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“Agnès Geoffray” Before the eye-lid’s laid
au Centre Photographique d’Île-de-France, Pontault-Combault

du 8 octobre au 23 décembre 2017



www.cpif.net

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation de l'exposition avec Agnès Geoffray et J. Emil Sennewald, le 6 octobre 2017.

2254_Agnes-Geoffray2254_Agnes-Geoffray2254_Agnes-GeoffrayLégendes de gauche à droite :
1/  Agnès Geoffray, Sans titre de la série Incidental Gestures, 2012. Tirage numérique encadré. © Agnès Geoffray.
2/  Agnès Geoffray, Zone d’occupation I, de la série Zones d’occupation X, 2010. Diaporama. © Agnès Geoffray.
3/  Agnès Geoffray, Sans titre, 2014. © Agnès Geoffray.

 


2254_Agnes-Geoffray audio
Interview de Agnès Geoffray, artiste plasticienne & J. Emil Sennewald, critique d'art,
et commissaires de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Pontault-Combault, le 6 octobre 2017, durée 14'32". © FranceFineArt.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Avec l’exposition du Centre photographique d’Ile-de-France et plus encore avec le livre qui lui fait écho, Agnès Geoffray et J. Emil Sennewald mettent en scène le tandem critique d’art et artiste. Moins consacré aujourd’hui que le duo de l’artiste et du commissaire, il est pourtant souvent fécond, aide à la conceptualisation du travail de l’artiste et, conséquemment, aux mises en forme ultérieures. Ici, dans Before the eye lid’s laid, la critique, devenue inserts poétiques, fait œuvre.

A la fois visibles et discrets dans l’espace d’exposition, les inserts critiques d’Emil Sennewald déploient vraiment leur force dans le livre composé à quatre mains. Ils en sont l’ossature. Ils le rythment et en densifient les images. Ici, sur des pages noir-fade, intercalées entre les photographies pleine-page, les mots font image. Tout au long de la publication, plusieurs séquences photographiques se déploient. S’imbriquant les unes aux autres, elles forment progressivement un tissu elliptique ; une syncope soulignée par l’absence de massicotage des pages, libres d’être scindées. Ce jeu de limitation de l’accès au contenu est mis en scène dans l’exposition, au travers d’une longue vitrine qui ne dévoile que l’une face de l’objet. Le contenu des dossiers et albums n’est accessible qu’à travers quelques photographies et de laconiques intitulés, inscrits sur ces objets chinés. Pulsion tactile et pulsion scopique viennent créer l’image mentale dans notre espace psychique.

Les interventions d’Agnès Geoffray sur les images sont discrètes. Ce ne sont souvent pas les siennes, et malgré les modifications entreprises, elles ne lui appartiennent pas. Les images sont là pour elles-mêmes. Aucune légende ne les temporalise. Elles poursuivent leur flottaison dans une indécision d’autant plus forte qu’Agnès Geoffray les a modifiées. L’acte d’image initial s’en voit transformé, dévié. Cette intervention cherche à contrecarrer l’impact de l’image avant que celle-ci ne pénètre nos corps lorsque les paupières s’abattront. Avant que la photographie ne fasse réalité et n’agisse. C’est ce que suggère le texte d’Emil Sonnewald, L’image se crée lorsque l’œil se ferme, Notes sur l’interruption, qui clôture le livre. C’est ce que cherche à faire Agnès Geoffray avec ses manipulations qui visent à déjouer la réalité créée par les images afin d’en modifier l’emprise sur nos histoires et nos vies.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires invités : Agnès Geoffray et J. Emil Sennewald, lauréat du prix AICA France 2016 (Association Internationale des Critiques d’Art)



Quelquefois seulement le rideau des pupilles sans bruit se pose. Alors une image y pénètre… D’après Rainer Maria Rilke, « La panthère » [1902], trad. Claude Vigée, in : Le Vent du retour, Paris, Arfuyen, 2005

L’histoire de l’image pourrait se résumer à celle d’actes violents. L’image pénètre, l’oeil dévore, le corps subit, le regard perce. Le travail d’Agnès Geoffray explore ces actes : partant de photographies trouvées et mises en scène, elle expérimente cette latence induite d’images, qui suppose un événement dramatique à venir. Pour l’image photographique, cette latence se situera à la fermeture du diaphragme de la caméra ou à celle de l’oeil regardant l’image photographiée. Incarné par le battement de la paupière, ce bref instant est celui avant qu’elle ne se pose. C’est un temps d’arrêt. Un moment intermédiaire entre objet et image, vision et regard. Un moment où l’on retient son souffle.

« Voilà la dimension politique de la relation entre image et texte et de leur disposition lorsque les paupières se ferment. Seul celui qui cesse de regarder peut commencer à agir. La compassion générée par les images crée une communauté lorsqu’elles émeuvent publiquement au moment de leur exposition. » J. Emil Sennewald

Le travail d’Agnès Geoffray relève la violence qui habite les images sans la reproduire. Elle le fait en s’arrêtant sur le moment avant la pose des paupières. L’exposition proposera de l’expérimenter comme un moment orphique en présentant des pièces comme actes d’image, évoquant les notions de l’arrêt, la suspension, l’epoché dans l’intervalle avant que l’on ferme la paupière.

Before the eye-lid’s laid propose une constellation d’images et de textes d’Agnès Geoffray, ponctués d’inserts critiques de J. Emil Sennewald. Différemment de la relation habituelle entre critique d’art et artiste : ici les mots parlent aux images plutôt que de parler d’elles. Textes et images se confrontent, pour faire osciller leurs niveaux de signification respectifs. La mise en espace invite à l’expérience de cette oscillation entre voir, imaginer et penser.

L’ouvrage Before the eye-lid’s laid publié aux éditions La lettre volée, et présenté conjointement à l’exposition, s’inscrit dans le cadre du prix de la critique d’art AICA France, qui a été décerné en mars 2016 par un jury international à J. Emil Sennewald, pour sa présentation du travail d’Agnès Geoffray.