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“Monet collectionneur” Chefs-d’oeuvre de sa collection privée
au musée Marmottan Monet, Paris

du 14 septembre 2017 au 14 janvier 2018



www.marmottan.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 septembre 2017.

2225_Monet-collectionneur2225_Monet-collectionneur2225_Monet-collectionneurLégendes de gauche à droite :
1/  Paul Cézanne, Le Nègre Scipion, 1866-1868. Huile sur toile,107 x 83 cm. São Paulo, Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand. Don Henryk Spitzman-Jordan, Drault Ernanny de Mello e Silva, Pedro Luiz Correia e Castro et Rui de Almeida, 1950. © João Musa.
2/  Pierre-Auguste Renoir, Madame Monet et son fils, 1874. Huile sur toile, 50,4 x 68 cm. © Washington, National Gallery of Art, collection Ailsa Mellon Bruce. © Courtesy National Gallery of Art, Washington.
3/  Édouard Manet, Monet peignant dans son atelier, 1874. Huile sur toile, 106,5 x 135 cm. Stuttgart, Staatsgalerie. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image Staatsgalerie Stuttgart.

 


2225_Monet-collectionneur audio
Interview de Marianne Mathieu, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 septembre 2017, durée 8'56". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Marianne Mathieu, Adjointe au directeur, Chargée des collections du musée Marmottan Monet
Dominique Lobstein, Historien de l’art




« Vous vous étonnez de ne voir chez moi que ma peinture et mes estampes japonaises ? … et pourtant, j’ai aussi ma collection. […] Seulement, je suis un égoïste. Ma collection est pour moi seul… et pour quelques amis. […] Venez la voir » Marc Elder, A Giverny, chez Claude Monet, Paris, Bernheim-Jeune, 1924, p.70.

Claude Monet, le plus célèbre des impressionnistes, fut aussi le plus secret des collectionneurs. À l’exception de ses estampes japonaises, on ignore les chefs-d’oeuvre qu’il a réunis tout au long de sa vie. Ils constituent pourtant le panthéon artistique et sentimental du maître de Giverny. Pour la première fois, le musée Marmottan Monet lève le voile sur cette passion privée et organise, du 14 septembre 2017 au 14 janvier 2018, une exposition inédite intitulée « Monet collectionneur ».

Légataire universel du fils du peintre, dépositaire du premier fonds mondial d’oeuvres de Claude Monet ainsi que de certaines oeuvres de ses amis, le musée Marmottan Monet a entrepris de reconstituer la collection personnelle du chef de file de l’impressionnisme. En partie dispersée à sa mort et tombée depuis dans l’oubli, il aura fallu mener une étude approfondie – digne d’une enquête policière – pour reconstituer cet ensemble disparu et établir la date et les circonstances dans lesquelles peintures, dessins, sculptures entrèrent à Giverny.

L’exposition présente une centaine d’oeuvres provenant du musée Marmottan Monet, mais aussi des États-Unis, d’Amérique latine, du Japon et d’Europe. Le Moma, le Metropolitan Museum de New York, la National Gallery of Art de Washington, les musées de Houston, de San Francisco, de Saint-Louis, de São Paulo, le Musée national d’art occidental et le Sompo Museum à Tokyo, la Staatsgalerie à Stuttgart, le musée de Langmatt à Baden, le musée d’Orsay et le musée Rodin à Paris ainsi que plusieurs collections particulières ont prêté certains de leurs fleurons. On retrouve Delacroix, Corot, Boudin, Jongkind, Manet, Renoir, Caillebotte, Cézanne, Morisot, Pissarro, Rodin, Signac et Toulouse-Lautrec. Au-delà de ses grands noms, Monet nous fait découvrir d’autres talents : Paul Baudry, Carolus-Duran, Jules Chéret, Henri Fantin-Latour, Jean-Louis Forain, Constantin Guys, Jean-Jacques Henner, Charles Lhullier, Georges Manzana et Lucien Pissarro (deux des fils de Camille Pissarro) et Gilbert de Séverac.

