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“Raoul Hausmann” Photographies, 1927-1936
au centre d'art Le Point du Jour, Cherbourg-Octeville

du 24 septembre 2017 au 14 janvier 2018



www.lepointdujour.eu

 

© Mireille Besnard, voyage presse, le 22 septembre 2017.

2237_Raoul-Hausmann2237_Raoul-Hausmann2237_Raoul-HausmannLégendes de gauche à droite :
1/  Raoul Hausmann, Sans titre (autoportrait ?), 1931. Épreuve gélatino-argentique. 14 x 16,7 cm. Berlinische Galerie, Berlin.
2/  Raoul Hausmann, Atlota Ibicenque dans l’attitude conventionnelle pour chanter, 1933-1936. Épreuve gélatino-argentique. 9,8 x 7,5 cm. Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart.
3/  Raoul Hausmann, Au café il n’y a que des hommes, 1933. Épreuve gélatino-argentique. 17,2 x 24,5 cm. Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Le Point du jour fait le pari de mieux nous familiariser avec un Raoul Hausmann-photographe quelque peu méconnu, même d’un public averti, malgré les différentes expositions et publications qui ont vu le jour depuis le décès de l’artiste à Limoges en 1971*. L’exposition qui s’est ouverte le 24 septembre 2017 à Cherbourg, tend à éclairer, en marge de sa figure dadaïste, son travail d’artiste photographe, en pleine maîtrise de sa technique et de son art. Loin de l’image du « photo-monteur » appropriationniste du Club Dada Berlin, c’est ici un Hausmann expérimentateur qui nous est montré, manipulant le médium dans toute sa complexité, aussi bien esthétique que technique.

A Cherbourg, l’intégralité des tirages exposés ont été réalisés par Raoul Hausmann lui-même. Ici, avec la photographie, comme dans l’ensemble de sa pratique artistique, où il ne se limita pas à un médium, à une pratique, à un style, il testa un large éventail de possibles, jusqu’à en maîtriser les subtilités techniques, jusqu’à en produire des textes théoriques. Si l’on peut regretter la quasi absence de ces écrits dans cette exposition, on note la qualité des œuvres mis à disposition par l’ensemble des collections disponibles tant en France qu’à l’étranger**. Encore plus remarquable est cette restitution de la multiplicité des approches esthétiques de l’artiste, restitution qui fait tout en même temps émerger une structure unique malgré la diversité des pratiques et usages d’Hausmann : du photomontage ludique ou filmique, des études du rendu des matières et des paysages, des portraits et études du corps de ses proches, aux expérimentations lumineuses à la Moholy-Nagy dont il était l’ami, jusqu’à la recherche ethno-anthropologique qu’il a menée à Ibiza lors de son exil.

Pour Cécile Bargues, commissaire de l’exposition, c’est l’équilibre des contraires qui traverse l’œuvre et, indissociablement, la pensée politique de Hausmann. Un travail que l’on retrouve dans sa photographie à travers le jeu des contrastes et l’équilibre des masses. Avec une scénographie classique et sobre qui, avant tout, met en lumière l’image photographique, l’exposition du Point du jour a le mérite d’extraire de l’oeuvre foisonnante de Raoul Hausmann, une clarté esthétique, probablement étrangère à la démarche jusqu’au-boutiste de l’artiste. Nous sommes-là au cœur des paradoxes et des difficultés du commissariat d’art, gageures d’autant plus ostensibles dans le cas d’un artiste fécond et complet comme l’était Raoul Hausmann.

Mireille Besnard



*On peut noter, entre autre, pour ce qui concerne uniquement la photographie les publications suivantes : Je ne suis pas photographe, textes et photographies réunis par Michel Giroud, Paris, 1976 ; Raoul Hausmann : Photographies, Centre Pompidou, commissariat Jean-Hubert Martin, 1979, reportage photographique disponible en ligne ; Raoul Hausmann : Kamerafotografien 1927-1957, Munich, 1979 ; Raoul Hausmann photographies, une exposition du Centre culturel de Brétigny, 1984, Raoul Hausmann : Photographie 1946-1957, Fonds d’art contemporain du Limousin, 1986.
**Il s’agit principalement de celle du Musée de Rochechouart et de la Berlinische Galerie.

