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“Élisabeth Ballet” Tout En Un Plus Trois
au MAC VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine

du 21 octobre 2017 au 25 février 2018



www.macval.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Frank Lamy, le 20 octobre 2017.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Élisabeth Ballet, Fabrique II, série « Night Roofline », 1999. Contreplaqué, H 115 x L 188 x P 151 cm. Collection du FRAC Aquitaine. Vue du centre d’art contemporain le Creux de l’enfer, Thiers. © Adagp, Paris 2017. Photo © J.Damase.
2/  Élisabeth Ballet, Blump Piece, 2007. Résine, perchman H 175cm, perche L 500 cm. Vue de l’exposition « Contrepoint de la sculpture », département des sculptures, Musée du Louvre, Paris. © Adagp, Paris 2017. Photo © Élisabeth Ballet.

 


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Interview de Frank Lamy, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Vitry-sur-Seine, le 20 octobre 2017, durée 12'15". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Frank Lamy assisté de Julien Blanpied



Avec cette exposition d’Élisabeth Ballet, le MAC VAL renoue avec la monographie en dédiant l’ensemble de son immense plateau de 1300 m2 à cette artiste française à la longue carrière qui s’était un peu éloignée des projecteurs. Si « Tout En Un Plus Trois » offre un éventail de sa pratique sur plus de 30 années de travail, elle n’est pas totalement conçue comme une rétrospective, car chaque oeuvre, extraite d’une des nombreuses séries de l’artiste - toutes ici représentées - est réactivée pour l’occasion, remise en jeu voire réinterprétée. Le commissaire, Frank Lamy, préfère alors parler de « rétrospective prospective ». Ainsi, l’exposition du MAC VAL éclaire le travail d’Élisabeth Ballet en 2017 en racontant une histoire non pas du passé, mais du présent. Les matières et les formes s’encastrent, se complètent, se repoussent, s’attirent et invitent les visiteurs à déambuler dans un vaste dispositif qui se joue de l’architecture et se fait architecture, où les corps rentrent en interaction avec les sculptures, où les oeuvres orientent les regards, dessinent des espaces de protection, créent des perspectives, se font sculptures, chemins, corridors, seuils ; où parfois les mots se font oeuvres et où les oeuvres se jouent des mots. Fidèle à son habitude, Élisabeth Ballet livre ici des traces éparses de repères autobiographiques en laissant apparaître un habile jeu d’opposition entre espace public et intime, laissant ainsi émerger l’ébauche d’un récit.





Tout En Un Plus Trois – texte de Frank Lamy

Les oeuvres d’Élisabeth Ballet, en général, découlent de l’épreuve d’un lieu, se construisent et s’élaborent à partir des contraintes et spécificités de l’occasion pour laquelle elles sont produites. Dans le cas d’une rétrospective, qui, par essence, réunit de l’hétérogène, comment jouer de cette relation d’interdépendance forte avec le lieu d’origine dans un lieu d’arrivée à l’architecture très prégnante ?

Nous avons élaboré plusieurs hypothèses, plusieurs scenarii. Nous avons fait des choix. « Nous nous sommes concentrés sur des sculptures détachées de leur contextes de réalisation, elles sont prélevées dans les séries Vie privées, Sept pièces faciles, Night Roofline ou Face à main. Les contraintes matérielles et personnelles sont capitales dans le choix, la création, l’orientation conceptuelle d’une exposition. » Et, avons opté pour un regard rétrospectif, privilégiant les oeuvres autonomes, posées là, comme nonchalamment disposées, arrangement dandy, qui réfléchissent la question du lieu, orchestrent le déplacement. « J’imagine les oeuvres un peu comme les pièces d’un billard électrique. L’exposition se vit par rebond d’une pièce à l’autre », précise Élisabeth Ballet.

Une exposition raconte une histoire/des histoires. Un récit spatial et mental. Qui excède la seule réunion, dans un même espace, d’oeuvres disparates. Pour Élisabeth Ballet, chaque exposition est un terrain de remise en jeu.

Les oeuvres, ici, sont autant de fragments, d’éléments d’un récit que constitue la série, et/ou l’exposition pour laquelle elles ont été réalisées. L’exposition rétrospective prélève des parcelles dans ces récits, des éléments, hétérogènes, pour les agencer, les moduler en d’autres faisceaux narratifs.

