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“Beau doublé, Monsieur le Marquis !” Sophie Calle et son invitée Serena Carone
au musée de la Chasse et de la Nature, Paris

du 10 octobre 2017 au 11 février 2018



www.chassenature.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 9 octobre 2017.

2256_Sophie-Calle2256_Sophie-Calle2256_Sophie-CalleLégendes de gauche à droite :
1/  Sophie Calle, Fathers, Série, 2017. © Sophie Calle / ADAGP.
2/  Thilo Hoffmann, Portrait de Sophie Calle et Serena Carone. © Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 2017 – Thilo Hoffmann.
3/  Serena Carone, Lapin chasseur. © Serena Carone / ADAGP.

 


2256_Sophie-Calle audio
Interview de Sonia Voss, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 9 octobre 2017, durée 7'17". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat de l'exposition : Sonia Voss



Le musée de la Chasse et de la Nature invite Sophie Calle à investir ses salles. Sous le commissariat de Sonia Voss, l’exposition sera la première présentation muséale en France à couvrir plusieurs décennies de création de l’artiste, depuis sa rétrospective au Centre Pompidou en 2003.

L’oeuvre de Sophie Calle est construite sur les frontières poreuses entre autobiographie et récit fictionnel. Au coeur de son travail se côtoient les questions existentielles du regard, de l’altérité, de l’amitié et de la mort, transcendées par les rituels et le jeu. L’exposition permet de redécouvrir certaines pièces de l'artiste dans le contexte singulier des collections du musée et révèle par ailleurs des oeuvres spécialement conçues pour l’occasion.

La méthode de création de Sophie Calle emprunte certains aspects à la pratique de la chasse. Ainsi, elle s’est fait connaître en s’exerçant au « pistage » d’anonymes croisés dans la rue. Changeant de rôle, elle a également endossé celui de la proie et confié à un détective privé le soin de suivre ses faits et gestes. La poursuite amoureuse, autre variante de la chasse à l’homme, traverse par ailleurs son oeuvre comme un fil rouge, prolongé ici par les annonces de rencontre, source d’inspiration de deux nouvelles oeuvres.

Sur le chemin de Sophie Calle, on trouve également des animaux, tantôt compagnons intimes, tantôt créatures fantasmatiques. Les animaux naturalisés occupent même une place essentielle dans sa vie. Elle leur attribue une fonction de représentation, établissant une connexion affective avec le monde de ses proches. La ménagerie empaillée qui peuple son univers vient habiter les salles du musée de la Chasse et de la Nature le temps de l’exposition.

Faisant du musée son « territoire », elle y insère ses propres travaux et incite ainsi le visiteur à une nouvelle appréhension, le convie à traquer dans la profusion décorative des salles ce qui relève de son expérience intime.

L’artiste Serena Carone a été invitée par Sophie Calle à dialoguer avec elle au sein de l’exposition et présentera plusieurs objets issus de son bestiaire artistique. Son oeuvre constitue une sorte de cabinet de curiosités né de l’expérimentation et du travail des matériaux les plus divers. Aux antipodes de l’approche conceptuelle de Sophie Calle, Serena Carone propose un monde à la fois merveilleux et inquiétant et pose un regard singulier sur le monde vivant et son rapport à la mort.





Extrait de la discussion avec Sophie Calle et Serena Caro - À propos de la collaboration - Propos recueillis par Sonia Voss.

Sophie Calle — Tout s’est passé très simplement. J’ai invité Serena Carone parce que j’aime son travail, parce que j’ai pensé qu’il correspondait parfaitement au musée, et parce que c’est une amie. J’ai aimé la perspective de nous répondre au sein d’une exposition. Nous avons essayé de trouver des thèmes qui nous seraient communs. Par exemple, j’ai fait une oeuvre sur l’ours blanc parce que c’est l’emblème du musée, mais aussi parce que Serena venait de réaliser une peau d’ours en céramique. Ou bien j’ai répondu à son oeuvre, très belle et que je possède, sur le thème du regard, avec une pièce sur le regard de mon père qui me manque. De la même façon, lorsque je suis allée voir mon poissonnier pour lui demander de me trouver des idées, il m’a parlé de peaux de saumon, et justement Serena était en train de réaliser un objet représentant des peaux de saumon, nous avons donc associé les deux oeuvres. Enfin, l’idée de réaliser ma propre tombe est venue à Serena au gré des discussions. Nos oeuvres se répondent ainsi de façon très naturelle et j’espère que nous faisons un joli doublé, d’où le titre, tiré d’une vieille publicité télévisée pour les cartouches de chasse.

