contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Yang Yongliang” Time Immemorial
à la Galerie Paris-Beijing, Paris

du 4 novembre au 23 décembre 2017



www.galerieparisbeijing.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition - montage en cours, le 3 novembre 2017.

2283_Yang-Yongliang2283_Yang-Yongliang2283_Yang-YongliangLégendes de gauche à droite :
1/  Yang Yongliang, Outside n°5, 2005. Giclee Print, 60x 60cm. © Yang Yongliang, courtesy Galerie Paris-Beijing.
2/  Yang Yongliang, Fall into Oblivion, 2015. Experimental Film, 58’13” (video still). © Yang Yongliang, courtesy Galerie Paris-Beijing.
3/  Yang Yongliang, Time Immemorial, The Path, 2016. Giclee print on fine art paper, 80 x 80 cm. © Yang Yongliang, courtesy Galerie Paris-Beijing.

 


2283_Yang-Yongliang audio
Interview de Yang Yongliang,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 3 novembre 2017, durée 17'35". © FranceFineArt.
(avec l'aimable traduction de Valentine Esteve)

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Comme deux siècles qui s'opposent, d'un côté un mur lisse, brillant, composé de trois écrans plats fait face à des boîtes de bois encadrant des photographies rétroéclairées ressemblant à des daguerrotypes. Dans un noir et blanc d'encre de chine et de lavis, des montagnes émergent de la brume, s'estompent dans un lointain laiteux, des pins aux branches torturées et sinueuses se détachent, on distingue ici et là des villages et des temples perchés sur les sommets.

Ces paysages obéissent fidèlement aux normes de la peinture classique chinoise, mais se révèlent être des photomontages numériques, des éblouissants effets spéciaux de cinéma de science-fiction. Les collines sont composées d'un assemblage de photographies de villes, juxtaposant modestes maisons de villages et gratte-ciels de mégapoles, elles sont surmontées de grues et de pylônes électriques.

Sur les écrans, un paysage similaire s'étend en cinémascope. Ici c'est la nuit, au ciel étoilé répondent les milles lumières de la ville. L'image est vivante, rythmée des pulsations d'un cœur artificiel: les grues s'animent, les fenêtres d'allument et s'éteignent, les trains et métros entrent et sortent de tunnels, les phares des automobiles glissent en silence le long des autoroutes. Tous ces détails sont minuscules, perdus dans l'immensité d'une cité tentaculaire, hégémonique, recouvrant toute la géographie de vallées et de collines. De la nature, il ne reste que le relief du terrain, chaque mètre carré a été conquis, occupé. Seul le ciel demeure vierge, inaccessible (pour l'instant?), scintillant de sa majesté d'étoiles et d'aurores boréales. L'humanité apparait dans l'arrogance de sa confrontation avec les cieux et en même temps, l'échelle de la projection laisse voir dans chaque petite lumière un destin individuel dérisoire, atomisé, impuissant, ballotté par le courant de la modernité.

Dans son film Fall into oblivion, Yang Yongliang explore cette confrontation entre l'homme et la nature. Un homme - ou une femme, on ne sait pas - prisonnier d'une armure de Kendo comme de la cage que représente son masque, erre entre deux mondes. Ses déambulations lentes lui font traverser une Tokyo futuriste, ses gigantesques carrefours, ses avenues d'enseignes et de néons, ses enchevêtrements d'autoroutes, de ponts et de passerelles. Le décor de béton et d'acier, de tuyaux et de câbles électriques est filmé comme une abstraction, une grande roue de fête foraine devenant un vaisseau spatial sorti de 2001 l'odyssée de l'espace. Par des ouvertures dans cet enfer de béton, le personnage passe de l'autre côté du miroir, trouvant un apaisement dans une forêt ou au bord d'un océan rageux se fracassant sur des rochers. Sa solitude est la même dans une ville où chacun vaque avec empressement à ses occupations que dans une forêt silencieuse, elle n'est brisée que par les visites d'un corbeau et d'un chat blanc. Ce film emprunte autant à Blade Runner qu'à Apocalypse Now, Kurosawa, ou aux Oiseaux de Hitchcock. La cinématographie d'un superbe noir et blanc très abouti se soucie du spectateur, sait le happer, l'asseoir et le faire rester jusqu'à la fin, et cela, sans transiger sur l'exigence du discours et l'élégance du style. Dans ce récit muet, l'homme finit par se faire face à lui-même et se combattre dans un affrontement guerrier.

Dans ce rapport entre nature et artificialité, dans ces glissements temporels, Yang Yongliang parle de la perte de l'identité. L'identité d'un homme s'effaçant dans l'immensité d'une ville ressemble à celle d'une culture devenant muette sous les assauts des images, des marques et des signes recouvrant l'environnement urbain. Les jalons du temps sont ensevelis sous l'immédiateté tonitruante et cacophonique de la modernité. La nature n'est pas que des vagues et des arbres, elle est un ensemble de repères, de points d'ancrage de nos cultures, sa disparition sous le bitume des villes signe aussi la fin de nos identités et de notre parole.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Paris-Beijing présente Time Immemorial dévoilant les nouvelles photographies et installations vidéo de Yang Yongliang.