Le parcours retrace l’histoire inconnue de la collection et les différentes phases de sa constitution. Durant sa jeunesse, Monet, sans le sou, ne peut acquérir d’oeuvre d’art. Les peintures qu’il réunit sont avant tout des cadeaux : des portraits de lui et de sa première épouse, Camille peints par ses proches durant leurs années de compagnonnage. Une imposante toile de Manet représentant le couple dans le bateau-atelier connu sous le titre Monet peignant dans son atelier (Staatsgalerie, Stuttgart) est au coeur de cette section qui compte de nombreuses toiles de Renoir dont Madame Monet et son fils (National Gallery of Art, Washington). Vient ensuite le temps des échanges et de la reconnaissance mutuelle.

À Rodin, Monet offre une toile de Belle-Île-en-Mer contre un bronze : Jeune mère à la grotte (Musée Marmottan Monet, Paris). Le peintre possède également deux plâtres dont Bacchantes s’enlaçant dédicacée sur la base : « Au grand maître C. Monet, son ami Rodin » (collection particulière), l’une des découvertes de l’exposition, présentée pour la première fois au public. Dans cette section, sont également montrées les oeuvres de Caillebotte et de Berthe Morisot. Si certaines sont offertes par leur auteur de leur vivant au maître d’autres tels Chrysanthèmes de Caillebotte (Musée Marmottan Monet, Paris) et Julie et Laërte de Berthe Morisot (Musée Marmottan Monet, Paris) sont reçues par le peintre en souvenir de ses amis défunts. Dorénavant Monet porte le plus grand intérêt aux oeuvres qui enrichissent sa collection. Il les sélectionne avec attention. C’est le cas de Paysannes plantant des rames (Sheffield, Museums Sheffield, prêt d’une collection particulière) de Pissarro que son auteur destinait aux musées nationaux et que Monet choisit en remerciement de l’aide apportée à son ami pour l’achat de sa maison.

À partir des années 1890, la situation financière de Monet s’améliore. L’artiste achète de nombreuses oeuvres d’art. C’est le moment où il acquiert des souvenirs de ses prédécesseurs : aquarelles, pastels, dessins et peintures parmi lesquelles il faut citer Corot Ariccia, Palais Chigi (Musée Langmatt, Langmatt Foundation Sidney and Jenny Brown, Baden, Suisse) et Rue en Avignon de Jongkind (Musée Marmottan Monet, Paris). Monet se fournit auprès des marchands de Renoir et de Cézanne qui sont les deux artistes les mieux représentés de sa collection. Il débourse d’importantes sommes pour Jeune fille au bain (Metroplitan Museum of Art, New York) et Mosquée. Fête arabe (musée d’Orsay, Paris) de Renoir. Parmi les nombreux Cézanne qu’il emporte, citons l’un de ses plus grands chefs-d’oeuvre : Le Nègre Scipion (Museu de Arte, São Paulo) exceptionnellement prêté pour l’exposition.

À partir de 1892, Monet acquiert également plusieurs portraits de la famille de sa seconde épouse, Alice Hoschedé. Les effigies de sa femme, de ses beaux-enfants et de leur père, Ernest Hoschedé leurs sont offerts. Un portrait de son beau-fils Jacques Hoschedé enfant peint par Manet en 1876 et intitulé Garçon dans les fleurs (Musée national d’art occidental, Tokyo), est quant à lui au coeur d’une bataille judiciaire qui déchire la famille au lendemain de la mort d’Alice et révèle un aspect tout à fait inconnu de la vie de Monet.

Une large sélection d’estampes japonaises provenant de la maison de Giverny rend hommage à l’aspect le mieux connu de la collection de Claude Monet. Considérée comme ayant peu de valeur à la mort du peintre comme c’est aussi le cas des Nymphéas exposés dans leur continuité, ces oeuvres restent dans la demeure du peintre pendant de nombreuses années tandis que les Corot, Cézanne, Manet et autre Renoir sont vendus à grand prix par le fils du peintre, Michel, dès 1927. Pour la première fois depuis lors, la collection dispersée de Claude Monet renait en son musée, le musée Marmottan Monet.





