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“Le chic français” Images de femmes, 1900-1950
au Palais Lumière, Evian

du 28 octobre 2017 au 21 janvier 2018



www.palaislumiere.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, voyage presse et présentation de l'exposition par les commissaires, le 27 octobre 2017.

2279_Chic-Francais2279_Chic-Francais2279_Chic-FrancaisLégendes de gauche à droite :
1/  Jean Moral, Mode pour Harper’s Bazaar, modèle en Schiaparelli, 1939. Tirage au gélatinobromure d’argent sur papier, 24,5 x 21cm. © Brigitte Moral, musée Nicéphore Niépce, ville de Chalon sur Saône.
2/  Germaine Krull, Mode année 30. Négatif sur verre au gélatino-bromure d’argent. © musée Nicéphore Niépce, ville de Chalon sur Saône.
3/  Jardin des Modes 256, 1er mai 1938. 30 x 20 cm. © musée Nicéphore Niépce, ville de Chalon sur Saône.

 


2279_Chic-Francais audio
Interview de Sylvain Besson,
directeur des collections photographiques du musée Nicéphore Niépce et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Evian, le 27 octobre 2017, durée 16'20". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Sylvain Besson, Directeur des collections photographiques du musée Nicéphore Niépce (Chalonsur-Saône)
William Saade, Conseiller artistique et scientifique du Palais Lumière
François Cheval, commissaire indépendant




Avec plus de 300 oeuvres (photographies, magazines, dessins,…), l’exposition au Palais Lumière porte un regard rétrospectif sur l’histoire de la photographie de mode au début du XXème siècle en France, dont l’évolution est étroitement liée à celle de la place de la femme dans la société.

Les débuts de la photographie de mode sont timides et peu audacieux. De nombreux magazines diffusent la mode au début du XXème siècle mais le dessin y occupe une place prépondérante. Si dans les médias, la place de la photographie de mode connaît un essor similaire à celui de la photographie en général, jusque dans les années 1920 les contraintes liées aux techniques d’impression ne favorisent pas son utilisation. Les photographes travaillent en studio, les modèles restent statiques et les mises en pages sont rigides et peu inventives. Cette manière de mettre en scène la mode et le vêtement est évidemment à mettre en correspondance avec le statut de la femme dans la société.

Dans les années 1920-30, une « Nouvelle Vision » s’impose. Des photographes comme Jean Moral, Maurice Tabard, André Steiner, pratiquent une photographie résolument moderne et différente.

Pendant l’entre-deux guerre, la photographie et les magazines accompagnent et soutiennent l’émancipation des femmes. Les photographes multiplient les expérimentations formelles, inventent des angles de prises de vue spectaculaires, proposent des cadrages audacieux et des sujets modernes ; ils offrent une nouvelle image de la femme, une « vision » enfin libérée.

Véritables touche-à-tout, ces photographes, recrutés par le monde de la mode, mettent leur savoir-faire éprouvé au service des magazines et contribuent à diffuser l’image d’une féminité moderne, chic, dynamique et urbaine. Les séances enfin libérées des studios, et réalisées dans les rues de Paris participent pleinement à la reconnaissance de Paris comme capitale de la mode.






Parcours de l’exposition :

Partie 1 : le dessin pour représenter la mode, les débuts de la presse féminine

Après des débuts timides peu avant la Révolution française, la presse connaît un essor considérable à la fin du XIXème siècle. S’adressant à des lectorats divers, la presse hebdomadaire féminine offre à voir les nouveautés de la mode avec force descriptions et gravures. La Mode illustrée, Les Modes, Le Petit Echo de la Mode sont imprimés en grand format et privilégient la narration pour décrire les modèles, les illustrations, gravées, étant particulièrement détaillées. Ces magazines permettent de se tenir au courant de l’actualité et fournissent aux couturières les éléments indispensables pour reproduire les modèles présentés. Alors que plusieurs studios semblent vouloir se spécialiser dans la photographie de mode, les coûts d’impression limitent l’utilisation de la photographie dans la presse. Le dessin et sa reproduction par la gravure restent privilégiés. Sous l’impulsion de couturiers novateurs et prescripteurs comme Paul Poiret et d’éditeurs visionnaires tel Lucien Vogel, des revues de grande qualité voient le jour, faisant le pari de rapprocher la mode des beaux-arts. Véritable incarnation du goût raffiné et moderne de son époque, La Gazette du Bon Ton signe à la fois l’apogée et la fin du dessin de mode dans les magazines.

