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Women House” article 2273
au 11 Conti - Monnaie de Paris, Paris

du 20 octobre 2017 au 28 janvier 2018



www.monnaiedeparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 19 octobre 2017.

2273_Women-House2273_Women-House2273_Women-HouseLégendes de gauche à droite :
1/  Laurie Simmons, Walking House, 1989. Impression numérique 163 x 117 cm. Courtesy of the artist and Salon 94, New York Private collection, NYC.
2/  Rachel Whiteread, Modern Chess Set, 2005. Tapis, linoleum, contreplaqué, hêtre, résine plastifiée, papier aluminium, metal blanc, émail, verni, fil d’aluminium, cuivre, encre, chrome, peinture laquée, fil en métal, mousse, poignée de transport en tissus. Dimensions of box: 24.5 x 75 x 41.5 cm. Dimensions of board: 3 x 67 x 67 cm. Edition de 7. © Rachel Whiteread. Courtesy of the artist, Luhring Augustine, New York, Lorcan O’Neill, Rome, and Gagosian Gallery.
3/  Cindy Sherman, Untitled Film Still #35, 1979. Tirage gélatino-argentique noir & blanc 40,3 x 31,4 cm. Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York.

 


2273_Women-House audio
Interview de Camille Morineau, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 19 octobre 2017, durée 13'10". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Ich möchte hier raus! - Je veux sortir d'ici !. La femme de l'autre côté de la vitre y a écrit cet appel au secours. Otage muette, il ne lui reste que ce dernier recours pour nous faire comprendre que sa belle robe, sa coiffure soignée sont des masques dissimulant une réalité toute autre. Cette mise en scène de Birgit Jürgenssen nous montre une femme brisant le silence d'une condition imposée. La vitre elle-même, invisible frontière, est la vitrine du magasin ou celle du spectacle d'un intérieur bourgeois. La construction sociale imposant à la femme son rôle est une architecture carcérale.

De Lydia Schouten tournant en rond dans une cage, se frottant aux barreaux comme un animal désespéré à Lucy Gunning escaladant les meubles et murs de sa chambre, la condition féminine est limitée à un minuscule espace clos. La féminité est animale, sauvage, dangereuse, donc elle doit être enfermée. Les ménagères de Birgit Jürgenssen, pâles et maigres comme les prisonnières d'un goulag, s'acquittent de leurs corvées comme d'un dressage destiné à les rééduquer, à les domestiquer. La cuisinière, le fer à repasser sont des laisses et des harnais, indispensables outils de contrôle pour faire partie de la civilisation. L'enfermement se fait aussi par l'objectification. Claude Cahun allongée sur l'étagère d'une grosse armoire est un objet inanimé que l'on range après usage. Le corps de Francesca Woodman est poussé jusqu'à l'effacement, il disparait dans les meubles, derrière le manteau de la cheminée, va jusqu'à se fondre dans le papier peint des murs.

La femme a fusionné avec la maison. Elle est une maison de poupée peuplée de cauchemars, d'abus et de violences chez Penny Slinger, exorcisant un démon phallus argenté. La maison de Rachel Whiteread est un jeu d'échecs dont les pièces sont des réfrigérateurs, machines à laver, planches à repasser, batteries de casseroles. Laure Tixier construit des petites maisons colorées en plaid, détournant le feutre Beuysien en un matériau autant chaleureux que ludique. Ces petites huttes et cabanes invitent dans un monde fantastique et heureux, un champ des possibles finalement ouvert à de belles promesses. Comme le projet Hon de Nikki de Saint Phalle, géante multicolore, généreuse, dans laquelle on entre par le sexe, la femme-maison est confortable, maternante, offrant au visiteur une reconnection avec le féminin par un processus de naissance inversée.

Mr. Slit de Sheila Pepe est une vulve géante en fil tricoté sur un filet de caoutchouc et de métal. Ouverte comme un rideau, elle nous invite à entrer mais sa structure de toile d'araignée sado-maso laisse présager d'une cuisante déconvenue à qui s'y risquerait. Le territoire féminin libéré, reconstruit, demeure une terra incognita, un lieu de fantasmes et de mystères. Comme la théière géante en fer forgé de Joana Vasconcelos qui trône dans la cour l'évoque, ce continent, comme le monde d'Alice, est un monde de merveilles, de magie et d'étonnement.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Camille Morineau, Directrice des Expositions et des Collections de la Monnaie de Paris
Lucia Pesapane, Commissaire d’exposition à la Monnaie de Paris.




Une exposition collective d’artistes femmes organisée par La Monnaie de Paris en collaboration avec le National Museum of Women in the Arts de Washington D.C.