 

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Cécile Bargues, historienne de l’art.



L’oeuvre photographique de Raoul Hausmann est restée longtemps méconnue. De cet artiste-clé du XXe siècle, la postérité a d’abord retenu le rôle majeur au sein de Dada Berlin, les assemblages, les photomontages, les poèmes phonétiques, quand les vicissitudes de l’Histoire ont effacé cette autre facette, à tous égards prééminente, de son travail.

À partir de 1927, en Allemagne, Hausmann devient un photographe prolixe, et cela jusqu’à son départ d’Ibiza (où il avait fui le nazisme) en 1936. Entre ces deux dates, il aura beaucoup réfléchi à la photographie et développé une pratique profondément singulière du médium, à la fois documentaire et lyrique, indissociable d’une manière de vivre et de penser. Ses amis artistes avaient pour nom August Sander, Raoul Ubac et Lázló Moholy-Nagy, lequel déclarait à Vera Broïdo, l’une des compagnes d’Hausmann : « Tout ce que je sais, je l’ai appris de Raoul. »

Cette rétrospective, d’une importance inédite, de l’oeuvre photographique de Raoul Hausmann a été conçue par Le Point du Jour avec l’historienne de l’art et commissaire d’exposition Cécile Bargues, auteur du livre Raoul Hausmann. Après Dada (Mardaga, 2015). Elle est coproduite avec le Jeu de Paume qui la présentera à Paris du 6 février au 20 mai 2018.





Présentation

Hausmann photographe étonne. Lui dont on connaît la veine acerbe et mordante de l’époque dada vise ici la pacification, la réconciliation, une forme de résistance au temps par la sérénité. Au milieu des années 1920, l’atmosphère de Berlin lui étant de plus en plus pesante, il prolonge ses séjours dans de petits villages côtiers sur la Mer du Nord et la Baltique, qui font office de refuges et de terrains d’expérimentation. Là, il photographie le sable, l’écume, les tourbières, des corps nus, les courbes des dunes, le blé, les brins d’herbe, l’anodin qui s’impose dans un éblouissement. Son attention se porte aussi sur de modestes artéfacts solitaires, râpes à fromage, chaises cannées, corbeilles en osier, tous objets troués qu’il transforme en flux, voire en tourbillon de lumière. Hausmann nomme ces expérimentations « mélanographies ». Elles rendent le saisissement né de l’apparition de l’image comprise, écrit-il, comme « la dynamique d’un processus vivant ».

Après l’incendie du Reichstag en 1933, Hausmann, qui est qualifié d’artiste « dégénéré » par les nazis, quitte précipitamment l’Allemagne pour Ibiza. Sa pratique photographique évolue. Fasciné par la pureté des maisons paysannes en forme de cubes blancs, il réalise un inventaire visuel de ces « architectures sans architecte ». La photographie vient alors soutenir une étude anthropologique de l’habitat vernaculaire, engagée contre les théories racialistes agitant les milieux architecturaux dans les années 1930. Lui-même intégré à la communauté insulaire, évoluant presque hors du temps, comme dans un « état de rêve », Hausmann réalise encore des portraits saisissants des habitants, tout en continuant son travail sur les formes du végétal. Le déclenchement de la guerre d’Espagne et l’abandon presque immédiat d’Ibiza aux franquistes marquent le début d’un exil autrement pénible qui ne lui permettra plus de se consacrer de façon aussi assidue à l a photographie.

Hausmann trouvera finalement refuge en France dans le Limousin, où il traversa la Seconde Guerre mondiale, avant d’être redécouvert par une nouvelle génération d’artistes au début des années 1960. Il meurt en 1971, cinq ans après sa première rétrospective au Moderna Museet de Stockholm.