Serena Carone — Je crée peut-être parfois en volume ce que Sophie sait traiter magnifiquement avec des mots. Les thèmes que j’affectionne tels que la mort, la souffrance, le couple pourraient faire écho à son travail. On ne peut pas parler d’affinités mais plutôt de goûts communs comme celui pour les objets religieux, les cabinets de curiosités ou les oeuvres insolites. Sophie aime les rituels, sa vie en est parsemée. J’en ai aussi beaucoup dans mon travail. Je cache souvent des objets dans mes sculptures, mets des messages dans des détails, écris des choses que personne ne pourra jamais voir.





Parcours de l’exposition :

Le rez-de-chaussée
est consacré essentiellement à des oeuvres nouvelles, conçues à l'occasion de l'exposition. Le visiteur est accueilli en début de parcours par l’ours blanc, mascotte du musée, qui a inspiré à Sophie Calle un diptyque de très grand format, dans la lignée de ses Fantômes. Après avoir escamoté l’animal sous un drap, l’artiste a mené une enquête auprès du personnel du musée pour découvrir la façon dont l’animal continue d’exister dans la mémoire et l’imaginaire de ceux qui le côtoient au quotidien. Suivent deux pièces sur la thématique du regard : un caisson lumineux, hommage à Bob Calle, le père de l’artiste, puis la pièce réalisée auparavant, Infarctus silencieux, montrant un bélier aveuglé par ses propres cornes. La suite de la visite révèle deux oeuvres consacrées au chat Souris et racontent la relation particulière de Sophie Calle à son félin de compagnie, disparu récemment. Ces dernières pièces, ainsi qu’Infarctus silencieux, sont des Histoires vraies, qui prolongent l’oeuvre autobiographique au long cours de Sophie Calle. Un film intitulé Pêchez des idées chez votre poissonnier traite avec humour de la question de la panne d’inspiration qui a frappé l’artiste à la mort de son père. Plusieurs de ces pièces dialoguent avec des oeuvres de Serena Carone : ainsi, une paire d'yeux enchâssée dans une cimaise répond au regard de Bob Calle, un mur de saumons en cire vient face au film mettant en scène le poissonnier de Sophie Calle. La salle suivante abrite un plafond de chauves-souris en faïence. La présentation au rez-de-chaussée culmine avec une impressionnante pièce en céramique, également créée par Serena Carone, représentant le tombeau de Sophie Calle, pour laquelle cette dernière a posé et à laquelle elle a adjoint les animaux naturalisés qui constituent son décor et son bestiaire intime, dont chaque individu correspond à un ami ou un proche. Enfin, en contrepoint d’une dernière oeuvre intitulée C Ki ?, les visiteurs du musée sont invités par Sophie Calle à consigner dans un livre illustré et conçu à cet usage leurs réponses à la question « Que faites-vous de vos morts ? ». Cette proposition est accompagnée d’une série de photographies de tombes, prolongation de la série Fathers.

Au premier étage, l’exposition permet de redécouvrir certaines oeuvres historiques de Sophie Calle dans le contexte singulier des collections du musée. Ainsi est présentée parmi les fusils anciens de la salle des Trophées la série Coeur de cible (1990 / 2003) inspirée des photographies de jeunes délinquants utilisées comme cibles pour l’entraînement des policiers d’une ville américaine. Dissimulés dans les tiroirs de la salle d’Armes, les animaux nocturnes de Liberté surveillée (2014), extraits de l’oeuvre Où pourriez-vous m’emmener ? empruntent aux images de recensement des populations animales aux alentours des autoroutes. Dans l’ensemble des salles de l’étage sont par ailleurs disposés, parmi les pièces des collections, les objets et textes des Histoires vraies, révélant la présence intime de l’artiste et formant une sorte de jeu de piste. Des photographies inédites s’immisçant dans l’accrochage permanent complètent cette installation. Serena Carone y présente également une trentaine de pièces, essentiellement empruntées à son bestiaire artistique : chiens en mousse, peau d’ours polaire en céramique grandeur nature, poulpes et nombreuses autres créatures.

Au deuxième étage, le visiteur est accueilli par l’oeuvre historique Suite vénitienne (1980), présentée dans les vitrines de porcelaines du cabinet des Singes, avant de découvrir deux nouvelles séries de Sophie Calle. Le Chasseur français et À l’espère, conçues à l’occasion de l’exposition, jouent avec le langage des annonces de rencontre et des messages amoureux. L’une relève avec humour les qualités principales recherchées chez la femme, décennie après décennie, vues par le prisme des annonces du journal Le Chasseur français. L’autre juxtapose à des annonces empruntant au vocabulaire du monde animal des photographies de lieux d’attente, mettant en avant la solitude à l’oeuvre dans la recherche amoureuse.