leurs premiers travaux, comme en témoigne Les valises (1968-69), avec l’utilisation de photographies trouvées ou de dépliants touristiques. Elle se poursuit aujourd’hui avec la série Tapis, réalisée à partir d’images du centre historique d’Alep ou de Hatra (2016) sélectionnées sur Google Earth. Confectionnés avec des matériaux fragiles (soie, laine, fibre de bambou), selon un savoir-faire tibétain ancestral, ils évoquent le martyre de ces villes désormais dévastées.

Au fil des ans et de leurs expérimentations, Anne et Patrick n’ont cessé de développer un corpus d’oeuvres, explorant sans a priori et sans limite les possibilités du medium photographique. Cette exposition, qui réunit près de 200 tirages en propose la première rétrospective.