contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Hicham Berrada” 74 803 jours
à l’abbaye de Maubuisson, Saint-Ouen l’Aumône (95)

du 8 octobre 2017 au 22 avril 2018 (prolongée jusqu'au 24 juin 2018)



www.valdoise.fr/614-l-abbaye-de-maubuisson.htm

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation de l'exposition avec Hicham Berrada, le 6 octobre 2017.

2252_ Hicham-Berrada2252_ Hicham-Berrada2252_ Hicham-BerradaLégendes de gauche à droite :
1/  Hicham Berrada, Composition 1 (0-00-10-17)_1. © ADAGP Hicham Berrada, Courtesy de l’artiste et des galeries : kamel mennour, Paris/London ; Wentrup, Berlin ; CulturesInterface, Casablanca.
2/  Hicham Berrada, arbre protégé, photographie. © ADAGP Hicham Berrada, Courtesy de l’artiste et des galeries : kamel mennour, Paris/London ; Wentrup, Berlin ; CulturesInterface, Casablanca.
3/  Hicham Berrada, Présage, Nuit Blanche 2014, Paris, Ville de Paris. © Martin Argyroglo.

 


2252_ Hicham-Berrada audio
Interview de Hicham Berrada,
par Anne-Frédérique Fer, à Saint-Ouen l’Aumône, le 6 octobre 2017, durée 12'43". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Isabelle Gabach, Directrice de l’abbaye de Maubuisson



Hicham Berrada, dont on a pu voir récemment des oeuvres au MAMU à Bogotá, au Palais de Tokyo, au Fresnoy (2017), au Moderna Museet, au CENTQUATRE (2016) et à la Biennale de Lyon (2015), présente à l’abbaye de Maubuisson, 74 803 jours sa nouvelle exposition personnelle.

Artiste-laborantin, il développe une pratique qui englobe l’installation, la performance et la vidéo. Ses créations s’appuient sur des connaissances en sciences (chimie, physique des fluides, nanosciences, etc.). Hicham Berrada associe intuition et connaissance, science et poésie 1. Il met en scène les changements et les métamorphoses d’une « nature » activée, chimiquement ou mécaniquement. Du laboratoire à l’atelier, de l’expérience chimique à la performance, l’artiste explore dans ses oeuvres des protocoles scientifiques qui imitent au plus près différents processus naturels et/ou conditions climatiques. Dans des béchers ou des aquariums, il manipule des métaux, des produits acides et des molécules, joue avec la température et le temps pour faire naître chimiquement des paysages en mouvement. Tel un régisseur d’énergies, il élabore ses oeuvres en choisissant une série de règles et de conditions pour établir un protocole provocant dans ses tableaux vivants des phénomènes tels que des excroissances, effervescences, variations chromatiques, etc. Son travail transporte le visiteur dans un monde à la fois vivant et inerte, proposant de réfléchir sur la nature, la matière et le temps.

Dans les installations d’Hicham Berrada, les forces élémentaires, toujours saisissantes de la nature, s’activent devant le spectateur. Lors de ces expériences, il fait naître des paysages vivants, des environnements évolutifs, à l’image des montagnes et des forêts qui s’animent avec le temps et selon les saisons. L’artiste souhaite montrer une nature qui n’est pas figée, en opposition aux peintures de l’histoire de l’art qui dans leurs tableaux choisissent de fixer un instant donné. Les oeuvres d’Hicham Berrada naissent d’une conception de l’art associée aux avancées scientifiques. Dans sa quête, l’artiste recherche ce moment de dévoilement où l’invisible prend forme devant nos yeux.

Pour son exposition à l’abbaye de Maubuisson, Hicham Berrada propose trois pièces inédites, une vidéo et une performance réalisée à l’occasion de « Nuit Blanche » (samedi 7 octobre 2017 de 19h à minuit). Les matériaux qu’il utilise pour l’exposition sont présents dans la nature : lumière, eau, terre… L’artiste joue avec ces éléments naturels et les lois qui en découlent. Hicham Berrada provoque la nature et la détourne de ses habitudes : « j’aide la nature à accomplir des choses qu’elle sait faire, mais qu’elle fait rarement ». Dans l’aquarium présenté dans la salle du chapitre, ou lors de ses performances filmées, il orchestre, agence et transmute les énergies pour créer une situation, des rencontres entre les éléments ou encore accélérer les effets du temps et de l’entropie.

Hicham Berrada présente une nature toujours en action : dans la salle des religieuses, son installation lumineuse présente la course du soleil sur les vitraux, tandis que dans l’aquarium de la salle du chapitre, les sculptures en bronze transmutent et se transforment sous l’effet de l’électrolyse.

Dans la salle du parloir, le liquide ruisselle, l’olivier se repose pour l’hiver et le safran diffuse son odeur. Ce jardin à l’image du paradis tente de reconstituer un environnement naturel. Dans l’art islamique, dont s’inspire le jardin, la représentation de la nature se fait à l’aide d’ornements végétaux aux formes abstraites, géométriques et stylisées, créant un rythme ininterrompu et une végétation irréaliste.

Toute création de sa part est un réagencement. Il révèle la poésie des éléments et propose ainsi l’émerveillement à l’instar des trois nouvelles installations qu’il a pensées pour les espaces de l’abbaye de Maubuisson dans laquelle la question du temps est centrale. Celle-ci fait sens dans un ancien monastère où le temps devait s’égrener, se diluant et s’étirant. « Mon rapport à la peinture classique est lié à la notion de temps : les « collines » et les « forêts » de mes tableaux évoluent, grandissent, se meurent sur plusieurs heures, jours, années ». Le temps est une force indomptable et incontrôlable avec laquelle Hicham Berrada tente ici d’interagir. Ces questions de l’épreuve du temps et de la conservation fascinent l’artiste qui s’en veut ici le catalyseur.


