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“Rubens” Portraits princiers
au Musée du Luxembourg, Paris

du 4 octobre 2017 au 14 janvier 2018



www.museeduluxembourg.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 3 octobre 2017.

2250_Rubens2250_Rubens2250_RubensLégendes de gauche à droite :
1/  Peter Paul Rubens, Marie de Médicis, reine mère de France, 1622. Huile sur toile, 131x108 cm. Espagne, Madrid, Museo Nacional del Prado. © Museo Nacional del Prado, Dist. RMN-GP / image du Prado.
2/  Pierre Paul Rubens et Jan Brueghel l’Ancien, dit Brueghel de Velours, L’Infante Isabelle Claire Eugénie, Vers 1615 (ou plutôt vers 1618-1620 ?). Huile sur toile, 113x178,5 cm. Espagne, Madrid, Museo Nacional del Prado.
3/  Peter Paul Rubens, Ana Dorotea, fille de Rodolphe II, clarisse au couvent Descalzas Reales, Madrid, 1628-1629. Huile sur toile, 73x65,4 cm. Royaume-Uni, Londres, The Wellington Collection, Aspley House (English Heritage). © Historic England Archive.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Avant de gouter à l'exquise peinture de Pierre Paul Rubens, il faut d'abord retourner sur les bancs de l'école : un grand arbre généalogique sur le mur d'entrée du musée nous rafraichit la mémoire sur les Médicis, les Habsbourg, les unions et filiations jalonnant l'histoire des monarchies européennes. Car des rois et des reines, des princes et archiduchesses, il va en être plus question que de notre cher peintre. Malgré son nom en grand sur l'affiche, il y a peu d'œuvres originales de Rubens exposées, celles-ci se noient dans le nombre de toiles provenant de son atelier, le jeu des étiquettes culminant dans ces deux portraits peints par Cornelis de Vos mais - dixit le cartel - retouchés par Rubens lui-même.

La comparaison du travail de Rubens avec celui de ses pairs met en lumière la particularité de son approche du portrait. Un léger flou, une granulosité poudreuse dans le visage juvénile de Ferdinand de Gonzague ou celui de Vincent II soulignent l'innocence de leur jeunesse. Le pinceau effleure délicatement la toile, modelant un visage d'une fragilité diaphane. Par contraste, l'armure du garçon est lourde, opaque de matière, étincelante de reflets blancs épais. Les longs mouvements de brosse procèdent d'une économie de moyens qui semble grossière au premier abord mais se révèle une technique prodigieuse au service du portrait. En effet, en se rapprochant du tableau, le vêtement, en perdant de son détail, s'efface respectueusement devant le visage et laisse celui-ci s'offrir au regard, prendre toute la place qui lui revient.

Quoi de commun entre Ana Dorotea pieuse dans son austère habit de religieuse, tenant une bible à la main et Anne d'Autriche en majesté dans sa robe de dentelles et de perles ? Rubens a assimilé toutes les influences, puise dans les maitres de la renaissance tout en glissant dans sa peinture un petit quelque chose de l'art populaire, du folklore médiéval, de l'icône religieuse. Tandis que les autres peintres de son époque construisent des images de splendeur et de pouvoir, lui représente l'apparat comme un simple décor, cherchant à saisir la personnalité de son sujet. Son portrait inachevé de Marie de Médicis montre une souveraine dont la puissance et le statut sont exprimés par le regard, la confiance dans le léger sourire. Mais ce qui est peint est surtout une femme dans la maturité avec sa connaissance des intrigues, son expérience de la vie, ses succès et ses douleurs. C'est cette humanité que Rubens laisse son sujet révéler de lui-même et qu'il réussit à capturer sur sa toile.

Une série de 24 estampes rehaussées d'aquarelle et de gouache reproduit les toiles monumentales de la galerie Médicis du Louvre. Ces reproductions permettent de saisir le génie allégorique de Rubens. Les tableaux composent une fresque épique et violente dans laquelle l'histoire de France prend les dimensions extravagantes d'une épopée mythologique. Dans la sensualité débordante des corsages mêlée à la pudeur de coins de drapés en apesanteur recouvrant les sexes, le récit historique explose comme un blockbuster plein de passion et d'explosions. Sûr de son talent, Rubens signe un autoportrait qu'il offre à Charles Ier. Le peintre se peint alors avec la gravité et l'assurance d'un souverain. La différence avec ses portraits princiers est flagrante, ici le regard n'exprime pas la noblesse de la naissance dictant la noblesse à l'âme, la proximité entre le sujet et son spectateur, mais marque la distance et l'orgueil. Etonnant aveu ou nécessité du marketing d'un peintre au XVII ème siècle ?