Tout En Un Plus Trois.

Les notices, qui accompagnent chaque oeuvre, chaque exposition, rédigées par l’artiste après coup, font état de leurs origines, de leurs mouvements, de leurs fabriques ; elles sont racontées, narrées, prises dans un récit global (une « chronique biographique »), lui-même composé de l’assemblage de toutes ces gestes racontées, mais jamais n’assignent un sens, une direction, une signification autre que celle de leur nécessaire présence même.

Les oeuvres de Ballet ressortent du lieu de la sculpture. Souvent, ses oeuvres désignent un espace qu’elles n’occupent pas. Elles contiennent fréquemment du mouvement suggéré, induit, représenté.

Les oeuvres sont tout autant d’ilots, d’archipels narratifs, qui s’ancrent, traduisent, formalisent quelque chose d’une expérience singulière du monde.

Chaque oeuvre fonctionne comme un syntagme. Réassemblées, reconfigurées, ré-agencées, elles produisent de nouvelles phrases, de nouveaux énoncés. Des récits inédits.

Le travail met en forme une traversée, un usage, unique, personnel du réel. Il active quelque chose d’une économie quasi psychanalytique, analytique pour le moins. Elle suggère de « peut-être proposer une nouvelle lecture plus psychanalytique, dans laquelle ce vide, ce degré zéro, peut avoir une source plus personnelle, de l’ordre d’un espace de la mémoire intentionnellement laissé vacant (pour des raisons de survie en général). »

Elle dit : « L’escalier, l’échelle, le corridor sont des sculptures de passage d’un lieu vers un autre ; le carton indique l’éphémère, le déménagement ; la boite ce qui est caché, conservé. ». Et aussi : « L’absence, le silence… occupent mon travail. ». Elle ajoute : « Les sculptures-enclos sont pleines d’absences à elles-mêmes comme soustraites de l’espace qu’elles occupent, c’est le lieu d’une histoire muette. J’en dessine méticuleusement chaque détail comme s’ils étaient agrandis à la loupe, leurs gravités sont dans leurs contours extérieurs et dans les assemblages, leur centre est silencieux. »

Il y a quelque chose de la vacance. Comme un vide, une suspension, une absence, une disponibilité.

Les oeuvres de Ballet sont autant de matérialisations de la pensée en train de se faire. L’esprit et le corps en mouvement. Activent également la réflexion de celles et ceux qui regardent et contournent.

Dessiner, organiser la trajectoire, le plaisir de dérouter, rythmer l’espace. Entourer, enchâsser, emboiter, superposer, imbriquer, enclore, délimiter, protéger, isoler, entourer, détourer, prélever, préserver, cerner, qualifier, désigner…

Arpenter, contourner, déambuler, marcher, traverser, parcourir, entrer, sortir, buter…

Les oeuvres d’Élisabeth Ballet en appellent à l’expérimentation individuelle. Le visiteur est face à des objets, des situations, des lieux. Des espaces de projection, de désignation.

Seuils, transitions, paliers, barrières, couloirs, corridors, enclos, balustrades, capots, écrans... Elle précise : « Tout ce qui sépare ». Elle privilégie les espaces de passage, de transition.

Ni l’un ni l’autre. Et l’un et l’autre.

Des matériaux de construction, de transition, de déplacement, de protection. Carton, parpaing, métal, films plastiques etc. Toute une matériologie particulière.

Ce qui est représenté (comme autant de fragments détachés du réel, refaits, repris, reproduits), les matériaux utilisés, les titres (de chaque oeuvre individuellement ainsi que de chaque sériée) activent des déflagrations poétiques, des suspensions sémantiques qui produisent autant de récits nouveaux.

Si l’oeuvre d’Élisabeth Ballet s’ancre dans une expérience intérieure et intime du réel, et ses possibles transcriptions ; si l’artiste résiste à toute interprétation socio-politique de ses oeuvres tout au moins pour en décrire les intentions ; ces variations déroulées autour de motifs comme la clôture, le seuil, la frontière ne sont pas sans résonner singulièrement avec l’actualité immédiate.

Beau comme la rencontre d’une hotte de cuisine avec un mur de parpaings sur une table d’orientation.

Frank Lamy