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“Nino Migliori” La matière des rêves
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 17 janvier au 25 février 2018



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition en cours de montage, le 15 janvier 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Nino Migliori, Série « Lumen », Il Compianto di Niccolò dell’Arca, 2012. © Fondazione Nino Migliori, Bologna, Italie.
2/  Nino Migliori, Il garzone del barbiere, 1956, Série « Gente del Sud » . © Fondazione Nino Migliori, Bologna, Italie.
3/  Nino Migliori, Série « Cancellazioni », 1954. © Fondazione Nino Migliori, Bologna, Italie.

 


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Interview de Alessandra Mauro, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 janvier 2018, durée 17'38". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire d’exposition : Alessandra Mauro



Cette exposition à caractère rétrospectif couvre plus de soixante ans de carrière de ce photographe italien curieux et innovateur et dont la production, sans cesse renouvelée, échappe à toute classification.

Le parcours s’ouvre sur une sélection de tirages en noir et blanc, images humanistes prises à Bologne, sa ville natale, dans les années 1950. On y voit des enfants jouant dans la rue, s’amusant à la piscine et de nombreuses autres scènes de la vie quotidienne, comme la visite chez le coiffeur.

Dévoilant le goût prononcé du photographe pour l’expérimentation, l’exposition se poursuit avec des images abstraites réalisées grâce à différents procédés innovants : des « hydrogrammes », conçus avec des gouttes d’eau déposées entre deux plaques de verre et qui évoquent des toiles « all over » de Jackson Pollock ; des « sténopéogrammes », images en mouvement prises avec une camera obscura, ou des « cellogrammes », qui captent des effets éphémères de lumière. Le travail avec le Polaroid est également un aspect fondamental de son oeuvre, ici représenté par une série très poétique de prises de vue retravaillées à la main et réalisées à la maison du peintre Giorgio Morandi. Onirique et singulier, le regard de Nino Migliori ne cesse de questionner la matière du monde qui l’entoure pour en produire des ensembles étonnants et toujours justes.

Nino Migliori est né à Bologne en 1926 où il vit et travaille. Cet architecte de la vision conçoit chacun de ses projets comme une recherche sur notre capacité de voir, thème qui caractérise toute son oeuvre. Ses photographies sont dans de nombreuses collections publiques et privées : Mambo à Bologne, Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea à Turin, CSAC à Parme, Museo d’Arte Contemporanea Pecci à Prato, Galleria d’Arte Moderna à Rome et Calcografia Nazionale à Rome, MNAC à Barcelone, MoMa à New York, Museum of Fine Arts à Houston, BnF à Paris, Museum of Fine Arts à Boston ; Musée Réattu à Arles, SFMOMA à San Francisco.





Nino Migliori, par Alessandra Mauro, commissaire de l’exposition.

Nino Migliori surprend par l’étendue de sa production et par la diversité des projets qu’il a réalisés. Tout ce que Migliori a fait et continue à faire, tout ce qu’il a produit et qu’il a pensé, tourne autour d’un seul point fort : comprendre ce qu’est la photographie et de quelle manière ce langage, fait d’équilibre chimique et d’appareils mécaniques, est entré dans notre quotidien et l’a changé irrémédiablement. Cette approche singulière vient du réalisme, de ce besoin de donner une réalité tangible et visible à la vie au quotidien.

« J’ai commencé à faire de la photographie en 1948, on était à peine sorti de la guerre et j’éprouvais le besoin de saisir la vie, la réalité, en fixant les moments de la vie de tous les jours qui aujourd’hui nous paraissent banals mais qui, à l’époque, avaient une signification forte, liée sans doute au sentiment de liberté et à la possibilité de choisir.»

Migliori rentrait chez les gens, captant les cérémonies, les fêtes, allant même chez le coiffeur ou au bar local juste avant la fermeture du soir. Son style purement documentaire est proche des photographes humanistes de la deuxième moitié du 20e siècle, mais il a cherché aussi de nouveaux points de vue transformant la vision de la ville avec des perspectives nouvelles et des poses plastiques. Sa photographie est entière, effrontée, curieuse de tout. Cette approche de la réalité est commune aux photographes de sa génération, Giacomelli, de Biasi, Roiter, même si le résultat est différent.

La série des « Murs » marque le début d’une recherche sur le langage photographique et ses interprétations possibles qui se poursuit encore aujourd’hui. « J’ai fait les “Murs” parce que je m’intéressais à l’homme. Ce sont les seuls documents du passé de l’homme depuis les grottes d’Altamira jusqu’aux graffitis ou les peintures murales de Pompéi ». Le travail sur les murs illustre ce besoin de témoigner du geste, de la trace de l’homme et du passage du temps. Ce qui intéresse Migliori, c’est aussi son propre geste, celui de l’auteur qui, deus ex machina, choisit, met en scène et réalise le cliché. « À cette époque dans une petite pièce chez moi, j’ai bricolé moi-même, faute de moyens, une camera obscura, et j’ai développé et imprimé la nuit avec la soif de voir apparaître les résultats. Et c’est là que je suis tombé sur un phénomène étrange. Un écoulement de révélateur mal fixé sur un papier sensible m’a ouvert tout un nouveau monde, non seulement une représentation “réelle” mais la possibilité de concevoir une image avec fantaisie et mouvement. De là est née une expérimentation continuelle, soit avec des inventions techniques comme l’oxydation, les pyrogrammes et les hydrogrammes, soit avec des techniques plus anciennes comme les clichés-verre ou les « photogrammes ».

Le travail de Migliori sur les Polaroids représente une partie fondamentale de son oeuvre surtout à partir des années 1980. Avec le Polaroid il explore la possibilité de laisser sa propre empreinte sur le papier photographique pendant la courte période de développement, ce moment éphémère dans la banalité du simple instantané. « Avec les Polaroids je me suis rendu compte que faisant des petites pressions avec mon ongle ou mieux encore avec quelque chose de rigide, l’image se développait sous mes yeux et que, petit à petit, se déformaient et se reformaient sur la surface, des signes rouges, jaunes, noirs, selon l’intensité de la pression ».

À la même période, Migliori commence à réaliser des installations/performances comme le légendaire Controtempo Blu de 1977 à la Galleria Blu où chaque invité portait autour du cou un Polaroid fraîchement réalisé par un autre invité, créant ainsi un cercle d’identité et de portraits tous liés entre eux.

Migliori vit avec son temps, il écoute, il regarde, il assimile et fait la comparaison entre les expériences qui l’entourent. Il est très attentif aux nouveaux moyens de communication, curieux des nouvelles potentialités de la photographie. Faire de la photographie, affirme Nino Migliori, signifie choisir et transformer. Presque comme une procédure alchimique, le matériau choisi se transforme en quelque chose d’autre, comme un souvenir pour ceux qui viendront, ou un questionnement pour les contemporains, un nouveau chemin à parcourir, parmi toutes les voies que Migliori a ouvertes.