Parcours de l’exposition :

En 1966, les collections du musée Marmottan Monet, grâce au legs de Michel Monet, seul descendant du peintre Claude Monet, se sont enrichies de nombreuses oeuvres d’autres artistes qui avaient appartenu à son père qui les conservait dans sa chambre de Giverny. Réunies tout au long de son existence, ces peintures, ces dessins et quelques sculptures sont le reflet d’une carrière qui s’est affirmée peu à peu, ce que dévoilera le parcours de cette exposition. Aux cadeaux entre artistes, où les portraits tiennent une place majeure, qu’il est possible de repérer durant les années 1859-1889, font suite au début de la décennie 1890, des échanges et les premiers achats. Plutôt modestes, ces achats sont réalisés lors de dispersions en vente publique de collections célèbres ou auprès de marchands parisiens. A partir de 1895, ils vont largement dominer. Monet n’hésite plus désormais à dépenser des sommes importantes – et à payer en plusieurs fois – les tableaux de ses amis Cézanne ou Renoir. Dispersée à la mort du peintre, une grande partie de cette collection est à nouveau réunie dans cette exposition.


Les prémices d’une collection. Les années de compagnonnage
En 1859, Claude Monet quitte le Havre pour Paris afin d’y parfaire sa formation de peintre. Il mène une vie de bohème qu’il partage bientôt avec le modèle Camille Doncieux dont il aura deux fils : Jean en 1867 et Michel en 1878. Durant ces premières années, Monet et les siens posent régulièrement pour leurs amis artistes. Charles Lhullier, Gilbert de Séverac, Carolus Duran sont les premiers à les immortaliser. Manet et Renoir prennent le relai et représentent Claude, Camille et le petit Jean à Argenteuil où ils résident de 1871 à 1875. Certains de ces tableaux sont offerts à Monet. Témoignages d’amitié et des années de compagnonnage, ces « portraits de famille » constituent le noyau dur de la collection personnelle de Claude Monet et des souvenirs dont l’artiste ne se séparera jamais.


Quand les cadeaux dominent … Gustave Caillebotte
Monet et Caillebotte furent, très tôt, intimement liés et ce dernier soutint son confrère dès 1876 en lui achetant une première peinture. A sa mort, en 1894, ce ne sont pas moins de seize peintures de Monet qu’il souhaita léguer à l’Etat. Monet a possédé trois peintures de Caillebotte. Si les documents prouvent que Chrysanthèmes blancs et jaunes, jardin du Petit Gennevilliers lui fut offert par la famille du peintre après sa disparition, l’histoire de l’entrée des deux autres peintures demeure incertaine. Il semble néanmoins possible d’affirmer que l’esquisse du tableau Rue de Paris ; temps de pluie, lui a été offerte par Caillebotte pour le remercier de sa participation à la quatrième expositio impressionniste de 1879. Quant à la Leçon de piano, sujet exceptionnel chez Caillebotte et tableau singulier dans la collection de Monet, entre scène de genre et portrait, rien ne permet de savoir à quelle date elle lui fut offerte ni, surtout, à quelle occasion et pour quelle raison.


Quand les cadeaux dominent … Berthe Morisot
Berthe Morisot et Monet ont entretenu des liens étroits et une admiration mutuelle et sincère. Monet le premier propose à sa collègue de lui offrir une oeuvre. Il s’agit d’un panneau décoratif qu’il conçoit spécialement pour orner le salon de la résidence que son amie achève de faire construire à Paris, rue de Villejust (actuelle rue Paul Valéry). Intitulé Les villas à Bordighera, la toile est livrée en novembre 1884. Quelques années plus tard, Monet émet le souhait de réunir à Giverny des oeuvres de Morisot. Cette dernière lui offre en juin 1892, un délicat pastel Fillette au panier que Monet expose aussitôt dans sa chambre à coucher. Après le décès de Berthe en 1895, il choisit en souvenir un portrait de la fille de son amie : Julie Manet posant avec sa levrette. Julie et Laërte entre ainsi dans la collection Monet en 1896 pour ne jamais en ressortir.