Partie 2 : les premiers studios, quand la photographie remplace le dessin
À partir du milieu des années 20, certains magazines choisissent la photographie pour créer une nouvelle esthétique et accélérer la diffusion des tendances de la mode parisienne. Plusieurs agences et studios de photographes (Rol, Manuel, Séeberger) consacrent une partie de leur activité à fournir aux magazines des photographies d’élégantes aux courses, aux théâtres et en soirée. La mode n’est d’ailleurs pas seulement diffusée dans les magazines qui lui sont entièrement consacré, L’Art Vivant et autres revues théâtrales assurent aussi la promotion des toilettes à la mode, par le biais de la photographie. En marge de cette production journalistique, des photographes « artistiques » tel le baron de Meyer, proposent, influencés par les pictorialistes une nouvelle approche esthétique de la photographie de mode.

Partie 3 : l’avant-garde photographique, expérimentation et nouvelle image de la femme
Les moyens techniques pour reproduire la photographie dans les magazines évoluent rapidement à la fin des années 1920 et favorisent son utilisation. Conjointement, André Steiner, Man Ray, Maurice Tabard, François Kollar et les avant-gardes photographiques proposent une nouvelle vision des femmes et peu à peu intègrent l’industrie de la mode. Les magazines de mode évoluent aussi dans leurs contenus, concourant, par du rédactionnel non plus exclusivement orienté vers le vêtement mais dédié à des conseils de beauté et de savoir-vivre, à diffuser une nouvelle image de femme moderne, chic et sportive, amenée à s’émanciper. Les nouveaux titres de magazines d’actualité illustrés par la photographie font ainsi largement appel aux photographes indépendants pour promouvoir la mode et la « femme française ».

Partie 4 : la presse illustrée de mode et l’avantgarde, l’exemple de Jean Moral
Jean Moral débute sa carrière comme graphiste et photographe de studio au sein de l’atelier Tolmer en 1928, il y côtoie Pierre Boucher, Louis Caillaud ou Pierre Verger. Ce début de carrière est intimement lié à sa relation amoureuse avec Juliette Bastide qu’il photographie au gré de leurs pérégrinations. Heureuse et souriante, Juliette se prête bien volontiers au jeu et ce sont ces dizaines de clichés qui feront la célébrité de Moral au début des années 1930 (Diversion, Photographie, Paris Magazine, etc.). À partir de 1933 débute une collaboration fructueuse avec Harper’s Bazaar. Seul photographe français exclusif du célèbre magazine, le style de Jean Moral correspond à la ligne graphique et éditoriale du nouveau Harper’s Bazaar : prises de vue hors du studio, angles de vue audacieux et instantanéité, Moral use de tous les artifices pour montrer « la » femme des années 30, une femme moderne, chic, urbaine, dynamique et évidemment parisienne.






Extrait du catalogue [sous la direction de Sylvain Besson.]

Jean Moral & Harper’s Bazaar
par Sylvain Besson

« Lorsque Carmel Snow quitte Vogue pour son concurrent Harper’s Bazaar en 1932, ce dernier est loin de soutenir la comparaison. Sa mise en page statique n’a pas évolué, le dessin de mode y est majoritaire et les rares photographies publiées sont celles du Baron de Meyer, qui s’il fut très à la mode vers 1900, n’est plus dans l’air du temps. Les portraits de studios, en pied et vaporeux, dans la tradition pictorialiste sont l’identité visuelle du magazine mais manquent cruellement de dynamisme à un moment où tout s’accélère : l’industrie, les arts et la mode.