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Dominique Jacquot, conservateur en chef du musée des Beaux-Arts de Strasbourg
avec la collaboration d’Alexis Merle du Bourg, historien de l’art, conseiller scientifique auprès du commissaire.




Pierre Paul Rubens (1577-1640) fut un génie protéiforme. Son oeuvre immense aborde quasiment tous les sujets de la peinture. Ses portraits princiers restent peu connus, ils sont pourtant essentiels dans sa carrière. Peindre le portrait d’un souverain est la commande la plus prestigieuse que peut recevoir un peintre à l’époque, cet exercice doit notamment permettre de flatter la sensibilité du modèle. S’il est connu que Rubens a reçu des commandes de la part des rois, reines, princesses et princes de son temps, jamais encore une exposition ne leur a été consacrée.

L’exposition est présentée au Musée du Luxembourg, dans le palais pour lequel Rubens réalisa un de ses principaux chefs d’oeuvre : la galerie Médicis, ensemble de tableaux monumentaux sur la vie de Marie de Médicis, installés dans l’aile Richelieu du musée du Louvre. La vie de la souveraine et la carrière de Rubens s’entrecroisent. Dans un parcours à travers les cours d’Europe, tel un album de famille, l’exposition montre les effigies de Marie de Médicis et des souverains de son temps dont Rubens dressa le portrait et qui, des Habsbourg à la cour de Mantoue, ont tous un lien de parenté avec elle avant même qu’elle ne devienne la mère et la belle-mère des rois de France, d’Espagne et d’Angleterre.

Rubens naît dans une famille aisée originaire d’Anvers et reçoit une éducation humaniste. Il exerce un temps le rôle de page, ce qui lui permet d’acquérir les comportements et l’aisance qui lui sont utiles pour côtoyer par la suite les grands personnages de son temps. Il gagne l’Italie pour parfaire sa formation de peintre, s’inspirant notamment de Titien, auteur de portraits fameux de Charles Quint et de Philippe II, et devient rapidement un des peintres de la cour des Gonzague à Mantoue. En 1609 il revient à Anvers pour devenir le peintre de la cour des Flandres. A ce titre, il exécute les portraits officiels des princes Habsbourg. Il prolonge son séjour parisien destiné à honorer la commande de Marie de Médicis pour le Palais du Luxembourg en 1621, pour peindre Louis XIII, fils de Marie de Médicis, et son épouse Anne d’Autriche, soeur de Philippe IV, roi d’Espagne. Celui-ci l’appelle ensuite à Madrid pour exécuter des portraits de lui et de sa famille.

Dans une Europe où les voyageurs sont rares, la tradition est établie qu’un portraitiste peut faire passer des messages et Rubens outrepasse de très loin cette facilité pratique. Ainsi, parce qu’il a reçu une éducation poussée, qu’il est un vrai courtisan et que sa réputation est internationale, il peut s’adresser à ses insignes modèles et délivrer dans le relatif isolement des séances de pose, quelques propos diplomatiques. Prince des peintres et peintre des princes, Rubens au terme de sa vie et de sa carrière est un proche de ses prestigieux modèles.

Rubens peut ainsi sembler être le portraitiste des princes tant il souhaitait se consacrer à la narration et aux grands mythes. Avec le sculpteur Bernin, il est le maître de l’ère baroque. Sa culture et sa pratique lui font préférer les oeuvres d’invention et les grands sujets historiques qui restent dans la mémoire collective. Cependant, ses réussites dans le domaine du portrait sont éblouissantes tant dans le domaine privé (que l’on songe aux portraits de ses épouses et de leurs enfants) que dans celui des images officielles. Il connaît parfaitement les prototypes à suivre, les codes à respecter (degré d’idéalisation des traits du modèle, symboles du pouvoir et importance du costume et du décorum), il sait doser ce qu’il faut de flamboyance et ce qu’il faut de naturalisme dans ses représentations et il donne à ses effigies officielles une vie inédite. Chaque oeuvre a un souffle particulier. Il devient ainsi le peintre le plus important de son temps, celui dont les princes s’arrachent les talents. A titre de comparaison et afin de montrer sa place et son originalité, l’exposition présente quelques portraits des mêmes souverains peints par ses rivaux, en particulier Velázquez, Champaigne, Vouet ou Van Dyck, son élève le plus doué, qui devint un immense portraitiste à Londres, s’inspirant des leçons de son maître.

Cette exposition rassemble environ soixante-cinq peintures parmi lesquelles des prêts exceptionnels tels Marie de Médicis (Musée du Prado) et Louis XIII (Melbourne), seul portrait de souverain conservé peint devant le modèle.