Quand les cadeaux dominent … Camille Pissarro
En 1892, Camille Pissarro et sa femme Julie sollicitent Monet pour un prêt de 15 000 francs afin d’acquérir la maison qu’ils occupent depuis plusieurs années à Eragny. Monet dont les moyens se sont considérablement accrus au début des années 1890, accepte d’aider cet ami de longue date. Il émet immédiatement le souhait qu’une part de l’emprunt soit remboursée en oeuvre d’art. Monet a arrêté son choix sur un tableau précis : Paysannes plantant des rames que Pissarro venait d’offrir à son épouse. Monet insiste pour posséder cette toile considérée par la critique comme l’une des meilleurs oeuvres récentes de Pissarro. Ce dernier finit par convaincre son épouse de céder l’oeuvre à Monet. Le couple – qui remboursera intégralement Monet – lui offre le tableau en remerciement de son aide, en juillet 1892. En visite à Giverny, le 24 août 1892, Pissarro offre à son ami deux tirages récents de ses estampes qu’il dédicace « A mon vieil ami C. Monet ». C’est sans doute en réponse que Monet donne un de ses dessins de jeunesse à son camarade.


Quand les cadeaux dominent … Auguste Rodin
Monet comme Rodin étaient des artistes célèbres lorsque le galeriste Georges Petit les réunit dans sa galerie, en juin 1889, pour une manifestation inhabituelle réunissant les peintures de l’un et les sculptures de l’autre. C’est probablement durant la préparation de cette exposition ou à sa suite que Rodin offrit trois de ses oeuvres à Monet. La première, en mai 1888, était un bronze, Jeune mère à la grotte, dont l’origine est à chercher dans une commande de 1886 du collectionneur Maurice Fenaille. Ce cadeau semble avoir suscité, en retour, le don par Monet d’une des trente-neuf vues de Belle-Île-en-Mer qu’il avait peintes en 1886. Plus tard, la collection de Monet s’est augmentée de deux épreuves en plâtre d’oeuvres de Rodin, le Jupiter taureau modelé vers 1883-1885 dont le premier exemplaire avait appartenu à Edmond de Goncourt, et Bacchantes s’enlaçant, gravée d’une dédicace du sculpteur « au grand maître », datable avant 1887, dont un autre exemplaire appartint à Georges Clemenceau.


Monet et les maîtres, premières acquisitions … Eugène Boudin … Johan Barthold Jongkind
La première évocation, par Monet, de son désir de réunir une collection apparaît dans une lettre qu’il adresse le 20 février 1860 à son ami et maître Eugène Boudin de qui il sollicite une « pochade ». A plusieurs reprises, plus tard, et probablement grâce à des achats et à des dons, il fera entrer plusieurs pastels et dessins ainsi que trois peintures de son aîné dans sa collection. Boudin ne sera pas le seul « ancien » à susciter son envie et, au gré des ventes publiques, Monet réussira à acquérir deux aquarelles et un dessin d’Eugène Delacroix lors de la vente Victor Chocquet de 1899, une peinture de Camille Corot à la vente du comte Doria de 1899, ainsi que quatre oeuvres de Johan Barthold Jongkind lors de sa vente après décès, en 1891. C’est par contre à une date et dans des circonstances inconnues que la collection s’enrichit d’un portrait probable de Richard Wagner que les documents attribuèrent à Renoir puis à l’Ecole française du 19e siècle et que nous proposons d’attribuer à Henri Fantin-Latour.


Entre cadeaux et acquisitions … la vie parisienne
Peintre de paysage, Monet n’en fut pas moins sensible à la représentation figurée et tout un pan de sa collection chante les charmes féminins tels qu’on les apprécia du second Empire à la Belle Epoque. À cet ensemble appartient en particulier un lot de dessins, acquis à une date inconnue, de Constantin Guys, le « peintre de la vie moderne », selon Baudelaire, mettant en scène le demi-monde parisien du second Empire. À ces feuilles traitées au lavis d’encre noire s’oppose la pétulante représentation d’Yvette Guilbert dans un dessin offert vers 1894 par Jules Chéret, préparatoire à l’affiche annonçant son spectacle de 1891 au Concert parisien. Si l’affiche, offerte à Monet en 1894, que Toulouse-Lautrec consacra à la « diseuse » lors de son passage au Divan japonais en 1893-1894 a disparu, une lithographie ayant appartenu à son fils rappelle les rapports de son père et du peintre fin de siècle qui immortalisa Montmartre et ses célébrités.


