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“Malick Sidibé” Mali Twist
à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris

du 20 octobre 2017 au 25 février 2018



www.fondation.cartier.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 19 octobre 2017.

2272_Malick-Sidibe2272_Malick-Sidibe2272_Malick-SidibeLégendes de gauche à droite :
1/  Malick Sidibé, Un yéyé en position, 1963. Tirage gélatino-argentique, 60,5 x 50,5 cm. Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris. © Malick Sidibé.
2/  Malick Sidibé, 1973. Tirage gélatino-argentique, 50 x 60 cm. Courtesy succession Malick Sidibé. © Malick Sidibé.
3/  Malick Sidibé, Combat des amis avec pierres au bord du Niger, 1976. Tirage gélatino-argentique, 99 x 99,5 cm. Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris. © Malick Sidibé.

 


2272_Malick-Sidibe audio
Interview de Brigitte Ollier, commissaire associée de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 19 octobre 2017, durée 13'30". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
André Magnin, commissaire général de l’exposition
Brigitte Ollier, commissaire associée de l’exposition




En 1995, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présentait la première exposition monographique du photographe malien Malick Sidibé hors du continent africain. Un an après la disparition de l’artiste le 14 avril 2016, elle lui rend hommage avec Mali Twist, une grande exposition rétrospective accompagnée d’un ouvrage, conçus et dirigés par André Magnin en collaboration avec Brigitte Ollier.

L’exposition réunit pour la première fois ses photographies les plus exceptionnelles et emblématiques ; des tirages d’époque réalisés par lui-même de 1960 à 1980 ; un choix de « chemises » rassemblant ses prises de vue de soirées ainsi qu’un ensemble de portraits inédits d’une beauté intemporelle. Véritable plongée dans la vie de celui qui fut surnommé « l’oeil de Bamako », cet ensemble exceptionnel de photographies en noir et blanc révèle comment Malick Sidibé a su saisir, dès le début des années 1960, la vitalité de la jeunesse bamakoise et imposer son style unique, reconnu aujourd’hui dans le monde entier.

D’une famille peule, Malick Sidibé est né en 1935 à Soloba, un village au sud de Bamako, près de la frontière guinéenne. Remarqué pour ses talents de dessinateur, il est admis à l’école des artisans soudanais de Bamako, où il obtient son diplôme en 1955. Il fait ses premiers pas dans la photographie auprès de Gérard Guillat, dit « Gégé la Pellicule », et ouvre le Studio Malick en 1962 dans le quartier de Bagadadji, au coeur de la capitale malienne. Les portraits qu’il y réalise reflètent la complicité qu’il crée naturellement avec ses clients. Malick Sidibé s’implique tout autant dans la vie culturelle et sociale de Bamako, en pleine effervescence depuis l’indépendance du pays en 1960, et devient une figure incontournable très appréciée de la jeunesse. Il est le photographe le plus demandé pour couvrir les soirées et surprises-parties où les jeunes découvrent les danses venues d’Europe et de Cuba, s’habillent à la mode occidentale et rivalisent d’élégance. Pendant les vacances et les week-ends ces soirées durent jusqu’à l’aube et se prolongent sur les rives du fleuve Niger. De ses reportages de proximité, Malick Sidibé rapporte des instantanés emplis de musique, d’authenticité et de joies partagées, qui sont autant de témoignages inestimables d’une époque pleine d’espoir.

Mali Twist réunit plus de 250 photographies qui illustrent le parcours extraordinaire de Malick Sidibé. Une grande partie de l’exposition est consacrée aux soirées bamakoises, qui ont forgé sa réputation de « reporter de la jeunesse ». Sur ces photographies, des couples s’enlacent, des danseurs prennent la pose ou se déhanchent au son du twist, du rock’n’roll et des musiques afrocubaines. Des pochettes que Malick Sidibé élaborait après ces soirées pour proposer ses images à ses clients, viennent compléter cet ensemble. On retrouve parmi ces vintages des photographies aujourd’hui légendaires, telles Nuit de Noël Fans de James Brown ou encore Je suis fou des disques !,.

L’exposition souligne également la diversité des portraits que Malick Sidibé réalisait dans son studio. Jeunes vêtus à la dernière mode, trio sur une moto, enfants déguisés pour le carnaval, femmes d’une parfaite distinction, adolescents radieux, c’est toute la société de Bamako que l’on voit sur les portraits rassemblés pour l’exposition. En les faisant poser devant un fond neutre ou un rideau à rayures, en les photographiant le plus souvent debout, seul ou à plusieurs, parfois en gros plan, Malick Sidibé compose pour chacun de ses modèles un double sur papier, authentique et spontané. Une trentaine de portraits restés inédits sont montrés ici pour la première fois.

Les nombreux tirages d’époque présentés dans l’exposition, développés par Malick Sidibé dans son modeste studio au cours des années 1960 et 1970, constituent le plus vaste ensemble de tirages vintage jamais rassemblés pour une exposition de l’artiste. Ils reflètent la richesse d’une oeuvre généreuse tout à la fois intuitive et instruite. Enfin, l’une des séries les plus emblématiques de Malick Sidibé offre une échappée sur les rives du fleuve Niger, où les jeunes aimaient se retrouver le dimanche pour partager un pique-nique, écouter leurs tubes préférés en 45 tours, s’amuser, jouer et se baigner en présence de Malick Sidibé, témoin fidèle de ces moments joyeux.

