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“Anders Zorn” Le maître de la peinture suédoise
au Petit Palais, Paris

du 15 septembre au 17 décembre 2017



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 septembre 2017.

2226_Anders-Zorn2226_Anders-Zorn2226_Anders-ZornLégendes de gauche à droite :
1/  Anders Zorn, Hersmaid, huile sur toile, 1908. Musée Zorn, Mora, Suède. © Photo Patric Evinger.
2/  Anders Zorn, Dans le parc de l’Alhambra, aquarelle, 1887. Musée Zorn, Mora, Suède. © Photo Lars Berglund.
3/  Anders Zorn, Emma lisant, huile sur toile, 1887, Musée Zorn, Mora, Suède. © DR.

 


2226_Anders-Zorn audio
Interview de Christophe Leribault, directeur du Petit Palais et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 septembre 2017, durée 14'51". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Johan Cederlund : directeur du Zornmuseet, Mora
Carl-Johan Olsson : conservateur au Nationalmuseum de Stockholm
Christophe Leribault : directeur du Petit Palais
Dominique Morel : conservateur général au Petit Palais




Après l’exposition Carl Larsson en 2014, le Petit Palais est heureux de présenter une grande rétrospective consacrée à Anders Zorn (1860-1920), l’autre grande figure de la peinture suédoise. Pourtant reconnu et admiré à Paris au tournant des XIXe et XXe siècles, Zorn n’a pas été célébré dans la capitale depuis 1906 ! Près de 150 oeuvres permettent de retracer le parcours de ce grand artiste, ami et rival de Sargent, Sorolla, Boldini et Besnard, à la fois aquarelliste virtuose, peintre talentueux et graveur de génie. Cette exposition devrait marquer le retour en grâce d’un maître resté très populaire en Scandinavie et célébré avec succès à San Francisco et New York en 2013 et 2014.

Anders Zorn connut une vie digne des meilleurs romans, celle d’un garçon né dans une famille pauvre, abandonné par son père, qui à force de travail, a connu la gloire et la fortune. Après une formation à l’Académie royale des arts de Stockholm, il quitte à vingt ans sa Suède natale pour sillonner l’Europe : l’Espagne d’abord, puis Londres et Paris. Suivront la Turquie, l’Italie, la Grèce, l’Afrique du Nord et des séjours triomphaux aux États-Unis. Ce cosmopolite suscite très tôt l’admiration pour ses grandes aquarelles. Sa virtuosité s’exprime pleinement dans son art de représenter l’eau. Ce motif deviendra récurrent dans son oeuvre : archipel de Stockholm, côte nord-africaine, lagune vénitienne, port de Hambourg, vagues de l’Atlantique…

Zorn saisit comme personne le mouvement perpétuel des flots. Lors de ses nombreux séjours à Paris, Zorn alterne l’aquarelle avec la peinture à l’huile et se spécialise dans l’art du portrait. Son style qui mêle élégance et sophistication est très apprécié de ses commanditaires. Son sens inné du cadrage et sa maîtrise de la lumière font de chaque oeuvre un grand moment de peinture et d’élégance. Aux États-Unis, les banquiers, magnats de l’industrie, présidents et autres hommes politiques s’arrachent ses portraits. Il devient en quelques années l’un des peintres mondains les plus respectés et les plus demandés. Zorn connaît alors un succès phénoménal. Artiste complet, il est également un graveur de génie très inspiré de Rembrandt dont il collectionne les estampes.

À la fin du XIXe siècle, Zorn s’installe avec son épouse à Mora en Suède, dont l’atelier-maison se visite toujours aujourd’hui. Sa peinture magnifie la nature et les traditions populaires suédoises. Le Bal de la Saint-Jean, véritable déclaration d’amour à sa région, la Dalécarlie, et à ses longues nuits d’été est devenu un classique de l’histoire de l’art en Suède.

Le parcours et la scénographie rappellent cette vie multiple à travers des ambiances très différentes. Des agrandissements de photographies de Zorn, pour la plupart inédites, ponctuent également la visite. L’exposition bénéficie des plus belles pièces du musée Zorn à Mora et du Nationalmuseum de Stockholm, tous deux partenaires du projet. D’importants prêts d’autres institutions scandinaves et françaises complètent la présentation, notamment la Bibliothèque nationale de France.