L’artiste basé à Shanghai continue de bousculer notre conscience collective, questionnant nos problèmes économiques, environnementaux et sociaux, anticipant les effets dévastateurs de l’urbanisation effrénée et de l’industrialisation en Chine comme ailleurs. Inspiré par la culture ancestrale et le célèbre Shan Shui,* Yang Yongliang pratique la photographie numérique à la manière d’un peintre. La vision d’ensemble de son oeuvre rappelle celle d’un paysage, mais un examen minutieux révèlera une image composée de formes créées par la main de l’homme et la représentation d’un contexte résolument urbain. Les arbres qui caractérisent les peintures classiques de la dynastie Song deviennent des tours en treillis métallique ou des pylônes sur lesquels sont tirées des lignes électriques. Ses habitants sont coupés de l’environnement naturel et semblent mener une vie qui va de pair avec une sorte de pseudo anonymat.

Avec la nouvelle série Time Immémorial (2016) l’artiste continue de développer une approche critique de la réalité tout en cherchant une source de spiritualité dans la marche inexorable de son pays entre progrès technologique et annihilation. L’imagerie urbaine contemporaine en total décadence est toujours omniprésente: les montagnes recouvertes des gigantesques gratte-ciel en ruines seront bientôt submergées par la monté des eaux, qui occupent de plus en plus la surface. Pourtant Yang Yongliang suggère subtilement une réconciliation possible entre tradition et modernité, nature et culture. Dans cette nouvelle série, la matérialité même de la photographie en tant que medium est traitée. Dans un premier temps, les images originales créées numériquement sont imprimées en négatif sur une feuille de papier beaux arts. Chaque image est ensuite photographiée à l’aide d’une chambre photographique. Puis, le film est présenté dans un écrin de bois retro-éclairé. Il s’agit pour l’artiste de préserver une image digitale sur un film photographique traditionnel.

Ferons également partie de l’exposition trois nouvelles vidéos saisissantes Journey to the Dark (2017), Prevailing Wind (2017) and Endless Streams (2017) exploitant pour la première fois la technologie 4K. L’installation immersive Eternal Landscape (2017) permet au spectateur, à l’aide d’un casque de réalité virtuel, de plonger au milieu des ruines dans l’univers achromatique de l’artiste.

Parallèlement à ses dernières vidéos 4K sera présentée pour la première fois à la galerie la série Outside (2005). Elle rassemble des vues d’espaces abandonnés toujours capturés selon un plan frontal avec une ouverture murale dans la partie centrale de l’image permettant un accès à l’environnement extérieur. Les images ont été prises dans des usines désaffectées en voie de démolition situées près de la ville natale de l'artiste dans le but de garder le souvenir de ces structures destinées à disparaître.

Pour clôturer l’exposition, le long métrage expérimental Fall into Oblivion (2015) sera projeté. Le scénario est influencé par la lecture de Yang Yongliang du récit «Peach Blossom Spring» de Tao Yuanming et mène le spectateur dans un rêve hors du temps. Vêtu d’une armure de kendo, le protagoniste se positionne comme une figure solitaire au milieu d’une métropole occupée. Il est seul et détaché du chaos de la civilisation urbaine.



Né à Shanghai en 1980, durant dix ans il apprend la peinture traditionnelle chinoise auprès du maître calligraphe Yang Yang. A la fois photographe, peintre, vidéaste et plasticien, il est diplômé du Shanghai Institute of Design, China Academy of Art, en communication visuelle et design. Il enseigne actuellement au Shanghai Institute of Vision Art.
Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions, notamment Disorder, l’exposition itinérante liée au Prix Pictet, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, et au Musée de l’Homme qui compte désormais une oeuvre de l’artiste dans ses collections permanentes, China in Motion ( 2017) aux Musées d’Annecy en parallèle du Festival du Film d’animation, Shanshui Within ( 2016) au MoCa de Shanghai. Il a également participé à la double exposition 2050. Une Brève histoire de l’avenir (2015), inspirée du livre homonyme de Jacques Attali, au Louvre, aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique et au Palazzo Reale à Milan, Italie. En 2014, il a participé à la 5ème Triennale de l’art asiatique à Fukuoka et l’exposition d’envergure Chinese Ink au Metropolitain Museum of Art de New York. En 2013, il prend part à la 5ème Biennale d’art contemporain de Moscou. En 2012, il est exposé au sein du Palais des Beaux- Arts de Lille pour l’exposition Babel et au Ullens Center for Contemporary Art de Beijing pour The Creator Project.