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“Performance !” Les collections du Centre Pompidou, 1967-2017
au Tripostal, Lille

du 6 octobre 2017 au 14 janvier 2018



www.lille3000.com

www.centrepompidou.fr

 

© Sylvain Silleran, voyage presse, le 5 octobre 2017.

2253_Performance2253_Performance2253_PerformanceLégendes de gauche à droite :
1/  Lili Reynaud Dewar, I am intact and i don’t care, 2013. © Lili Reynaud Dewar. © Centre Pompidou, MNAM-CCI. © Lili Reynaud Dewar.
2/  La Ribot, Walk the chair, 2010. © La Ribot. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Georges Meguerditchian /Dist. RMN-GP. © La Ribot.
3/  Dan Graham, Present, Continous, Past(s), 1974. © Dan Graham. Courtesy John Gibson Gallery, New York. Photo Harry Shunk.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Dans la semi pénombre de la grande halle de la gare Saint Sauveur, des dizaines d'écrans entament une conversation. Le défilement des formes et des couleurs, le scintillement stroboscopique ou la lenteur des plans créent un rythme immersif, comme une cour de récréation électrique aux accents de Blade Runner où le visiteur est invité à participer au jeu. Une épaisse chevelure de fils de coton noir coule du plafond et se répand sur le sol en une mer emmêlée qui absorbe la lumière. La Bruja!, œuvre de Cildo Meirelles, envahit l'espace de ses 6000 km de fil. Après une courte hésitation, on se risque à marcher sur cette lave souple, presque un organisme vivant puisque qu'elle cherche à saisir nos pieds et nous faire trébucher. La démarche devient différente, précautionneuse ; sans s'en rendre compte, on a commencé à jouer.

C'est à un jeu différent auquel on est invité au Tripostal. On y cherche son chemin dans un labyrinthe blanc d'écrans, on tâtonne derrière de lourdes tentures noires, on y promène les chaises couvertes de slogans de La Ribot pour les déposer ailleurs au gré de son inspiration. Dans une petite pièce aux murs de miroirs, une caméra dissimulée nous filme, mais nous ne figurons pas sur l'écran qui nous en renvoie l'image. La vidéo a un retard de 8 secondes sur ce qui se passe dans cette salle étroite à la promiscuité d'ascenseur. On se voit donc entrer, s'interroger, marquer sa perplexité puis sa surprise de se voir enfin. Puis, lorsque l'on sort, notre image subsiste encore quelques instants après notre passage. Le dispositif agrandit la petite échelle de ces quelques mètres carrés jusqu'aux proportions cosmiques de planètes dont la lumière met quelques secondes ou minutes à nous parvenir.

Des petits manèges font tourner des bibelots de brocante, figurines, jouets, comme les objets de piété d'une foi abandonnée. Eclairés par des projecteurs, mains, femmes, animaux, superhéros, avion projettent sur le mur un carnaval d'ombres, une foule joyeuse et inquiétante entrainée dans une danse chaotique. Entre théâtre d'ombre et mythe de la caverne, l'œuvre nous demande en permanence ce que nous désirons voir, le réel ou l'image. Car comme dans le terrier où s'aventure Alice, peu à peu les repères s'estompent pour s'effacer définitivement. Piégés par la convivialité de l'espace peuplé de larges canapés couvert de tapis, nous acceptons toutes les invitations qui nous sont faites en passant d'espaces d'un blanc aveuglant vers d'autres à l'obscurité mystérieuse.

Ce monde dans lequel nous sommes entrés comporte en guise de forêt un ensemble de pupitres de musique sur lesquels sont fixés des cartes à jouer, une chambre remplie de meubles et d'objets réduits à leur plus simple expression géométrique, cubes, pyramides, cylindres, dans laquelle de nouveaux mots doivent être inventés et la routine quotidienne devient un conte de fée. Un batteur déchainé crée un rythme en frappant de ses baguettes murs, rideaux métalliques de boutiques, tuyaux, cabine téléphoniques. Un vidéoclip extravagant entre Bollywood et science fiction queer nous réjouit de son beat disco, il fascine tant par son gigantisme que par le bonheur que sa forme opposée à toute règle de bon goût offre si généreusement.

La générosité, voilà bien le fin mot de l'histoire, générosité des 6000 m2 d'exposition, de la variété des propositions, d'en offrir tant au visiteur qu'en sortant il lui faille un petit moment sur le trottoir pour reprendre ses esprits, comme un voyageur qui sort d'un aéroport après un long voyage et prend quelques instants pour appréhender ce pays étranger où il vient d'atterrir.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Bernard Blistène, Directeur du Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.
Marcella Lista, Conservatrice du Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle.




Le Centre Pompidou fête ses 40 ans en 2017 partout en France. Pour partager cette célébration avec les plus larges publics, il propose un programme inédit d’expositions, de prêts exceptionnels, de manifestations et d’événements pendant toute l’année.

Performance ! bouscule la pratique de l’exposition. Le projet met en scène une histoire singulière, jouant de l’instant éphémère et de sa possible répétition par l’image ou le reenactment. S’y croisent les nombreux domaines artistiques qui convergent dans l’oeuvre performée : la danse et la chorégraphie, la musique et les pratiques sonores, le langage du geste construit par toutes les possibilités du corps, les dispositifs ouverts d’installations participatives ou immersifs, plaçant au coeur de l’oeuvre l’expérience du spectateur.

Performance : le mot résonne au-delà du champ artistique. Venu des arts du spectacle (dans la tradition anglo-saxonne), et de la culture sportive, le terme imprègne aujourd’hui les sociétés postindustrielles, avec leurs « indicateurs » évaluant chaque secteur de l’activité humaine. C’est également une pratique implicite des médias sociaux, où les relations se forment et s’inventent par et à travers les représentations de soi. L’historien Stephen Greenblatt a mis en évidence une culture très sophistiquée du Self-fashioning dès la Renaissance, autrement dit la construction consciente d’une image du moi social. C’est aujourd’hui un comportement tout entier qui s’élabore quotidiennement dans le prisme de la technologie.

L’art du 20e siècle s’est saisi de l’idée de performance pour en reformuler les termes, en faire une pratique critique : répondre à l’accélération du temps tout en y opposant des stratégies autres, retournant et subvertissant le principe de productivité. L’intensification de ces formes d’art au 21e siècle pose plus encore la question de l’expérience. Elle renouvelle ce vitalisme critique, réinvente l’ici et maintenant, ravive la question posée par Spinoza : « que peut un corps ? ».

Dans les amples espaces du Tripostal et de la Gare Saint Sauveur, l’exposition réunira chefs-d’oeuvre, pièces rares et créations, suggérant des dialogues inédits et des lignes de fuite multiples. De grandes installations vidéo en formeront l’armature, que viendront habiter des performances live. Au Tripostal, le parcours se développe autour de trois axes : Mouvement sur mouvement, Scènes de gestes et Objets d’écoute. Un programme de performances viendra en contrepoint. Et aussi : les célèbres Nuits du Tripostal, le spectacle In Plain Site présenté par l’Opéra de Lille, la Cantine du Tripostal, la boutique…