Women House est la rencontre de deux notions : un genre – le féminin – et un espace – le domestique. L’architecture et l’espace public ont été masculins, tandis que l’espace domestique a été longtemps la prison, ou le refuge des femmes : cette évidence historique n’est pourtant pas une fatalité et l’exposition Women House nous le montre. Elle rassemble sur 1000 m2 et dans une partie des cours de La Monnaie, 40 artistes femmes du XXe et XXIe siècle qui se saisissent de ce sujet complexe et mettent la femme au centre d’une histoire dont elle était absente. Après l’étape parisienne, Women House s’exposera au National Museum of Women in the Arts à Washington D.C le 8 mars 2018.

L’enjeu de trouver un espace de travail chez soi a été théorisé en 1929 par Virginia Woolf, qui encourageait les femmes à trouver une chambre qu’elles puissent « fermer à clé sans être dérangé » dans son essai « Une chambre à soi ». C’est la date de « départ » de Women House, dont l’ambition se poursuit de manière thématique jusqu’à des oeuvres récentes, produites par une jeune génération d’artistes femmes, en passant par les années 70, moment où les artistes femmes se rebellent contre la privation d’espace réel - d’exposition, de travail – et symbolique – de reconnaissance.

Les huit chapitres de l’exposition reflètent la complexité des points de vue possibles sur le sujet : ils ne sont pas seulement féministes (Desperate Housewives), mais aussi poétiques (Une Chambre à soi), politiques (Mobile-Homes) ou nostalgiques (Maisons de Poupées). Si la maison peut être pour certaines artistes un symbole d’enfermement et d’aliénation, elle devient pour d’autres une source d’inspiration et de réinvention de soi. De fait les artistes femmes mettent la maison sens dessus dessous : le symbole de l’enfermement devient celui de la construction de l’identité. L’intime devient politique, l’espace privé devient un espace public, le corps se transforme en architecture. Selon les contextes culturels, les générations d’artistes, la maison se ramifie dans une maison-corps, une maison-pays, voire une maison-monde lorsque se pose la question du nomadisme et de l’exil forcé, qui traverse le siècle en même temps que les violences et les guerres.

Le projet est né il y a sept ans, pendant l’exposition « elles@centrepompidou », de la constatation que deux des grandes artistes femmes contemporaines, Louise Bourgeois et Niki de Saint Phalle, avaient toutes les deux consacré une part importante de leur oeuvre à la « femme-maison ». Cette série d’oeuvres est devenue le point de départ d’une recherche plus large, et s’est transformée progressivement en un des chapitres de l’exposition.

D’autres récurrences thématiques communes aux artistes femmes ont construit progressivement les sept autres chapitres : les rituels quotidiens de la vie domestique d’hier et d’aujourd’hui, la confrontation des artistes aux questions d’échelles, la volonté de préserver une mémoire de bâtiments voués autrement à la destruction et à l’oubli, etc.

Les 40 artistes de Women House viennent de quatre continents, et vont de l’historique Claude Cahun jusqu’à une jeune génération : l’artiste mexicaine Pia Camil, l’iranienne Nazgol Ansarinia, la portugaise Joana Vasconcelos, l’allemande Isa Melsheimer ou les françaises Laure Tixier et Elsa Sahal… Certains noms sont connus (Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Martha Rosler, Mona Hatoum, Cindy Sherman, Rachel Whiteread) d’autres sont l’objet de redécouvertes récentes liées à une relecture de l’histoire de l’art plus paritaire (Birgit Jürgenssen, Ana Vieira, Letitia Parente, Heidi Bucher).

Des oeuvres monumentales seront exposées dans les cours de la Monnaie de Paris, dans un parcours liant le Pont des Arts au Pont Neuf rendu public et accessible gratuitement à partir de l’automne 2017.





Le projet d’origine : WomanHouse, 1972
En 1972, Miriam Schapiro et Judy Chicago, les co-directrices du nouveau Programme d’art féministe de l’École des arts de Californie (CalArts), n’avaient pas d’espace pour dispenser leurs cours. Elles décident alors faire de cette contrainte une force, et créent avec leurs étudiants un groupe de travail axé sur la conception de la « maison ». Elles parviennent ensuite à convaincre le propriétaire d’une vieille maison hollywoodienne de leur permettre d’en exploiter les espaces avant sa démolition : l’exposition qu’elles y organisent, intitulée Womanhouse, marque un tournant décisif dans l’histoire de l’art féministe. Cette installation géante, à l’échelle d’une maison, était constituée de 17 « pièces » transformées par 25 femmes artistes. Détruite quatre semaines après sa construction, elle a été documentée par le film de Johanna Demetrakas qui sera montrée au début de l’exposition Women House.