1. Référence au texte de la commissaire d’exposition Mouna Mekouar (texte complet sur www.hichamberrada.com)





Parcours :

Salle du parloir

Dans un espace cloisonné et fermé, couvert d’un film réfléchissant doré, l’artiste tente de mettre en place un environnement aseptisé bien à l’abri du monde extérieur. Le visiteur est invité à pénétrer dans cette zone contrôlée en revêtant des équipements de protection pour limiter l’apport de micro-organismes. Les murs couverts de bâches réfléchissantes délimitent cet espace clos éclairé de façon artificielle pour permettre aux végétaux de croître dans une zone de culture intérieure, sous contrôle et bactéricide. Ce biotope figé et stérile est une interprétation littérale et technologique du paradis décrit dans différents livres sacrés. Constitué de matériaux sélectionnés pour leur inaltérabilité, cette évocation d’un jardin éternel tel qu’il est décrit dans le Coran stimule l’imaginaire – entre inquiétude et sérénité. Cet espace clos est protégé de murs de parpaings et de films dorés préservant ainsi ce qui le constitue en s’opposant à la tendance naturelle à la désorganisation qu’est l’entropie. Ici, dans cet environnement contrôlé, certains éléments vivants parviennent à lutter contre le phénomène naturel d’érosion qui le menace tels que les vagues et l’écume qui se reforment à l’infini sur l’écran de la fontaine numérique proposée par Hicham Berrada. Ces formes auto-entretenues fascinent l’artiste qui s’en veut ici le catalyseur.

Salle du chapitre
Dans un grand aquarium, l’artiste plonge deux sculptures en bronze dans une solution dont l’électro-conductivité est contrôlée. Ces dernières qui ont été façonnées grâce à la technique de la cire perdue sont immergées dans un bain électrolytique (processus d’échange d’électrons d’une sculpture à une autre). Au fil du temps, par le passage du courant électrique, ces pièces de bronze se transforment : une des deux sculptures de bronze – appelée martyr – se décomposera lentement pendant l’exposition tandis que la seconde – appelée masse – se régénérera à l’infini. « Dès l’aube de l’humanité, sont apparus sculptures, bâtiments et autres artefacts […]. Ces formes […] partagent un sort commun : […] elles se déforment, se dégradent progressivement, jusqu’à rejoindre l’informe d’où elles ont été tirées. » Le temps est une force indomptable et incontrôlable avec laquelle l’artiste tente ici de jouer. Cet aquarium agit comme une sorte de boîte dans laquelle le temps s’accélère. La pièce en bronze plongée dedans, que l’on voit progressivement s’altérer (martyr) durant les 6 mois d’exposition, aurait mis 74 803 jours, soit environ 204 ans, pour se modifier de cette manière en milieu naturel, sans l’intervention de l’artiste.

Salle des religieuses
Partant du constat que nul ne peut voir et profiter de la richesse des variations lumineuses dues à la course du soleil à travers les vitraux de l’abbaye, Hicham Berrada a mis en place un procédé vidéo pour capter l’évolution de la luminosité tout au long de la journée. « Pour saisir pleinement la beauté des mouvements de la lumière et leur lente évolution, il faudrait rester immobile en un même lieu, une journée entière, dans une temporalité contemplative ». L’artiste y remédie en plaçant 8 caméras dans la salle des religieuses. Ces caméras photographient en time-lapse (image par image) ce jeu de lumière sur une durée continue de 24 heures. L’artiste condense cette durée en 8 vidéos de 6 minutes. Projetées sur écrans, ces vidéos restituent toutes les nuances et variations de lumière qui ont traversé la salle des religieuses pendant ces 24 heures. Le visiteur circule alors dans un double couloir constitué d’écrans sur lesquels défile – en accéléré (x 240) – la course du soleil. La salle des religieuses s’anime de projections lumineuses et dépose ici et là des taches de couleurs ou des reflets. « Ainsi, la projection du vitrail se déplace sur les murs et habille l’espace par ses métamorphoses ». La création de ce dispositif contemplatif permet aux visiteurs de saisir pleinement la beauté du phénomène. Ce procédé bouleverse les perceptions temporelles pour satisfaire l’impatience de la nature humaine. L’artiste agit sur le temps grâce à la vidéo et nous invite à la rêverie et au voyage mental.

Anciennes latrines
La vidéo Présage est le résultat d’une performance dans laquelle l’artiste associe dans un bécher différents produits chimiques afin de faire émerger un univers en mouvement. Ses expérimentations qu’il nomme Présage sont des panoramas que l’on pourrait voir dans la nature si toutes les conditions atmosphériques étaient réunies. Véritable théâtre chimique, la vidéo Présage, présentée dans les anciennes latrines de l’abbaye de Maubuisson, nous dévoile un monde chimérique qui ne cesse de se métamorphoser. Les transformations de la matière, mises en mouvement par les manipulations de l’artiste, plongent le spectateur dans un monde aux couleurs et aux formes fascinantes.Ces expérimentations donnent naissance à des modèles réduits d’organismes vivants qui sont ensuite figés dans la résine, devenant ainsi de véritables natures mortes. Hicham Berrada conçoit ces paysages éphémères comme des créations picturales.Loin d’être un simple artifice formel, son travail transporte ainsi le visiteur dans un ailleurs, un monde à la fois vivant et inerte, qui nous invite à faire l’expérience d’une présence inédite des énergies et des forces émanant de la matière.