Les grandes acquisitions … Pierre-Auguste Renoir
À partir des années 1890, Monet jouit de revenus importants. Il a dorénavant les moyens d’acquérir des oeuvres d’art. C’est à cette période qu’il constitue une partie importante de sa collection personnelle dont il sélectionne chaque pièce avec soin. Renoir est l’un des artistes qu’il achète le plus. Entre 1892 et 1906, il réunit ainsi cinq oeuvres importantes, exceptionnellement présentées dans l’exposition. Bien que les deux artistes soient des amis proches, Monet refuse de se fournir chez Renoir. Il préfère s’adresser aux marchands parisiens et n’hésite pas à débourser des sommes importantes versant jusqu’à 10 000 francs pour Mosquée. Fête arabe. Très réputées, ces oeuvres sont régulièrement demandées en prêts au maître de Giverny. Les « Renoir de Monet » figurent ainsi dans d’importantes expositions organisées du vivant de leur propriétaire et contribuent à forger la renommée de sa collection privée.


Les grandes acquisitions … Paul Cézanne
Sans être intimes, Monet et Cézanne furent proches à certains moments de leur existence, dans la mesure où il était possible d’entretenir une relation suivie avec l’inconstant et atrabilaire aixois. Néanmoins, même sans le fréquenter, Monet ne cessa de s’intéresser aux créations de son confrère et oeuvra toute sa vie à réunir une collection exemplaire de son oeuvre dans laquelle allaient figurer des exemples de toutes ses périodes de création et de la plupart de ses sujets. La première peinture de Cézanne à rejoindre ses collections arrive au début des années 1870. Il attend ensuite vingt ans pour acheter une autre oeuvre, par l’intermédiaire de son ami le peintre Paul Helleu, lors de la vente à la galerie Georges Petit de la collection du critique Théodore Duret, en 1894. Il ne cessera plus, ensuite, d’accroître sa collection grâce au marchand Ambroise Vollard, lui achetant régulièrement des tableaux à partir de 1895 et jusqu’en 1906, et en commençant par le Nègre Scipion.


Des tableaux pour dire « je t’aime » … portraits de la famille Hoschedé
Marthe, Suzanne, Jacques, Germaine, Blanche et Jean-Pierre, sont les six enfants nés du premier mariage d’Alice avec Ernest Hoschedé. Dans les années 1870, ce collectionneur notoire commande aux portraitistes les plus en vogue, les effigies de sa famille. Ces oeuvres sont dispersées après qu’il ait fait faillite en 1878. Après avoir épousé Alice en 1892, Monet met un point d’honneur à racheter certaines de ces oeuvres pour les offrir à sa femme ou à ses beaux enfants. Le galeriste Paul Durand-Ruel est l’intermédiaire unique pour ces acquisitions dont les prix oscillent entre 350 francs et 3 000 francs. Dans ce cadre précis, peu importent le prix ou la signature, seuls comptent le modèle et les souvenirs que les oeuvres véhiculent.


La collection Monet en questions
En 1940, les archives notariales des Andelys sont bombardées. Avec elles disparaît l’unique liste exhaustive de la collection personnelle de Claude Monet établie dans le cadre de son inventaire après décès. Puisqu’aucun document ne permet plus d’attester du contenu précis de la « collection Monet », il a fallu reconstituer cet ensemble dispersé au fil des ans. Pour mener cette enquête, témoignages d’époques (interviews de Monet, mémoires publiées par ses proches) et documents d’archives ont été répertoriés et confrontés. Cette méthode a permis d’exclure certaines oeuvres comme Nature Morte, pot à lait et fruits, un chef-d’œuvre de Cézanne que l’on donnait depuis plusieurs décennies à Monet. Des sources notariales, ont par ailleurs mis en lumière la singulière histoire de Garçon dans les fleurs de Manet au coeur d’une bataille judiciaire opposant le peintre à son beau-fils, Jacques Hoschedé.


