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“Julien Creuzet” article 2321
à la Fondation d’entreprise Ricard & à Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris

du 23 janvier au 19 février 2018 & du 24 janvier au 14 avril 2018



www.fondation-entreprise-ricard.com

www.betonsalon.net

 

© Anne-Frédérique Fer, visite des expositions, à la Fondation d’entreprise Ricard, le 22 janvier 2018 & à Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, le 23 janvier 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Julien Creuzet, 2006-12-03-Melbourne FL USA-manowar. © Julien Creuzet, Courtesy de l'artiste.
2/  Julien Creuzet, Toute la distance de la mer […]. © Julien Creuzet, Courtesy de l'artiste.
3/  Julien Creuzet, 2006-12-03-Melbourne FL USA-manowar. © Julien Creuzet, Courtesy de l'artiste.

 


2321_Julien-Creuzet audio
Interview de Julien Creuzet,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 12 janvier 2018, durée 12'02". © FranceFineArt.

 


texte de Mireille Besnard, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Dans l’une, des panneaux de bois peints et gravés s’emboîtent pour former des structures qui croisent horizontalité et verticalité. Dans l’autre, quelques rangées de sièges d’avion, pointent, renversés à la verticale, vers le haut. Ici et là, des sculptures et mobiles suspendus tiennent dans un équilibre à la fois magique et précaire. Dans l’une et l’autre salles d’exposition, la voix de Julien Creuzet envahit l’espace avec ses poèmes chantés et ses rythmiques lancinantes.

Pour cette exposition bicéphale qui prend simultanément place à la Fondation Ricard et à Bétonsalon, Julien Creuzet ramène au centre de l’attention les derniers cyclones et tempêtes qui ont meurtri les Caraïbes et le sud étasunien. Dans deux installations distinctes, il place sur le devant de la scène ces anciennes terres d’esclavage, dans une spatialité complexe où les polarités se dissolvent dans un même et unique espace fictionnel aux temporalités multiples, un espace-monde en bouillonnement. Dans un même temps, cette géographie de circonstance qui amène le visiteur de l’exposition à migrer des champs élyséens aux Grands Moulins parisiens et vice-versa, met en scène le déplacement et la distance. Cette disposition, comme les installations de l’artiste, joue de la circulation des idées, des denrées, des matériaux et des personnes, dans un mouvement mêlant merveilleux et dangerosité.

Cette ambivalence s’inscrit dans la forme et dans l’agencement des choses qui refusent le figement. Hybridation, détournement, refaçonnage d’objets et de matières forcent une polysémie formelle dynamisée par une chromatique vive. Chaque nouvelle perspective ouvre un sens nouveau. L’artiste ne se contente pas d’assemblage, il sculpte l’objet plastique -baskets, poubelles-, comme on le ferait du bois. Il moule le film polyéthylène comme on le ferait de bandes de plâtres. Il torsade les câbles et désassemble les tapis, peint au colorant alimentaire fait à base de pétrole. Les matières finissent par se combiner dans un même objet jusqu’à une certaine végétalisation du plastique et la quasi absorption de l’organique. On serait presque séduit par cette mutation, si ce n’est le rappel constant de la toxicité du mancenillier, cet arbre aux pommes mortelles, si ce n’est la présence des galères portugaises, animal marin dont le toucher peut provoquer la mort, si ce n’est la fragilité de ces sculptures qui chez Julien Creuzet jouent toujours d’équilibre fébrile.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Mélanie Bouteloup, directrice, Bétonsalon - Centre d’art et de recherche

Fondation d’entreprise Ricard [du 23 janvier au 19 février 2018] : Toute la distance de la mer, pour que les filaments à huile des mancenilliers nous arrêtent les battements de coeur. – La pluie a rendu cela possible (…)

Bétonsalon - Centre d’art et de recherche [du 24 janvier au 14 avril 2018] : La pluie a rendu cela possible depuis le morne en colère, la montagne est restée silencieuse. Des impacts de la guerre, des gouttes missile. Après tout cela, peut-être que le volcan protestera à son tour. – Toute la distance de la mer (…)



La Fondation d’entreprise Ricard et Bétonsalon - Centre d’art et de recherche présentent conjointement une double exposition personnelle de l’artiste français Julien Creuzet (1986, Le Blanc-Mesnil).

Dans ce projet, Julien Creuzet commente et met en forme des histoires de déplacement, d’exils, d’acculturation et de réappropriation des identités. Ses oeuvres mêlent éléments du quotidien, formes en bois, poésie, chansons et musique. Elles habitent les lieux des deux institutions et dialoguent entre elles : dans l’une l’artiste transforme des meubles blancs standardisés en forêts radieuses habitées, tandis que dans l’autre des formes en bois suspendues semblent retenir leur respiration, tiraillées entre différentes forces organiques, synthétiques ou financières. Creuzet place au coeur de ses installations le lien entre identités et économies, qu’il s’agisse des trajectoires transatlantiques des Antillais.e.s ou de celles des migrant.e.s des Suds globaux, sujets d’une division raciale du travail qui ne dit pas son nom et pourtant transparaît dans tous nos lieux de vie, qu’ils soient intimes ou publics.

En composant des paysages multilinéaires faits d’éléments hétérogènes, mêlant ouragans des Caraïbes, marchés couverts de Montreuil et galères portugaises, Creuzet fait écho aux préoccupations du philosophe Achille Mbembe qui dans son essai Politiques de l’inimitié (La Découverte, 2016) se demande : « Comment, dans les conditions contemporaines, contribuer à l’émergence d’une pensée capable de contribuer à la consolidation d’une politique démocratique à l’échelle du monde, une pensée des complémentarités plutôt que de la différence ? » En pensant les émotions et les expériences particulières du monde, il crée un espace social et formel habité où marges et centres sont remis en cause.

À la Fondation d’entreprise Ricard, l’exposition s’achèvera le lundi 19 février par une journée de performances. À l’issue de ce chapitre, toutes les oeuvres seront rassemblées à Bétonsalon - Centre d’art et de recherche pour former un dernier ensemble foisonnant. Les expositions seront accompagnées d’une publication gratuite commune aux deux institutions.