Pour animer son magazine, Carmel Snow s’entoure de jeunes gens talentueux et ambitieux avec qui elle renouvelle Harper’s Bazaar au point d’en faire LE magazine de mode de référence des années 30, celui qui servira de modèles aux autres parutions, aux Etats-Unis comme en Europe. En 1934, elle recrute Alexey Brodovitch pour créer la nouvelle maquette et suivre les mises en pages, en 1936, A.M. Cassandre remplace Erté pour la conception des couvertures quand Diana Vreeland les rejoint comme journaliste puis rédactrice de mode. Snow, Vreeland et Brodovitch sont convaincus que la clé du renouveau est d’accorder une large place à la photographie, portée qui plus est par des auteurs neufs et plus en phase avec la modernité. C’est dans ce contexte que Jean Moral débute sa collaboration avec Harper’s Bazaar.

Ancien collaborateur d’Alexey Brodovitch au studio de graphisme Tolmer, Jean Moral a débuté sa carrière de photographe au sein de cet atelier en 1928. Il y a côtoyé Pierre Boucher, Louis Caillaud ou Pierre Verger. Sur son temps libre, Moral photographie tout ce que croise son regard, son appareil l’accompagne à chaque instant. Dans la monographie qu’il lui consacre, Christian Bouqueret parle d’« oeil capteur », notion que confirme bien plus tard la fille de Jean Moral qui le décrit photographiant compulsivement ses proches. Le début de la carrière photographique de Jean Moral est intimement lié à son histoire d’amour avec Juliette, qu’il épousera en 1931. Moral photographie la jeune femme partout, tout le temps et sous tous les angles, au gré de leurs pérégrinations amoureuses. Juliette est heureuse, souriante, elle se prête volontiers au jeu. Elle lui sert parfois de modèle, pour la marque Diana Slip par exemple, mais la plupart du temps, Moral la photographie sans prétexte professionnel, juste pour rendre compte de sa jeunesse, de son dynamisme, de sa liberté et de leur bonheur de vivre. Or, ce sont ces clichés intimes qui, publiés et exposés, feront la célébrité de Jean Moral : les photographies de Juliette durant leurs vacances à Lacanau dans la famille de Juliette ou leurs séjours dans les alpes autrichiennes paraitront dans de nombreux magazines tout au long des années 30 On peut affirmer qu’au début des années 30, Jean Moral est un photographe à la mode : ses photographies sont publiées dans de nombreux magazines en France et à l’étranger. Il expose ses travaux à la librairie de la Plume d’Or à Paris et à l’exposition Das Lichtbild à Munich (juin-septembre 1930). Des collectionneurs s’intéressent dès cette époque à son travail et lui achètent des photographies.

Moral et Harper’s Bazaar se découvrent avec la commande d’un reportage photographique dans la nouvelle résidence du dessinateur d’Harper’s, Reynaldo Luza au cap de Formentor à Majorque.

La série réalisée par Moral met en scène Juliette dans l’architecture contemporaine du lieu conçue par Luza : les jeux de lignes claires et droites, les ombres géométriques et les points de vues transcendés par la modernité du bâtiment sont des prétextes réussis pour mettre en valeur sa compagne et le corps féminin (plus d’ailleurs que les vêtements). Ce reportage d’une très grande élégance devient le fil rouge de la carrière de Moral : au moins une photographie du reportage est publiée dans huit numéros de Paris Magazine, dans le Magazine de Paris et bien sûr dans Harper’s Bazaar en juillet 1933.

La collaboration entre Moral et Harper’s Bazaar durera vingt ans (1933-1952). Moral travaille intensivement lors de la sortie des collections, au printemps et à l’automne ce qui s’accorde bien avec son souhait d’avoir du temps libre pour Juliette ou réaliser des reportages pour d’autres magazines. Le style du photographe s’intègre parfaitement à la nouvelle ligne graphique et éditoriale du magazine. Prises de vue hors studio, angles audacieux, instantanéité, Moral use de tous les outils à sa disposition et qui ont fait son succès pour donner à voir la femme des années 1930 : une femme moderne, chic, urbaine et dynamique. Connu pour ses photographies en extérieur, Jean Moral est encouragé par Carmel Snow à montrer les modèles dans Paris, ville coeur de la mode et Brodovitch se régale de ces compositions vives qui dynamisent ses mises en page. Le chic est français, le chic est parisien et Jean Moral en fut le meilleur ambassadeur. »