Parcours de l’exposition


Les débuts : entre Suède, Espagne et Londres

Zorn est issu d’un milieu modeste. Il passe son enfance à Mora, en Dalécarlie, au centre de la Suède dans une région très rurale. Son habileté à dessiner et sculpter le fait toutefois remarquer et à l’âge de 15 ans, il est envoyé à l’Académie des Beaux-Arts de Stockholm. En désaccord avec son directeur, il en démissionne en 1881 et part se former à l’étranger. Il se rend en Espagne en passant par Londres et Paris. « Ici, il fait chaud et il y a du soleil, des jolies filles et des mendiants pittoresques. Un vrai paradis pour les peintres », écrit-il. À l’automne 1882, il s’installe à Londres, dans le quartier à la mode de Mayfair. Il acquiert très vite une réputation d’excellent portraitiste et reçoit de nombreuses commandes. Il retourne en Suède en 1885 pour épouser Emma Lamm, jeune femme issue de la haute bourgeoisie de Stockholm avec laquelle il s’était fiancé secrètement en 1881. Sa situation économique est désormais suffisamment assurée pour lui permettre de fonder un foyer, la position sociale de sa belle-famille lui apportant de plus une nouvelle clientèle.


Les grandes aquarelles qui lancent sa réputation : effets d’eau, d’Istanbul à Saint Ives
Très tôt, Zorn est reconnu comme un aquarelliste de talent. En 1880, il expose à l’Académie de Stockholm son aquarelle En deuil qui suscite l’admiration générale. Au contact du peintre suédois Egron Lundgren (1815-1875), il apprend à utiliser toutes les ressources de la peinture à l’eau, du glacis le plus léger jusqu’aux applications les plus couvrantes qui ne laissent pas transparaître le blanc du papier. Les aquarelles de Zorn, souvent d’un format monumental, rendent compte des itinéraires d’un peintre voyageur qui, d’Ouest en Est et du Nord au Sud, égrène les villes étapes : Constantinople, Alger, Saint Ives en Cornouailles, Hambourg, sans oublier la lagune vénitienne, ni l’archipel de Stockholm. Dans ces vues de ports, dans ces marines, Zorn excelle à rendre le mouvement de l’eau, « à mettre - selon son expression - les vagues et les clapotis en perspective ». Souvent les personnages sont réduits au rôle de faire-valoir et ne sont là que pour souligner la grandeur et la beauté de l’élément liquide.


La décennie parisienne
En 1888, Zorn s’installe à Paris pour exécuter le portrait du banquier Ernest May et celui de ses enfants. Par son intermédiaire, il fait la connaissance de personnalités du monde politique et artistique : Antonin Proust, Armand Dayot, la danseuse Rosita Mauri, l’acteur Coquelin cadet, ses futurs clients et amis. La même année, l’État lui achète pour le musée du Luxembourg Un pêcheur à Saint-Ives qu’il vient d’exposer au Salon. D’abord établi rue Daubigny, Zorn emménage durablement boulevard de Clichy. Il envoie sept oeuvres à l’Exposition universelle de 1889. Peu après, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. En 1890, Zorn participe en tant que sociétaire étranger au nouveau Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. En même temps, il expose dans des galeries privées, chez Georges Petit et chez Durand-Ruel. Il triomphe au Salon de 1891 en envoyant pas moins de douze oeuvres. En 1892, il y présente son tableau Omnibus qui le fait passer pour un « révolutionnaire » et, en 1893, il doit retirer de l’exposition sa Vénus de la Villette, jugée choquante. En 1895, Zorn participe aux côtés de plusieurs de ses amis, Rodin, Whistler, Besnard, Thaulow au premier salon de l’Art Nouveau à la galerie Bing. En moins de dix ans, Zorn est devenu une figure très en vue de la vie artistique parisienne avec laquelle il va toujours rester en contact.


Les portraits de société
Aux côtés de Sargent, de Carolus Duran et de Boldini, Zorn est l’un des portraitistes les plus recherchés de la fin du XIXe siècle. Sa technique spontanée et instinctive doit beaucoup à sa pratique de l’aquarelle. Il utilise des couleurs abondamment diluées et les applique d’un pin­ceau rapide et léger sans avoir dessiné le motif au préalable. Il préfère peindre ses portraits chez ses commanditaires plutôt que dans son atelier de façon à mieux saisir la personnalité et la psychologie de chacun de ses modèles. Le décor et les accessoires jouent d’ailleurs un rôle important pour définir et caractériser le sujet représenté. Un grand nombre de portraits de Zorn ont été exécutés en Amérique, au cours des sept voyages qu’il y effectua. Banquiers, magnats de l’industrie, hommes politiques - dont trois présidents des États-Unis - tous étaient disposés à dépenser des sommes colossales pour se faire tirer le portrait par Zorn. Tout en fréquentant la haute société internationale, Anders Zorn demeure marqué par la modestie de ses origines. « Zorn reste toujours un paysan aux bras musclés pour étreindre la réalité nue », remarque un critique.