Dernières oeuvres entrées à Giverny … Paul Signac
Après 1900, Monet qui ouvre volontiers son atelier de Giverny aux jeunes artistes désireux de recevoir ses conseils, et qui peut désormais jouer le rôle de mécène, achète ou accepte plusieurs de leurs oeuvres. Parmi ces jeunes visiteurs réguliers de Giverny, l’un des plus assidus est le jeune Paul Signac qui fut l’un des pionniers de l’aventure néo-impressionniste à la fin des années 1880. Ce membre illustre et désormais célèbre de la jeune génération qui n’hésita jamais à multiplier les déclarations affirmant sa dette envers le patriarche de Giverny, est le mieux représenté dans la collection. Monet va posséder plusieurs de ses aquarelles dont quatre demeurent encore dans les collections du musée Marmottan Monet, vues de divers sites pittoresques français, Cahors, Rouen, Groix, ou de Venise – achetée 250 frs en 1909 chez Bernheim-Jeune –, dans lesquelles Monet avait probablement plaisir à retrouver un écho des thèmes qui lui furent chers.


Dernières oeuvres entrées à Giverny … les enfants Pissarro
Après le décès de Pissarro en 1903, Monet apporte un soutien capital à sa veuve et à ses enfants. Monet contribue à régler la succession de son ami en réalisant l’inventaire et la prisée de son fonds d’atelier. Monet reste très lié aux fils de Pissarro qui ont tous embrassé une carrière artistique. Il est particulièrement proche de l’ainé, Lucien peintre et graveur. Établi à Londres, Lucien passe régulièrement à Giverny lors de ses voyages en France. En gage d’admiration et d’amitié, Lucien offre en 1914 à Monet un paysage qu’il choisit avec soin : Les Eucalyptus. « Je tiens à te remercier de la bonne pensée que tu as eue de m’offrir une toile de toi, lui écrit le maître, je suis très touché et suis heureux de t’en faire tous mes compliments très sincères ». Avec Maternité peinte par son frère Georges Pissarro dit Georges Manzana, elle est l’une des dernières oeuvres à rejoindre la collection personnelle de Claude Monet.


Estampes japonaises
La collection d’estampes japonaises de Claude Monet est probablement l’ensemble d’œuvres le plus célèbre lui ayant appartenu et celui auquel ses contemporains ont eu le plus facilement accès puisque les feuilles encadrées étaient disposées dans les pièces du rez-de-chaussée et dans l’escalier de la maison de Giverny. Les 247 numéros encore présents à Giverny, qui figurent dans l’inventaire après décès de son fils Michel, ont été réunis sur une longue période. Les plus anciens ont été rapportés des Pays-Bas en 1871, à une époque où leur prix était modique ; à la fin du siècle Monet procédait encore à des acquisitions, mais plus chères et moins nombreuses, auprès des marchands parisiens. Appréciées pour leur aspect décoratif, elles ne relèvent pas – non plus que les albums, les « mangwas » (nos actuels mangas) selon Edmond de Goncourt – d’une quête systématique. Ainsi, nombre de séries célèbres des plus grands créateurs, Hiroshige ou Hokusai, sont incomplètes et composées de tirages différents.


La dispersion d’une collection
Le fils de Claude Monet, Jean étant décédé en 1914, son cadet Michel est le légataire universel de l’artiste. À la mort du peintre en 1926, Michel hérite d’une fortune évaluée à plus de 5 000 000 de francs. Ce patrimoine lui permet notamment d’assouvir entre 1925 et 1939 sa passion coûteuse pour les safaris africains. Michel tirant une partie de ses revenus de la vente des tableaux ayant appartenu à son père, il se sépare de nombreuses oeuvres dès 1927. Il vend d’abord les pièces les plus recherchées parmi lesquelles figurent les Corot, Renoir et autre Cézanne. Ainsi, une partie importante de la « collection Monet » est dispersée avant la Seconde Guerre mondiale. Les oeuvres ayant alors le moins de valeur – à savoir les grands nymphéas et les estampes japonaises – restent à Giverny. Ayant institué le musée Marmottan son légataire universel, les toiles invendues entrent au musée à la mort de Michel en 1966. L’établissement abrite depuis lors le premier fonds mondial d’oeuvres de Claude Monet.