Mali Twist a sa playlist originale, imaginée par Manthia Diawara et André Magnin, ainsi qu’un studio photo ouvert à la fantaisie comme à la couleur, réalisé par Constance Guisset. Enfin, des oeuvres du peintre congolais JP Mika et du sculpteur ghanéen Paa Joe, créées spécialement pour cette expositionévénement, révèlent l’ascendance de l’oeuvre de Malick Sidibé sur toute une génération d’artistes. En complément de Mali Twist, sera également projeté, en continu, Dolce Vita Africana (2008), un documentaire de Cosima Spender montrant le quotidien de Malick Sidibé à Bamako et Soloba, son village natal.





« STUDIO MALICK » par Malick Sidibé propos recueillis par André Magnin [Extrait du catalogue de l’exposition Malick Sidibé, Mali Twist Coédition Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris / Éditions Xavier Barral, Paris]

« Devant mon studio, c’était toujours très animé ! J’avais disposé une grande enseigne : « Studio Malick », de deux mètres sur un. C’était le seul endroit illuminé du dehors. »

« J’étais le seul jeune reporter de Bamako à faire des photos dans les surprises parties. Les jeunes de Bamako se regroupaient en clubs. Ils empruntaient leurs noms à leurs idoles – Les Spotnicks, Les Chats Sauvages, Les Beatles, Les Chaussettes Noires –, ou au journal Cinémonde, qui venait de France. […] Souvent dans la rue ils s’appelaient par leur nom de club : « Hé ! Beatles ! ». […] Il y avait aussi les « bals poussière », improvisés dans des endroits un peu à l’écart. J’étais toujours informé directement par les jeunes, par des « prieries » : « Prière de nous honorer de votre présence. […] On avait beaucoup d’occasions de s’amuser. »

« Je crois, mais ça n’engage que moi, que la jeunesse à cette époque a beaucoup aimé les musiques twist, rock ou afrocubaine car elles permettaient aux garçons et aux filles de se rapprocher, de se toucher, de se coller. C’était impossible avec la musique traditionnelle. »

« Les jeunes, quand ils dansent, sont captivés par la musique. Dans cette ambiance, on ne faisait plus attention à moi […], j’en profitais pour prendre les positions qui me plaisaient. Je ne dansais jamais à cause de ma timidité […], je gesticulais juste un peu au rythme de la musique. Certains me demandaient de les photographier pour avoir un souvenir. D’autres allaient s’isoler dehors dans les feuillages et m’appelaient pour que je les prenne avec mon flash pendant qu’ils s’embrassaient dans l’obscurité. Je pouvais utiliser jusqu’à 6 pellicules de 36 poses pour une surprise-partie. »

« J’aimais la photographie en mouvement. Pendant les soirées, les jeunes influencés par la musique sont excités, déchaînés, comme en transe, ils se sentent bien dans leur peau. Quand je les regardais gesticuler avec tant de ferveur, je me disais : « Danser, c’est bon, dans la vie, il faut s’amuser, après la mort c’est fini ! »

« Je faisais les tirages à mon retour des soirées, parfois jusqu’à 6 heures du matin. Je les regroupais par club, puis je les numérotais et les collais sur des chemises cartonnées. […] Je les affichais le lundi ou le mardi devant le studio. Tous ceux qui avaient participé aux soirées étaient là et se marraient en se voyant sur les photos. […] Seuls les garçons achetaient les photos et les offraient en souvenir aux filles. »

« J’avais un Agfa 6x6 à soufflet pliant et à visée simple ainsi qu’un Foca Sport 24x36 car j’avais vu que c’était plus économique. […] J’utilisais surtout le 6 x 6 pour les mariages ou avec le groupe des Zazous, plus âgés que moi, qui étaient devenus des commerçants ou fonctionnaires. Avec mon 6x6 ça faisait plus sérieux. On faisait appel à mes services pour des photos industrielles, pour des constructions de routes, de voies ferrées, de bâtiments et, pendant la semaine, j’avais aussi des commandes d’ouvriers qui voulaient se faire photographier au travail. »

« Le dimanche, pendant les grosses chaleurs, on se retrouvait au bord du fleuve Niger, à la Chaussée, au lieu-dit du “Rocher aux Aigrettes”. […] Les garçons apportaient des électrophones à piles et des disques, on faisait du thé, on se baignait, on dansait en plein air. Je faisais beaucoup de photos à l’improviste, ça me plaisait beaucoup. […] Parfois, bien sûr, les jeunes se positionnaient d’eux-mêmes et demandaient la photo. Combat des amis avec pierres au bord du Niger est une de mes rares photos composées. »

« En studio, j’aimais le travail de composition. Le rapport du photographe avec le sujet s’établit avec le toucher. Il fallait arranger la personne, trouver le bon profil, donner une lumière sur le visage pour le modeler, trouver la lumière qui embellit le corps. J’employais aussi du maquillage, je donnais des positions et des attitudes qui convenaient bien à la personne. J’avais mes tactiques. Ce travail que j’aimais trop m’a fait solitaire. Je ne pouvais plus le quitter ! »