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“Anaïs Boudot” La noche oscura
à la galerie binome, Paris

du 19 janvier au 3 mars 2018



www.galeriebinome.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Anaïs Boudot, le 18 janvier 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Anaïs Boudot, sans titre (arbre Soria), série La noche oscura, 2017. © Anaïs Boudot, courtesy Galerie Binome.
2/  Anaïs Boudot, sans titre (diptyque pierres), série La noche oscura, 2017. © Anaïs Boudot, courtesy Galerie Binome.
3/  Anaïs Boudot, sans titre (ronce), série La noche oscura, 2017. © Anaïs Boudot, courtesy Galerie Binome.

 


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Interview de Anaïs Boudot,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 18 janvier 2018, durée 10'15". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

« La noche oscura » est la première exposition monographique d’Anaïs Boudot à la Galerie Binome qui la représente depuis 2017; année que l’artiste a consacrée à la production d’un nouveau corpus d’oeuvres dans le cadre de sa résidence à l’Académie de France à Madrid, la Casa de Velazquez.

Lors de ses promenades dans la sierra ibérique, Anaïs Boudot glane des cailloux comme elle photographie. Sous la lumière aveuglante, éléments naturels et architecturaux sont comme des impacts de formes et de contours, des images mémorielles. Inspirée par ces fulgurances, l’artiste opère des aller-retours entre lumière naturelle - celle trouvée sur les lieux qui, de l’extérieur, révèle les formes à ses yeux – et lumière fabriquée - celle de l’atelier argentique et numérique, qui, de l’intérieur, illumine les objets photographiés. Enfin, la lumière restituée serait celle qui tendrait à nous éclairer. Sur ces mêmes chemins empruntés par Thérèse d’Avila, Anaïs Boudot propose avec la série La noche oscura de faire l’expérience du secret des lieux de passage vers une vérité inaccessible. Les photographies de sentiers, escaliers et couloirs qui nous y conduisent, baignent dans une obscurité irréelle ponctuée d’éclats lumineux, d’arbres, pierres, branches et racines, tels des icônes. À l’instar des cailloux bleus qu’elle a semés, l’accrochage de l’exposition fait office d’un fil d’Ariane à suivre en pointillé. Dans ce “hors-temps” instauré, les repères visuels sont brouillés et le doute installé : qui de l’architecture précède la paroi rocheuse, que distingue le minéral du végétal, la lumière de la couleur et l’ombre du silence.

« La noche oscura » interroge sur la présence des choses lorsque la vue déroge au sens admis et s’attarde... elle est une vision, un cheminement à emprunter.






[ extrait ] « Anaïs Boudot en son château intérieur » par Léa Bismuth, catalogue Casa de Velazquez 2017

Donc, pour revenir à notre bel et délicieux château, nous devons voir comment nous pourrons y pénétrer.
Sainte Thérèse d’Avila, Le Château intérieur ou Les Demeures

Tout discours mystique a ceci de particulier, de vertigineux, et peut-être d’effroyable, d’être conjointement ouverture absolue sur les possibles et accès à l’inconnu. Voilà donc le paradoxe : chercher l’inconnu comme réponse, à une quête ou à une plainte, pour mieux trouver l’inconnu en tant que tel ; infiniment poursuivi, celui-ci affleure telle une lumière aveuglante dans la nuit la plus obscure, et dans laquelle il faut plonger. De Thérèse d’Avila à Maurice Blanchot et Georges Bataille, en passant par Michel de Certeau, la formulation mystique est un mouvement consistant à tourner incessamment autour d’une pierre dure, irréductible, qui prendrait aisément le nom de secret. Le secret est bien ce contre quoi l’on bute, ce qui arrête le geste, mais il est aussi le moteur de l’action, la mise en scène et la poétisation de l’existence, la respiration des êtres, et la qualification non-dite de toutes choses. Car le secret, autre nom de l’art, est à l’origine des simulacres, des fictions et des voix, des images enchâssées les unes dans les autres, des mises en abîme et des fantasmes. Anaïs Boudot travaille ainsi au coeur du secret : traversant les paysages et les villes d’Espagne (Tolède, Ségovie, Avila) sur les traces de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, celle-ci se donne pour guide l’errance même, à la recherche de visions, de lieux de passages, d’architectures brisées. Ses photographies — en des manipulations et étapes successives, numériques et argentiques, leur accordant un grain et une indéniable picturalité — portent en elles une densité baroque qui les constitue et les insuffle, créant des zones de flou, des noirs d’encre, des nuances de gris, et des apparitions renvoyant aux lisières du rêve et de la mémoire. La photographe sillonne des espaces et des géographies définis par leur complexité, pour mieux reconstruire des territoires qui seraient, à l’oeil nu, inaccessibles. Ce qu’elle convie à chaque instant est avant tout l’expérience du regard qui doute, relance à ses franges, se prend les pieds dans le tapis de l’invisible, cet insaisissable à quoi il faut, malgré tout, donner une forme, et donc une sorte de vérité. Ses images habitent l’épaisseur du temps : archéologiques, elles le sont, au sens où elles grattent à la surface du sensible afin de s’engouffrer dans l’étendue chaotique des pierres et des sculptures qui restent, des marches d’escalier qui montent vers des lieux à circonscrire et à habiter, des chambres d’attente autant que de demeure.