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“Globes” Architecture et sciences explorent le monde
à la Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris

du 10 novembre 2017 au 26 mars 2018



www.citechaillot.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 9 novembre 2017.

2287_Globes2287_Globes2287_GlobesLégendes de gauche à droite :
1/  Giovanni Paolo Panini, Intérieur du Panthéon à Rome, 1747. Huile sur toile. © Cleveland Museum of Art.
2/  Etienne-Louis Boullée, Projet de cénotaphe de Newton, coupe. © bnf, Estampes et photographie.
3/  Elisée Reclus, Globe terrestre au 320 000me pour l’Exposition universelle de Paris, 1900. © Archives Nationales.

 


2287_Globes audio
Interview de Yann Rocher, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 9 novembre 2017, durée 17'32". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Yann Rocher, architecte, historien de l’architecture, enseignant à l’ensa Paris-Malaquais



L’exposition « GLOBES » raconte une double histoire : comment les architectes participent, aux côtés des géographes, des astronomes, des mathématiciens, comme aussi des peintres ou des gens du spectacle, à la découverte de la Terre et du ciel, et à leur représentation ; et comment, en retour, la forme de globe hante l’architecture, ses humanistes et ses utopistes, d’Étienne-Louis Boullée au XVIIIe siècle à Rem Koolhaas de nos jours.

Quand il s’agit de montrer notre planète et le cosmos, le savoir des architectes s’ajuste à celui des savants, embarqués dans la même aventure encyclopédique, pour construire globes terrestres et voûtes célestes, inventer la mappemonde, l’observatoire ou le planétarium, des équipements du savoir et des instruments du pouvoir.

L’exposition retrace l’épopée de ces architectures, souvent spectaculaires, et de leurs concepteurs. Avec eux, la sphère rejoint la pyramide ou l’arche dans le corpus des formes qui fascinent par leur charge symbolique. L’histoire du globe est donc aussi un regard transversal sur l’architecture, tant elle utilise la sphère pour célébrer les grandes aspirations humaines : révolutionnaires, universalistes, impérialistes ou encore futuristes…

Voilà l’architecture présentée dans une très belle posture : à la croisée des arts et des sciences. Grâce à ces liens, les monuments au globe appartiennent à d’autres histoires que celle de l’architecture. Histoire des idées, à travers les traités utopistes et leurs villes idéales, histoire des nations et des empires dont le globe symbolise la volonté de puissance, histoire du progrès, jalonnée par les expositions universelles, sans oublier l’histoire de la pensée scientifique et de la conquête de l’espace.

L’exposition « GLOBES » s’adresse aux amateurs de merveilleux comme aux assoiffés d’érudition. Elle révèle en creux la succession de visions de l’homme sur la planète : fragment du cosmos pour les hommes de la Renaissance, enjeu de conquête scientifique à partir des Lumières, milieu à protéger depuis l’entrée dans l’ère anthropocène.





L’exposition

Au fil des siècles, les projets d’architecture qui imitent les formes et mouvements de la Terre et du ciel sont suffisamment nombreux pour constituer une véritable histoire, un récit à écrire de manière vivante et structuré. En tissant des liens avec la géographie, l’astronomie et la sciencefiction, l’exposition construit une histoire transversale de l’architecture, issue d’une rencontre entre culture populaire et recherche savante.

Elle aborde un motif idéal, la quête de la représentation du monde terrestre et du cosmos par la géométrie sphérique. Est ainsi racontée l’épopée de ces bâtiments, lieux à la fois de savoir et de pouvoir, unis par leur rotondité. L’exposition revient sur ces projets atypiques, souvent inconnus ou peu étudiés, où les architectes furent les maîtres d’oeuvre de formes spectaculaires dans lesquelles se sont déployés tout à la fois des savoirs techniques et scientifiques et de multiples vocations.

Organisée autour de 15 itinéraires et 90 projets construits ou non, principalement du milieu du XVIIe siècle à nos jours, documentés et illustrés par de nombreuses maquettes, dessins, plans et films, l’exposition permet d’observer et comprendre comment chaque concepteur est parvenu à matérialiser la forme sphérique et à accommoder sa géométrie parfaite aux contingences de la construction et de la gravité terrestre.

Le rapprochement de projets issus d’époques et de contextes très différents (les Lumières, le XIXe siècle et ses Expositions universelles, les guerres mondiales, la conquête de l’espace, etc.) autorise les comparaisons et les généalogies, la recherche des spécificités et les origines des idées (les types de globes, la scénographie de leurs espaces, les idéologies et idéaux portés par leurs programmes, les mécanismes et techniques de constructions, etc.).

Ainsi, l’exposition propose une plongée dans un musée imaginaire du monde et de ses récits.





Le globe, image du monde

Le globe architectural trouve sa matrice en Occident dans le panthéon romain qui, symboliquement, a cherché à représenter le ciel par une forme de voûte. Cette tradition va perdurer, y compris au-delà de la révolution copernicienne et la découverte de l’héliocentrisme, jusqu’à être revitalisée AU XVIIIe siècle par les architectes des Lumières. L’invention du planétarium pour la voûte céleste puis du géorama (panorama tridimensionnel) pour la voûte terreste au début du XIXe siècle confèrent au globe une première fonction pédagogique dans la formation des géographes et astronomes.