Un graveur à succès
En 1882, Zorn fait la connaissance à Londres d’un compatriote Axel Herman Haig qui l’initie à l’art de la gravure. Arrivé à Paris en 1888, il expose régulièrement à la Société des peintres-graveurs français, qui joue un rôle déterminant dans le renouveau de l’eau-forte originale. L’exposition organisée en 1906 à la galerie Durand-Ruel consacre définitivement Zorn comme un maître de l’estampe. Il est alors le graveur le plus cher et ses planches atteignent des prix records en vente publique de Paris à New York. Au total, l’oeuvre gravé de Zorn comporte 288 numéros, essentiellement des portraits et des nus. Zorn grave vite et fort, sabrant la planche de tailles posées en diagonales. Le portrait de Marcellin Berthelot aurait été réalisé en moins de vingt minutes et le dessin préparatoire au portrait de Renan en moins d’une heure. Parmi les influences qui transparaissent dans son oeuvre, celle de Rembrandt – dont il collectionna les gravures - se révèle évidente. Il rejoint le maître hollandais dans son goût pour l’esquisse et pour l’improvisation, affectionne les contrastes d’ombre et de lumière et prend plaisir à se représenter lui-même. Enfin, comme Manet, un autre exposant de la Société des peintres-graveurs, il n’hésite pas à reprendre en gravures ses compositions peintes, parfois en les modifiant et en les adaptant.


Zorn à la Bibliothèque nationale de France
Célèbre ébéniste et antiquaire, Alfred Beurdeley (1847-1919) fut un des premiers amateurs et admirateurs de Zorn. Il lui confia d’ailleurs le soin d’exécuter son portrait peint. En 1906, il présida le comité de l’exposition Zorn organisée à la galerie Durand-Ruel. À l’issue de l’exposition, il donna à la Bibliothèque nationale 99 estampes de l’artiste. Le même jour, Zorn, lui-même, fit don de 40 estampes. Ces dons furent complétés en 1943 par les 68 pièces de la collection Curtis. Américain d’origine mais établi en France depuis 1904, Atherton Curtis (1863-1943) légua par testament à la Bibliothèque nationale sa collection. Il possédait un bel ensemble de gravures de Zorn parmi lesquelles les portraits de Renan, d’Anatole France, du roi Gustave V de Suède et une série de baigneuses. Au total, sur les 288 estampes de Zorn répertoriées par Karl Asplund dans son catalogue publié en 1920, 212 figurent dans le fonds de la Bibliothèque nationale de France, ce qui en fait une des collections de référence, ses gravures ayant été chacune tirées à peu d’exemplaires et soigneusement signées par l’artiste.


La Suède traditionnelle
En 1896, Zorn et sa femme quittent Paris pour retourner s’installer à Mora. Situé dans la province de Dalécarlie, au bord du lac Siljan, Mora est alors un village même s’il a servi de théâtre à plusieurs événements historiques fédérateurs pour l’histoire de la Suède : c’est à l’abri de ses monts que se réfugie au XVIe siècle le roi Gustave Vasa, avant d’entreprendre la reconquête de son pays. Zorn apprécie de pouvoir mener à Mora une vie simple et authentique au contact de la nature, ainsi qu’à Gopsmor, à une vingtaine de kilomètres, dans une autre maison de bois plus isolée que sa belle demeure de Mora qui deviendra plus tard un musée. Il va d’ailleurs réunir progressivement un ensemble de bâtisses anciennes qui forment au bord du lac un musée de plein air dédié à la vie paysanne. Il trouve dans la réalité quotidienne les sujets de nombreux tableaux : la vachère dans la forêt, le violoneux ou les femmes de Mora vaquant à leurs occupations. La peinture dont il était peut-être le plus fier, Danse de la Saint-Jean (1897), n’est pas seulement une déclaration d’amour à la Dalécarlie et à ses longues nuits d’été, elle est également devenue un classique de l’histoire de l’art suédois.


Nus et baigneuses
À la fin des années 1880, Zorn commence à peindre sur le motif des nus en plein air. Sans travestissement ni prétexte mythologique quelconque, il représente des femmes au naturel se baignant dans le vaste archipel de Stockholm. Il peut étudier à loisir l’effet de la lumière sur le corps humain. Les nus de Zorn ont parfois été comparés à ceux de Renoir qui expose en 1887, à la galerie Georges Petit, ses Grandes baigneuses, lesquelles ont peut-être donné l’idée à Zorn de peindre l’année suivante ses premiers nus. « Les modèles de Zorn sont des gaillardes, mais femmes aussi, femmes par la qualité de la chair, comme les femmes de Renoir, mais d’une structure plus élancée et d’un plus élégant athlétisme », écrit Henri Focillon en 1922. À la fin de sa vie, Zorn multiplie les dessins et estampes de nu dans une quête érotique effrénée. L’accent est beaucoup moins porté sur le lieu et sur l’atmosphère que sur la peau des corps nus. L’asservissement au réel qu’implique l’abondant usage qu’il fait des clichés photographiques peut expliquer ce changement de perspective.