Dans les imaginaires, la fin du XVIIIe siècle est aussi largement influencée par les premiers vols de montgolfières et de ballons, ces « globes volants ». La volomanie inspire les architectes qui investissent alors le thème de l’astronomie pour une série de temples et de cénotaphes. Mais ce sont les grandes Expositions universelles tout au long du XIXe siècle et au XXe siècle qui marquent l’intensification de la construction de globes, à la fonction généralement ludique.

À Paris, le géographe Élisée Reclus est le principal protagoniste de cette période. Il propose la construction d’un « Grand Globe », une maquette destinée à représenter fidèlement la Terre dans les proportions inégalées de 1/100 000.

Aux États-Unis, plusieurs entrepreneurs prévoient également de bâtir de véritables attractions démiurgiques pour l’Exposition universelle de Saint-Louis (1904) puis dans le parc à l’architecture sensationnelle de Coney Island, près de New York. On construit des machineries sophistiquées convoyant les foules dans des espaces qui n’hésitent pas à concentrer une ville entière dans un globe ou à offrir un parcours cosmogonique sur la création de la Terre.

Ces globes agissent comme de véritables mises en récit et mises en scène du monde en proposant de voir notre planète dans son intégralité et d’être témoin de sa révolution. Leurs dispositifs offrent ainsi la possibilité à l’homme de se mesurer, corporellement, aux dimensions et masses des corps célestes ; ils accomplissent l’utopie architecturale de la rencontre de l’architecture humaine avec les très grandes échelles qui régissent l’univers.

L’époque est aussi à réinterroger le lien entre voûte architecturale et voûte céleste. Alors que l’astronomie délaissait cette relation séculaire, Walther Bauersfeld révolutionne le genre en inventant en 1912 une sphère fixe recevant des faisceaux lumineux mobiles. Il conçoit ainsi une représentation projetée du ciel qui constitue l’acte de naissance du planétarium moderne.

Après la Première Guerre mondiale, la littérature des années 1920 et 1930 va redéfinir le globe comme outil de représentation du pouvoir, de décision et de gestion des territoires et des ressources. Si au XIXe siècle les romans de Jules Verne s’inscrivaient dans un mouvement de vulgarisation scientifique et de foi dans le progrès, le roman d’anticipation et la prospective scientifique de l’entredeux-guerres développent les thèmes de la colonisation de l’espace, de la terraformation voire de planètes artificielles telles que rêvées par le romancier Hugo Gernsback.

Américains et soviétiques s’illustrent alors dans la représentation de leurs ambitions. Grigori Gidoni réinterprète l’idéal d’un développement du communisme à l’échelle planétaire et invente un globe-auditorium tournant autour d’une faucille et d’un marteau tandis qu’aux États-Unis deux globes d’acier sont édifiés juste avant la Seconde Guerre mondiale. L’un par un journal souhaitant symboliser son inscription dans le monde géopolitique, l’autre afin de présenter la cité du futur lors d’une foire internationale : la Périsphère de New York.

Dans les années 1960, la compétition entre les deux puissances pour la conquête du ciel et de l’espace nourrira à son tour l’imaginaire des architectes. Certains cherchant à reproduire et immerger l’individu dans le milieu spatial, son apesanteur et son infini dans une symbiose cosmologique entre l’homme et l’Univers, alors que d’autres rejouent la conquête spatiale. Si les regards se tournent vers un espace aux limites constamment repoussées, d’autres projets semblent quant à eux vouloir rétablir un référentiel sur Terre. La sphère, symbole d’unité et de totalité est la forme idéale d’une aspiration au sacré et au divin.

Dans les « communautés » à l’instar d’Auroville, ses concepteurs l’installent au centre de l’espace pour en faire un centre de gravité. D’un point de vue théorique, l’oeuvre de l’américain Richard Buckminster Fuller sur le dôme géodésique développé depuis les années 1940 domine largement l’exploration de la sphère en architecture durant l’après-guerre. Son travail rencontre une reconnaissance mondiale avec la construction du pavillon des États-Unis lors de l’Exposition universelle de Montréal en 1967 puis de déclinaisons telles que la Spaceship Earth, géode de 18 étages relatant l’histoire de la communication entre les hommes au sein du parc d’attraction epcot.

Un genre que la science-fiction explore également à travers les Space Opera, devenus particulièrement populaires dans les années 1970. L’Étoile Noire du film Star Wars en constitue l’exemple le plus célèbre. Station spatiale mobile et sphérique, elle devient le symbole d’une folie techniciste et d’un futur profondément déshumanisé où la nature ne subsiste guère que sous forme entièrement contrôlée.

En 2007, deux générations plus tard, le Convention and exhibition center de Rem Koolhaas et Reiner de Graaf démontre l’inspiration profonde que constitue cette culture de l’espace sur l’oeuvre tangible des architectes. Leur projet, nid de fer et de verre caractéristique des structures gigantesques, est organisé pour s’inclure, avec précision, entre la Terre et le Ciel. Comme une ultime tentative de confronter l’architecture humaine à l’échelle du globe.

Un catalogue coédité par les éditions Norma et la Cité de l’architecture & du patrimoine accompagne l'exposition.